L'article 8 est effectivement d'une grande importance, et je vais essayer de répondre à toutes vos interrogations.
Lors de mon audition en commission des affaires sociales, je m'étais engagée à essayer d'inscrire dans la loi un maximum de dispositions pour éviter de passer par les ordonnances. Je vous ai proposé de le faire pour les missions des hôpitaux de proximité, car je souhaitais que vous puissiez débattre de ce sujet qui est au coeur de la réforme. Ces missions sont maintenant inscrites dans la loi.
Votre rapporteur a également proposé que tout ce qui est relatif au financement soit discuté dans le cadre du PLFSS. Je rappelle que nous souhaitons sortir d'un financement à l'activité, car la vocation de ces hôpitaux n'est pas de chercher à faire des actes et de l'activité, mais de servir une population de proximité.
Ne reste finalement plus dans le champ de l'ordonnance que la question de la gouvernance. En la matière, nous nous sommes engagés à donner une place aux représentants des professionnels de ville, aux élus locaux et aux représentants des patients – c'est, à grands traits, le schéma global, même s'il nous faut poursuivre la concertation pour parachever la rédaction.
Le champ de l'habilitation est donc minimal. L'essentiel, à savoir les missions, pourra être discuté dès demain matin dans l'hémicycle.
J'ai souhaité effectuer avec vous un travail de coconstruction et me placer dans une position d'écoute. Un certain nombre d'entre vous ont expliqué que pour des raisons d'éloignement géographique, les missions socles devaient pourvoir être adaptées à des situations territoriales particulières. J'en ai tenu compte en vous proposant de faire apparaître des missions optionnelles, à la carte, sur-mesure, dont nous discuterons demain. J'ai donc nettement élargi le champ des missions. Nous pourrons en reparler, monsieur Grelier, car j'ai tenu compte de vos remarques.
Cette réforme est majeure. Je ne souhaite pas qu'elle échappe au Parlement : je la mène avec vous. C'est l'objet de notre discussion sur l'article 8. Il est important que vous compreniez que l'objectif consiste à revitaliser les territoires et à adapter l'offre hospitalière à leurs besoins.
Vous êtes nombreux à avoir parlé de la carte hospitalière. Elle n'existe tout simplement pas : il n'y a pas de carte des hôpitaux définie au niveau central et qui redescendrait vers le terrain. La carte des hôpitaux réelle provient de ce qui émane du terrain et des ARS. Il n'existe donc pas de carte hospitalière des hôpitaux de proximité : cela n'aurait pas de sens. Ce sont les acteurs qui fabriquent les projets, il n'y a pas de planification descendante.
Les missions socles qui relèvent de la loi sont volontairement limitées à trois domaines : la médecine – médecine polyvalente, médecine gériatrique – , des consultations de spécialités – j'ai tenu à ce qu'elles y figurent, afin que la population puisse accéder en proximité à de l'ophtalmologie, de la gynécologie, de la cardiologie, ce qui est essentiel – , et un plateau technique de radiologie et de biologie, qui est indispensable aux soins.
Ensuite, nous laissons toute leur place à des missions optionnelles, sur-mesure. Cela peut être un service d'urgence – comme c'est le cas à Pont-Audemer, hôpital dont vous savez qu'il me tient à coeur – , des soins de suite et de réadaptation, un centre de périnatalogie de proximité, de la psychiatrie… En tout cas, il n'y a pas de carte : je le répéterai autant que de besoin.
Madame Benin, vous avez évoqué l'hôpital de la Désirade. C'est en effet un bon modèle d'établissement qui pourrait devenir un hôpital de proximité, car il en a les caractéristiques : des financements adaptés à un territoire. Ce sont des hôpitaux qui n'ont pas pour mission de faire de l'activité, c'est-à-dire de recruter au-delà de leur bassin de vie. En l'espèce, les missions sont adaptées aux besoins.
Monsieur Brindeau, vous avez dit que l'ordonnance servait à faire échapper le débat aux parlementaires. Je vous le répète, la question du financement sera traité dans le PLFSS, et celle relative aux missions relève désormais du projet de loi. La gouvernance reste le seul sujet qui fasse l'objet d'une habilitation.
Madame Biémouret, je répète qu'il n'y a pas de carte hospitalière. Nous verrons ce qui émanera du terrain. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'avons pas été en mesure de vous fournir des chiffres nets : nous ne disposons que d'une évaluation.
Monsieur Lecoq, vous ne comprenez pas l'intérêt de la gradation des soins. Laissez-moi vous donner un exemple adapté à la médecine du XXIe siècle. En cancérologie, il y a trente ou même vingt ans, on traitait des cancers absolument partout en France, en proximité. On pouvait être opéré d'un cancer et subir une chimiothérapie à côté de chez soi. En fait, n'importe qui était autorisé à traiter le cancer. Mais on s'est rapidement rendu compte que lorsqu'on était traité pour un cancer par quelqu'un qui ne se consacrait pas entièrement à cette activité, on avait une perte de chance, avec un risque de rechute ou d'effets secondaires augmenté.
Progressivement donc, en cancérologie, tout le monde a admis la gradation des soins. Des seuils d'activité sont fixés. On ne peut pas se faire opérer d'un cancer du sein n'importe où. Même un chirurgien viscéral n'a pas le droit d'opérer un cancer du côlon si son activité n'atteint pas les cinquante ou cent actes par an. Cela a permis d'améliorer la qualité des soins.
Aujourd'hui, lorsqu'on a un cancer, on sait qu'on doit se déplacer pour aller dans un centre ou dans un service de cancérologie. C'est la seule garantie d'avoir de la qualité. Nous mettons en place des filières de prise en charge. Certaines chimiothérapies peuvent être faites en proximité, d'autres non, car elles sont plus complexes : tout cela est organisé. Nous maintenons en proximité ce qui peut être fait sans risque, et les patients se déplacent vers les lieux où se trouvent la compétence nécessaire pour une médecine de pointe.
