Madame la ministre, l'ordre d'apparition des amendements fait qu'il me revient la lourde tâche d'ouvrir cette discussion commune sur ce que vous appelez la « coercition », terme trompeur et abusif. Ce n'est pas cela que nous avons en tête, lorsque nous déposons ces amendements, qui visent à ce que les jeunes diplômés de médecine s'installent prioritairement en zones sous-denses. J'ajoute, en préalable à la présentation de cet amendement, ainsi que de l'amendement no 1128 – je le défendrai en même temps, monsieur le président, si vous le voulez bien – , que vous avez clos le débat avant qu'il n'ait lieu : en effet, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, vous ne cessez de répéter en toute occasion que vous n'êtes pas favorable à l'imposition de contraintes.
Or, depuis des décennies, les gouvernements successifs reculent devant l'obstacle, alors même que les autres formes de mesures ont échoué. En effet, si nous en sommes encore, en 2019, à constater de façon quasi unanime l'existence de déserts médicaux, non seulement ruraux mais parfois aussi urbains, c'est la preuve que les politiques publiques conduites précédemment ont échoué.
Par ailleurs, nous constatons, au travers des discussions que nous avons depuis le début de la semaine, que toutes les mesures incitatives déployées et renforcées ne conduisent pas toujours à une densification de la population médicale. Nous avons tous en tête des maisons médicales créées à grand renfort de deniers publics, dans lesquelles, malheureusement, aucun professionnel n'exerce. Nous devons donc nous demander s'il n'est pas temps de franchir une étape.
Je propose donc, avec ces deux amendements, de demander aux jeunes diplômés de médecine de s'installer dans des zones sous-denses pendant une période limitée. Il ne s'agit absolument pas de remettre en cause le statut libéral des médecins, ni leur liberté, dans une carrière longue, d'exercer où bon leur semble : il s'agit de leur demander de contribuer au bien public en exerçant pendant une période limitée – pour ma part, je préconise de la fixer à un maximum de cinq ans, même si d'autres collègues ont une approche plus nuancée – , à l'issue de leurs études dans une zone sous-dense.
Par ailleurs, madame la ministre, je m'interroge sur la cohérence de votre posture consistant à dire « pas de coercition, pas de contrainte », alors que les mesures que vous défendez incitent les médecins retraités à continuer d'exercer dans ces mêmes zones sous-denses. Cela permettra certes de combler des dents creuses mais ne peut pas constituer une solution satisfaisante sur le long terme : ce n'est qu'un pis-aller. Je n'ai rien contre les médecins retraités qui veulent continuer à exercer leur métier mais, à terme, la France des zones sous-denses mérite elle aussi d'avoir des médecins en âge d'exercer leur profession.
De plus, tout en soutenant qu'il faut garantir aux médecins la liberté d'exercer, vous créez des postes de médecins salariés pour les zones sous-denses. Ces médecins-là ne seront pas des libéraux : qu'est-ce que cela signifie pour le concept même d'exercice libéral et pour votre défense des médecins libéraux ?
Enfin, la troisième mesure que vous défendez pour ces zones sous-denses, refusant toujours imposer de contraintes, concerne les médecins adjoints. Je pense être, comme d'autres ici, un parlementaire pragmatique. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : ce débat doit avoir lieu !