Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement :

Je suis heureux de pouvoir vous donner quelques éléments d'actualité sur Bpifrance, un an après que vous m'avez fait l'honneur de me renouveler votre confiance.

Pour le groupe BPI, 2018 a été une belle année qui lui a permis de déployer tous ses métiers, en France et à l'étranger. J'en fournirai quelques indicateurs qui valent aussi pour les fondamentaux macro-économiques de notre pays qui, de notre point de vue, se porte bien.

La filiale Bpifrance financement, qui est régulée par la Banque centrale européenne, a, face à une forte demande de crédits à l'investissement, connu une année record, avec 7,5 milliards d'euros de crédits à l'investissement et 10,5 milliards d'euros de crédits de financement à court terme, soit 18 milliards et 11 % de croissance pour notre activité bancaire.

Nous avons aussi, c'est notre deuxième métier, garanti environ 9 milliards d'euros de crédits des banques françaises, en nous appuyant sur le programme 134 du budget de l'État, pour lequel nous nous battons chaque année. Cette garantie porte à plus de 70 % sur les territoires non métropolitains. Il s'agit de permettre aux banques françaises de faire des crédits à risques pour la transmission, la création et le développement des petites PME et des TPE françaises. Notre garantie a été en moyenne de 50 à 60 %, avec une forte contribution des conseils régionaux.

Notre troisième métier est de financer l'innovation, pour le compte de l'Union européenne, de nombre de conseils régionaux et surtout pour le compte de l'État et notamment du programme d'investissements d'avenir (PIA). Nous avons cette année distribué 1,2 milliard d'euros pour financer l'innovation sous forme d'avances remboursables, de prêts à taux zéro et de petites subventions, ainsi que de gros programmes financés pour l'essentiel par le PIA. Il s'agit ici du programme 192 du budget, pour lequel nous nous battons aussi chaque année, car il nous paraît fondamental de financer aussi largement que possible un nombre très important de PME et de start-up. En 2018, nous avons financé à peu près 6 000 entreprises innovantes.

S'agissant maintenant de notre filiale d'investissement en fonds propres, Bpifrance participation, nous avons investi cette année 2 milliards d'euros environ. L'an dernier, nous avions atteint un record, à 4 milliards d'euros en raison de notre investissement pour Peugeot. Cette année, nous avons beaucoup investi en capital dans les PME françaises – l'augmentation est de 59 % – pour l'essentiel dans des territoires non métropolitains. Nous avons aussi atteint notre objectif de réaliser 60 % d'opérations dans des entreprises familiales qui n'avaient jamais ouvert leur capital, travail auquel nous nous consacrons à long terme.

L'année a également été remarquable pour les fonds de fonds. Pour renforcer l'écosystème du capital-investissement français, nous avons injecté pratiquement 1 milliard d'euros dans les fonds privés français, pour moitié des fonds de capital-risque et pour moitié des fonds de capital-développement qui eux-mêmes investissent massivement dans les PME et les territoires.

L'année 2018 a également été importante en matière de financement de l'export : pour la première fois, nous avons complètement décentralisé la commercialisation de l'assurance prospection, produit que vous connaissez bien puisqu'il est budgétaire. Grâce à cela, le nombre de bénéficiaires de nos prestations de financement de l'international a augmenté de 10 % et nous avons financé 80 000 entreprises.

Enfin, l'un des plus importants, et des plus récents, métiers de Bpifrance est l'accompagnement et le conseil. En 2018, nous avons beaucoup accéléré le déploiement de nos prestations. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, nous a même demandé de les amplifier afin de faire passer dans les écoles de chefs d'entreprise que nous avons créées – les « accélérateurs » – 4 000 entreprises françaises dans les trois ans à venir. En 2019, notre objectif est donc de faire rentrer dans nos accélérateurs pratiquement mille nouveaux entrepreneurs sur tout le territoire et venant de la plupart des grandes filières industrielles du Conseil national de l'industrie. Ces programmes d'excellence, très intensifs, représentent un investissement sur deux ans pour les entrepreneurs qui ont décidé de nous rejoindre. Ils payent un tiers du programme, Bpifrance de même, et le partenaire coorganisateur, c'est-à-dire le conseil régional ou les grands syndicats de filières – la Plateforme automobile, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, l'Union des industries chimiques, l'Union des industries textiles – paient le troisième tiers. Les résultats sont exceptionnels : 99 % des entrepreneurs sont satisfaits et veulent participer autant que possible aux nouvelles générations d'accélérateurs : ils découvrent le plaisir de ne plus être totalement seuls et leurs performances en croissance, en innovation, en profitabilité sont impressionnantes. Donc de plus en plus, Bpifrance englobera le simple apport de capital investissement dans une prestation plus globale sur le savoir-faire et le capital humain, sans lesquels la fonction bancaire trouve très rapidement ses limites.

