Intervention de Jeanne Bossi-Malafosse

Réunion du jeudi 21 février 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeanne Bossi-Malafosse, avocate associée, Delsol avocats :

Je vais tenter de proposer une synthèse de tout ce qui a déjà été dit et de rattacher ceci au droit, puisque nous sommes dans la perspective de l'examen prochain d'un projet de loi. Je pense que le fait de compléter demain le système national des données de santé avec l'ensemble des données produites par les professionnels de santé en vie réelle serait une avancée majeure. Ainsi, il ne devrait plus être possible à l'avenir de produire du soin sans produire de la donnée.

Ceci étant dit, encore faut-il mettre ce dispositif en place. Il existe sur ce point un chantier majeur d'urbanisation des systèmes d'information de l'ensemble des professionnels de santé à mener, que ce soit en ville ou à l'hôpital, pour savoir quelles données transmettre dans ce fameux SNDS et sous quelle forme. Plusieurs intervenants ont évoqué la question de la structuration des données. Faut-il des données structurées ? Faut-il aussi des données non structurées ? Il s'agit d'un problème majeur.

Ceci rejoint en outre la question, fondamentale, de l'interopérabilité : on ne pourra pas alimenter le SNDS avec ces données si l'on ne travaille pas davantage à l'interopérabilité à la fois technique et sémantique des systèmes d'information. Il est en effet essentiel d'utiliser le même langage pour décrire la situation d'un malade. Des travaux ont déjà été menés dans ce domaine, mais la France n'est guère en avance. D'aucuns évoquaient le numéro de sécurité sociale (INS) : qu'il soit en clair ou pseudonymisé, ce numéro constitue un référentiel d'interopérabilité majeur, puisque l'on est capable dorénavant grâce à lui de certifier l'identité d'un patient et surtout de rattacher les bonnes données aux bons patients, ce qui est essentiel. Cela me ramène à mon propos de début de matinée incitant à la publication des arrêtés rendant ces référentiels opposables, non pour le plaisir de multiplier les textes, mais pour disposer juridiquement d'une situation non ambiguë sur ce point.

La gouvernance est également un élément très important. Il faut évidemment que l'État garde la main, car il s'agit d'une fonction régalienne que de garantir la santé publique. Or tout ce dont il est question ici ce matin vise précisément à garantir une meilleure santé publique pour la population. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le statut des organisations mises en place est majeur pour leur bon fonctionnement ultérieur. Il faut simplifier, clarifier, développer des modèles, des services numériques et s'interroger sur la question de savoir si le recours à un statut de filiale d'un GIP ou de société par actions simplifiée ne pourrait pas être plus efficace.

Le contre-pouvoir de tout ce système est la CNIL, qui depuis quarante ans accompagne tous les projets de recherche, sans les bloquer, avec toujours beaucoup de pragmatisme. Je pense par conséquent qu'il convient de renforcer les pouvoirs de la CNIL sur ce point, sans nécessairement créer de nouveau comité chargé de se prononcer sur l'éthique, alors même que ce rôle incombe déjà à la Commission nationale informatique et libertés.

J'ai enfin noté, dans les dispositions finales du projet de loi, la ratification d'un certain nombre d'ordonnances, notamment celle du 16 juin 2016 qui vient consacrer la loi Jardé sur les recherches impliquant la personne humaine. M. Vert vient d'évoquer les essais cliniques pour l'IA : il s'agit d'un aspect fondamental. Il faut savoir que, dans le cadre de la loi Jardé, a été créée une nouvelle catégorie de recherches, dites « non interventionnelles », ce qui pose beaucoup de problèmes aux acteurs aujourd'hui, puisque par définition une recherche impliquant la personne humaine ne peut pas être non interventionnelle. Ce cadre juridique est source de difficulté et pose des questions quant à la réutilisation des données à des fins de recherche ou d'intelligence artificielle. Or la ratification de cette ordonnance telle quelle rendra cette ambiguïté pérenne. Peut-être faudrait-il saisir cette occasion pour s'interroger sur cette catégorie particulière de recherches non interventionnelles, qui pourraient très bien n'être soumise qu'aux dispositions de protection des données personnelles et non pas aux comités de protection des personnes.

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