Intervention de Claude Gissot

Réunion du jeudi 21 février 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Claude Gissot, directeur de la direction de la stratégie, des études et de la statistique à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) :

Je vais revenir sur la constitution du SNIIRAM et les données qu'il contient.

Cette histoire, qui place aujourd'hui la France en pointe sur la question de la collecte des données médico-administratives, a commencé dans les années 2000. Le SNIIRAM s'est ensuite développé en différentes étapes et enrichi au fil du temps. Comme l'a souligné M. Aubert, les principales données le composant sont recueillies au moment de la liquidation du remboursement des soins. Il faut savoir qu'environ 1,2 milliard de feuilles de soin sont traitées chaque année par l'Assurance maladie et des dizaines de millions de séjours hospitaliers intégrés : cet ensemble de données a constitué le SNIIRAM, première brique essentielle dans le dispositif.

On parle de « données médico-administratives » dans le sens où il ne s'agit pas de données médicales recueillies par le professionnel de santé lui-même : ce système ne comporte pas de diagnostics médicaux directs, ni de résultats d'analyses. Tous ces éléments sont absents du SNIIRAM, ce qui constitue l'une de ses limites, mais nous projette aussi dans l'avenir, dans les recueils que nous devrons organiser pour compléter l'existant et développer ainsi les usages du point de vue de la connaissance, de la recherche, de l'appui à la décision médicale, etc.

Concrètement, le traitement de plus d'un milliard de feuilles de soins, qui représentent des centaines de téraoctets de données, nécessite des infrastructures adaptées. Nous avons actuellement près d'une quinzaine d'années d'ancienneté dans les données collectées, ce qui en fait un gisement extrêmement important, propice au développement et à l'utilisation de technologies différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui, en termes notamment d'intelligence artificielle et d'algorithmie.

Le SNIIRAM recense par exemple tous les médicaments délivrés par les pharmacies, tous les actes médicaux réalisés par les médecins et les professionnels de santé, avec un degré de détail très important, dans la mesure où les nomenclatures ont été affinées au fil du temps. Ceci a permis d'atteindre un degré de précision extrêmement important dans ces domaines, qui conduit finalement à la capacité d'en créer les usages. Il faut savoir que les données sont rattachables à un individu précis, dans un environnement pseudonymisé : ainsi, les nom, prénom et adresse des personnes n'existent pas dans la base et les identifiants individuels sont des pseudonymes. Bien entendu, le degré de précision de ces données (dates de soin, actes pratiqués, professionnels impliqués, établissements ayant accueilli les patients, etc) fait que leur croisement les rend indirectement identifiantes. Il est donc essentiel de les protéger. C'est la raison pour laquelle les procédures d'accès aux données sont strictement encadrées par des dispositifs validés avec la CNIL en termes de procédures et assurant fondamentalement la protection de la vie privée des gens qui confient ces données à la puissance publique par l'intermédiaire des producteurs de soin. Ces dispositifs permettent à chaque personne autorisée, selon ses besoins et la finalité de ses requêtes, d'accéder à certaines informations, dans un cadre général visant à la protection des données.

La CNAM, en tant que régulateur, a beaucoup utilisé ces données depuis quinze ans. Nous avons été les premiers à en démontrer l'utilité, à travers un certain nombre d'études, dont quelques-unes sont restées célèbres, concernant notamment l'aspect délétère de divers médicaments. Les travaux récents et assez médiatisés menés sur des médicaments comme le valproate ou l'Androcur sont permis par cette base et en révèlent l'utilité.

Nous avons également développé au cours des dernières années la détermination indirecte des pathologies au travers du contenu de la base. On peut en effet déduire des médicaments pris par une personne la pathologie dont elle souffre. Ce n'est pas un diagnostic porté par les médecins, mais une déduction effectuée à partir de la combinatoire des informations contenues. Ce point constitue la première étape vers une utilisation algorithmique. Aujourd'hui, l'usage que nous faisons de ces données est essentiellement déterministe, mais il ouvre la voie à d'autres opérations plus complexes, utilisant des technologies plus avancées.

Je terminerai cet exposé par un volet plus prospectif. Ce socle de données médico-administratives sera d'autant plus intéressant qu'il sera potentialisé par le reste des données. Il a été question des résultats de biologie, d'éléments d'imagerie, d'autres données encore : le fait de mettre toutes ces informations ensemble permettra aux usages de se développer. Il faut également envisager l'utilisation des données produites par le patient lui-même : tous les éléments qu'il pourra reporter sur son état de santé ou les résultats vécus dans le cadre de son processus de soin sont de nature à améliorer la compréhension de l'ensemble de la prise en charge, donc au final à apporter des arguments et des outils à la politique publique de santé.

Nous sommes une brique de base et avons devant nous tout un pan à développer, du point de vue des données et de leur recueil, mais aussi en matière d'investissement dans la technologie. Il faut notamment mettre les outils d'exploitation à l'état de l'art, afin d'améliorer l'efficience d'exploitation des données. Ceci suppose notamment d'investir dans les ressources humaines, c'est-à-dire dans les compétences techniques et métiers, avec des professionnels connaissant parfaitement le système de santé et les prises en charge, mais aussi des datascientists, dans le prolongement de l'action des statisticiens.

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