J'en viens aux grands programmes de 2019, qu'illustrent les tournées que nous réalisons sur le territoire français. Plus que jamais, nous sommes décidés à être une banque de porte-à-porte de masse et de terrain. Une première tournée est celle de la French Fab, le mouvement que nous avons lancé avec le coq bleu qui fait pendant au coq rouge de la French Tech, lancé il y a maintenant six ans. Le mouvement incarne un peu une génération, celle des quadras ; il incarne une fierté collective autour du projet de relance et de renaissance de l'industrie française, et un projet d'excellence autour de l'innovation de l'usine du futur et de la projection à l'international. Pour les incarner vraiment sur le terrain, nous avons organisé une tournée dans soixante villes, du 15 janvier au 10 octobre, qui se terminera par un grand événement à l'Arena de Bercy. Nous avons commencé par Laval puis Cholet, puis nous sommes allés en région Centre-Val-de-Loire, de là à Saint-Quentin dans les Hauts-de-France, et avant-hier nous étions à Clermont-Ferrand. À chaque étape, avec nos bus et nos tentes, nous organisons des rencontres entre jeunes et entrepreneurs pour faire la publicité de l'industrie française auprès des jeunes auxquels on a trop souvent dit que l'industrie n'était pas pour eux ou que c'était du passé, alors qu'elle offre des métiers du futur. À Cholet, nous avons réuni 3 500 personnes. Souvent, il y a 2 000 personnes, soit environ 300 entrepreneurs et 1 700 jeunes qui viennent rencontrer les acteurs de l'économie. Cette opération demande beaucoup d'énergie, mais nous en sommes assez contents et nous avons des partenariats importants notamment avec Pôle emploi et nombre d'acteurs de l'industrie française.

Notre deuxième tournée consiste à promouvoir le volontaire de territoire en entreprise (VTE). L'idée, très soutenue par Bpifrance, et reprise par la puissance publique, consiste à proposer à nos jeunes de faire l'équivalent d'un volontariat international en entreprise (VIE), dans un pays qu'ils ne connaissent pas et qui est le leur : la France. À la sortie des écoles de commerce et d'ingénieurs ou des universités, on leur propose de passer un an comme bras droit d'un patron de PME. Bpifrance construit le fichier des patrons intéressés à contribuer à la formation des jeunes, noue des partenariats avec les écoles pour convaincre ces jeunes que leur avenir n'est pas seulement à Singapour ou Buenos Aires, mais aussi dans nos territoires. Notre objectif – presque notre rêve car les vents contraires sont puissants – est que des milliers de jeunes diplômés français démarrent leur carrière en passant un an, voire deux ans, dans des PME situées hors des métropoles. Ils s'en souviendront toute leur vie, ils auront été formés, ils auront une forme de compétence et d'employabilité tout à fait nouvelle : des directeurs des ressources humaines, des grands groupes industriels français me promettent que ces jeunes qui auront fait le VTE seront automatiquement reçus quand ils chercheront un emploi à la sortie du programme ; ils auront le droit de mettre sur leur curriculum vitate le fait qu'ils ont fait un VTE Bpifrance. Dans le cadre de la tournée French Fab, nous présentons le VTE comme un produit nouveau, qui nous paraît tout à fait fondamental.

Nous engageons aussi cette année la tournée des quartiers de la politique de la ville. Bpifrance, c'est toute la France, pas seulement les métropoles, pas seulement les territoires fragiles ruraux et périurbains, ce sont également quarante quartiers de la politique de la ville, où se trouve une extraordinaire énergie entrepreneuriale. Nous avons l'intention d'y créer une quinzaine d'accélérateurs d'entrepreneurs. Par ailleurs, nous offrons aussi le prêt Quartiers. Depuis le 1er janvier, nous avons repris à la Caisse des dépôts, notre actionnaire à 50 %, la responsabilité d'orchestrer tous les réseaux d'accompagnement à la création d'entreprise : France Active, Initiative France, l'Agence pour la diffusion de l'information technologique, les boutiques de gestion, tous ces réseaux associatifs que vous connaissez bien. Notre site Internet est opérationnel depuis le 15 janvier.

Enfin, nous faisons une tournée des universités et des centres de recherche. Nous avons lancé le 15 janvier le plan « Deep tech », doté de 2 milliards d'euros, dans les quatre ans qui viennent, soit 800 millions d'euros de subventions et d'aides à l'innovation et 1,2 milliard d'euros de fonds propres pour financer des fonds d'amorçage et financer directement des start-up. C'est au fond le monde d'Elon Musk, non pas le monde des plateformes digitales, mais un monde dans lequel il y a des produits ; il faut donc des pilotes et cela se termine par des usines. La biotech était une deep tech classique. Désormais, l'initiative vient plutôt du monde de la physique. La science française est classée dans le « top 5 » mondial en matière d'inventivité, de dépôts de brevets et de qualité. Mais nos chercheurs sont très concentrés sur leur paillasse si je puis dire – c'est un choix de vie. En Israël et aux États-Unis en revanche, beaucoup décident d'ôter la blouse blanche et de devenir entrepreneur. Nous voulons qu'il en aille de même chez nous, et permettre la gestation de 2 000 start-up deep tech. Pour ce faire, il faut aller convaincre les chercheurs. Ce plan très ambitieux est financé pour partie par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (F2I) que vous avez doté d'à peu près 80 millions d'euros par an. Nous allons, cette année, faire une tournée d'une trentaine d'universités pour présenter nos actions, et faire prendre conscience aux chercheurs qu'ils peuvent devenir entrepreneurs. Des lois que vous avez votées, pour l'essentiel proposées par Frédérique Vidal, facilitent grandement les allers-retours entre la recherche et l'entreprise, ce qui est absolument stratégique pour la France.

Toutes ces actions mobilisent beaucoup d'énergie, beaucoup de collaborateurs de Bpifrance. Mais j'arrête ici mon propos liminaire pour laisser place aux questions.

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