Orano est la société en charge du cycle nucléaire en France et pour les exportations françaises. Ce n'est donc plus exactement Areva, puisque toute la partie service aux réacteurs est assurée par une filiale d'EDF, sous le nom de Framatome. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons changé de nom.
En tant que responsable du cycle nucléaire, les objectifs de la transition environnementale, c'est-à-dire la décarbonation et la responsabilité environnementale en matière d'électricité, font partie de notre ADN depuis des décennies. Nous n'assurons qu'une partie de la production énergétique, nous avons quelques applications non électriques, qui représentent une très faible partie de notre activité générale.
La France doit sa faible empreinte carbone à l'électricité nucléaire. Ce résultat issu du passé doit être préservé et accentué dans la transition énergique. Nous partageons ses objectifs, puisqu'ils étaient les nôtres avant même qu'elle soit engagée. Il s'agit maintenant de préparer l'avenir.
Nous avons agi en interne, car fournir à la France une électricité sans CO2 ne nous dispense pas de travailler sur nos propres process industriels. Nous avons réduit notre consommation électrique par un changement technologique essentiel. Nous avons ainsi libéré l'équivalent de deux centrales nucléaires pour le reste de la France en passant, au début de cette décennie, d'un enrichissement par diffusion gazeuse à un enrichissement par centrifugeuse. Nous continuons à faire en sorte que l'industrie du cycle nucléaire soit de plus en plus environnementalement responsable en réduisant radicalement les effluents et en rendant les usages et les pratiques industrielles plus efficients. Nous sommes à la pointe de la digitalisation. On ne travaille plus du tout dans une usine du cycle à La Hague ou à Melox comme il y a quinze ans. Nous poursuivrons cet effort qui nous permet d'améliorer nos propres résultats environnementaux en plus de ce que nous faisons pour la communauté.
Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, nous devons nous adapter à un mix énergétique dans lequel du « sans CO2 » sera remplacé par du « sans CO2 », c'est-à-dire comportant plus de renouvelable et moins de nucléaire, sans perdre les avantages de la situation actuelle.
Nous avons un programme précis, qui a représenté une part importante du travail interministériel de préparation de la PPE, visant à garantir que les usines du cycle nucléaire continuent à avoir une charge compatible avec leur viabilité dans la situation post-2035, avec un nucléaire constituant 50 % du mix électrique, au lieu de 75 % aujourd'hui. Cela implique des changements fondamentaux. Nous travaillons avec EDF sur le « moxage » de certains réacteurs de 1 300 MWh afin que la charge perdue par la fermeture de certains réacteurs de 900 MWh soit en partie retrouvée ou, du moins, soit compensée pour nous maintenir au-dessus du seuil de viabilité à long terme. Nous sommes déterminés à faire en sorte que la réduction de la part du nucléaire se fasse bien, c'est-à-dire sans perdre l'avantage d'une électricité de base décarbonée et sans perdre l'avantage environnemental du cycle fermé qui fait que la France, contrairement à la plupart des grands pays industriels, a une solution à plusieurs millénaires pour le traitement des déchets ultimes du cycle nucléaire.
Il faut aussi prévoir la nouvelle situation post-2035 avec une électricité nucléaire constituant 50 % du mix électrique, l'électrification des usages, beaucoup plus d'énergies renouvelables, et faire en sorte qu'elle n'ait pas d'effet pervers.
Cela signifie qu'il faudra répondre aux pics de demandes liés à l'électrification des usages. Le développement rapide des véhicules électriques, auquel nous croyons beaucoup, entraînera inéluctablement des pics de demandes pour le rechargement, à des moments où le soleil ne brillera pas et où personne ne pourra garantir que le vent sera en train de souffler. Avoir une énergie de base décarbonée est un élément essentiel de la stratégie à long terme : cela évitera d'avoir recours à une production d'électricité émettrice de CO2 lorsque les renouvelables intermittents ne fonctionneront pas.
Il faut aussi, parce que c'est un obstacle simple à la transition énergétique, maintenir certaines activités qui apportent un solde commercial positif à la France et qui maintiennent ses compétences. Les pays qui ont moins d'argent et moins de compétences ont également moins de marges pour mettre en place une transition énergétique. Le nucléaire, pas seulement Orano mais l'ensemble de la filière, est une activité made in France qui contribue, bon an, mal an, pour 6 milliards d'euros à la balance commerciale française. Il faut préserver cela afin de disposer de ressources suffisantes pour faire autre chose.
Enfin, au-delà des enjeux propres à Orano, il convient de maintenir une approche responsable de la fin de cycle : cela est essentiel pour l'avenir de la transition énergétique et de la France. La France a opté pour une stratégie de fin de cycle qui permet de résoudre le problème pour des dizaines de millénaires, notamment grâce à ce que font nos amis de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour le projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO). Nous fournissons des déchets ultimes sous une forme manipulable, moins active et enterrable. Toute remise en cause de ce système créerait des hangars remplis de déchets nucléaires dont on ne saurait que faire pendant des siècles, détériorerait la situation environnementale de la France et créerait un risque pour les générations futures.