Aujourd'hui, les Français ne perçoivent pas encore que, pour de nombreuses pathologies et pour beaucoup d'actes, cette gradation des soins devient de plus en plus nécessaire. Il faut des compétences particulières, des plateaux techniques particuliers. La pose de certains dispositifs médicaux, aujourd'hui, nécessite d'avoir pratiqué beaucoup d'actes.
Cette évolution que j'ai décrite pour la cancérologie est désormais nécessaire pour de plus en plus d'autres pathologies, comme la cardiologie interventionnelle par exemple. C'est ce modèle que nous proposons aux patients, parce que c'est cela la médecine du XXIe siècle.
Monsieur Lurton, vous vous interrogez sur la place des médecins libéraux par rapport aux médecins hospitaliers. L'idée du projet de loi, c'est de faire entrer des médecins libéraux dans l'hôpital de proximité. Ce modèle existe déjà dans un très grand nombre de pays : les médecins peuvent en même temps avoir une activité libérale et suivre leurs patients à l'hôpital, par exemple pour des pathologies bénignes simples nécessitant des antibiotiques ou des anticoagulants – je pense à des phlébites ou à des pyélonéphrites. Cela se fait partout ; il n'y a qu'en France qu'existe une dichotomie franche entre les médecins hospitaliers et les médecins libéraux qui font de la médecine générale.
Je pense à l'exemple très intéressant de l'hôpital de Craon, en Mayenne. La maison de santé pluriprofessionnelle est adossée à l'hôpital de proximité. Les médecins de Mayenne, comme le docteur Gendry, suivent leurs malades : ils font leurs consultations dans la maison de santé, et à d'autres moments de la journée passent voir leurs patients hospitalisés. Ils ont donc une double compétence, ce qui rend l'exercice beaucoup plus attractif et permet de continuer à suivre ses malades.
C'est ce modèle que nous proposons. À l'hôpital de Pont-Audemer, par exemple, le plateau technique est de qualité puisque l'hôpital a pu se doter d'un scanner qu'il n'avait pas auparavant. Ce scanner est partagé entre les radiologues libéraux de Pont-Audemer et les radiologues hospitaliers.
Madame Karamanli, vous nous expliquez qu'il s'agit d'un recul des services publics. Je pense qu'au contraire, c'est la garantie du maintien des services publics.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, la première chose que j'ai entendue, c'est que j'étais en train de fermer des hôpitaux. La première chose que j'ai dite aux Français, car je connais leur inquiétude de ne pas pouvoir accéder à une médecine de proximité, c'est que je m'engageais à ne fermer aucun hôpital.
Grâce à cette réforme, cet engagement sera tenu. Aucun hôpital ne fermera, même ceux qui n'ont guère d'activité, ceux qui ont du mal à recruter, ceux qui travaillent uniquement avec des intérimaires, ou qui sont en permanence en déficit en raison d'une déprivation populationnelle provoquant une baisse d'activité considérable. Tous ces hôpitaux pourront être revitalisés avec un investissement et un financement ad hoc correspondant à leur activité.
Cette réforme donc permet de garantir la pérennité de nos hôpitaux locaux. Il s'agit de la porte d'entrée vers des soins gradués de qualité et un système qui permettra aux patients de rencontrer des spécialistes en proximité.
J'en viens à la question de la place des hôpitaux de proximité par rapport aux GHT. J'entends votre demande de les rendre plus autonomes par rapport aux GHT mais pour ma part, je pense que nous perdrions alors tout l'intérêt de la réforme. Inscrire un hôpital de proximité au sein d'un GHT, cela oblige à la mutualisation des médecins spécialistes : ils donnent du temps à l'hôpital de proximité. Si vous déconnectez totalement l'hôpital de proximité du GHT, ce dernier n'aura plus de responsabilité en la matière.
À Pont-Audemer, les médecins du Havre, l'hôpital pont du GHT, sont dans l'obligation de donner du temps médical, une consultation par semaine, à Pont-Audemer. C'est comme cela que Pont-Audemer recrute et propose toutes les semaines des consultations de spécialistes venant du Havre. Pour moi, il est essentiel de conserver ces hôpitaux de proximité au sein des GHT : ils ont ainsi la responsabilité de donner accès aux soins de recours en proximité.
Monsieur Perrut, vous vous êtes inquiété de la pérennité des urgences. Elles peuvent être maintenues, comme à Pont-Audemer – ils doivent avoir les oreilles qui sifflent, là-bas, monsieur Aviragnet ! Mais il faut sincèrement reconnaître que c'est un bon modèle.
La question des missions a été sortie de l'ordonnance. Je suis d'accord avec vous, monsieur Perrut : chaque territoire est différent. Nous établirons donc une sorte de liste dans laquelle on pourra choisir les missions qui correspondent le mieux aux besoins.
Madame Ménard, vous parlez de perte de services publics, mais je viens d'expliquer qu'au contraire, ce sera la sécurité et la garantie d'un service public de proximité et de qualité, ce que n'apportent pas aujourd'hui les hôpitaux locaux. Leur taux de fuite montre bien que nos concitoyens l'ont compris : ceux qui ont une voiture préfèrent le plus souvent faire 20 kilomètres de plus pour voir un spécialiste que d'aller à l'hôpital local ! Dorénavant, ce sera au contraire le spécialiste qui viendra à l'hôpital local, se rapprochant ainsi de la population.
Monsieur Door, je vous ai dit pourquoi ces hôpitaux doivent rester dans les GHT.