Merci pour ces interventions très éclairantes. Je ne suis absolument pas spécialiste des sujets de santé et travaille plutôt sur les questions de défense nationale, notamment sur l'armée de terre. J'ai été étonné de constater, en vous écoutant, à quel point les réflexions en matière de défense et de santé étaient proches. Ceci n'est finalement pas si surprenant, dans la mesure où, dans les deux cas, la vie est souvent en jeu : on a donc besoin d'une éthique forte, de prendre parfois des décisions rapidement. La crainte quant au partage des données et les questions relatives à l'articulation avec les industriels, à l'interopérabilité des systèmes, sont également du même ordre.
Je m'interroge pour ma part sur notre capacité collective à faire en sorte que notre puissance publique, en l'occurrence notre système de santé collectif, puisse rester dans la course par rapport aux acteurs privés. L'un des premiers risques évoqués est celui de la sous-efficience liée au fait de ne pas utiliser l'IA en matière de santé. À plus long terme, au-delà de la sous-efficience, c'est même notre système de solidarité collective qui pourrait être remis en cause. La CNIL a fait part de l'émergence d'acteurs privés dont le modèle économique repose sur la revente des données de santé. Il me semble que l'écosystème qui se met en place, avec le développement des objets connectés, est de nature à favoriser le développement de business models faisant entrer massivement de nouveaux acteurs dans ces domaines. De la même manière, on a vu ces dernières années, dans le monde de la défense, des organisations non étatiques développer des capacités qui mettent en grande difficulté les puissances étatiques occidentales, grâce à l'appropriation massive de technologies. N'y a-t-il pas un risque lié au fait que la technologie puisse, à terme, remettre en cause la pérennité de nos systèmes de solidarité collective, en raison de l'entrée massive d'acteurs privés ? Comment, collectivement, s'en prémunir ?