Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Le texte que nous discutons ce matin, proposé par la majorité, vise à inscrire le principe de la résiliation des contrats d'assurance santé complémentaires sans frais et à tout moment, après un an de contrat. Pour vous dire la vérité, cette proposition n'est pas neuve ; elle dort dans les vieux cartons de Bercy depuis bien longtemps. Or ce n'est pas forcément dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes…

Une nouvelle fois, je veux revenir sur la méthode. Après avoir renoncé à présenter ces dispositions par amendement dans le cadre du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (loi Pacte), le Gouvernement a fait déposer une proposition de loi par le groupe majoritaire. Habile méthode, qui l'exonère en particulier de toute étude d'impact sur un texte qui fait l'unanimité contre lui. En effet, les organisations syndicales, les acteurs du secteur et même certaines associations rejettent ce texte. Les nombreuses sollicitations reçues, tant sur le terrain que par messages électroniques, témoignent de ce rejet massif.

Mais, fait inédit, ce texte est aussi rejeté par une partie de la majorité, puisque, pour la première fois, des commissaires du groupe majoritaire de notre commission ont déposé des amendements de suppression des articles, et non moins de dix d'entre eux ont décidé de retirer leur signature de ce texte. Bref, sur la forme, impréparation, absence de concertation et précipitation sont les maîtres-mots.

Sur le fond, nous voterons contre ce texte, pour trois raisons. D'abord, ce texte part d'une logique libérale que nous ne partageons pas, à savoir que la concurrence serait bonne en soi et qu'en matière de santé, elle ferait baisser les prix. Cette concurrence risque au contraire de mettre de côté les plus fragiles et de mettre à mal notre système de solidarité intergénérationnelle. Pour justifier votre choix, vous vous appuyez sur ce qui a été fait dans le cadre de la loi de 2014, mais cette loi était bien une loi relative à la consommation, non à la santé. La santé, elle, ne se consomme pas.

Ce texte renvoie la complémentaire santé à un bien de consommation courante. Nous rejetons formellement cette seule logique du bilan coûts-avantages. Enfin, vous ne répondez pas à une des questions fondamentales, à savoir que ceux qui en ont le plus besoin, les personnes âgées, sont couverts par des contrats de moyenne gamme. En effet, le montant des cotisations augmente lors du passage à la retraite.

Plutôt que de proposer plus de concurrence et plus de libéralisme, vous auriez pu réfléchir à d'autres pistes, comme celle d'une modulation de la taxe sur les contrats complémentaire santé en fonction de l'âge de l'assuré. Mais pour cela, il aurait fallu prendre le temps d'écouter les parties prenantes, de consulter les acteurs, ce que vous n'avez pas fait.

Pour terminer, et puisque notre rapporteur a cité beaucoup de sondages, je voudrais vous faire partager cette inspiration de Rousseau, qui a dit que « la domination même est servile quand elle tient à l'opinion ».

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