Nous ne comprenons pas non plus en quoi il est préférable d'accoucher loin des siens, de perdre les eaux à l'hôtel, d'accoucher dans une maternité-usine, puis d'être renvoyée chez soi deux jours après.
La même logique vous guide pour les hôpitaux. Près de chez moi, en Meurthe-et-Moselle, l'hôpital Maillot a annoncé la semaine dernière la fermeture de trente lits de son service de soins de suite et réadaptation. La décision a été prise par le groupement hospitalier de territoire, le GHT. La concentration forcée des pouvoirs aux mains des gros hôpitaux mène forcément à ce genre de décision. Vous prétendez l'inverse : selon vous, mutualisations et regroupements forcés permettront de renforcer les hôpitaux de proximité. Mais, madame la ministre des solidarités et de la santé, les hôpitaux de proximité ne veulent pas d'un label ; ils veulent pouvoir continuer à exercer leurs missions de service public de santé au plus près des territoires.
Allonger les trajets de ceux qui vont se soigner tout en prétendant lutter contre le réchauffement climatique, n'est-ce pas un peu contradictoire ? Les gilets jaunes ont heureusement fait annuler la hausse de la taxe carbone : cela évite d'avoir à régler une somme astronomique pour aller accoucher ou se faire soigner loin de chez soi !
L'abandon des territoires ruraux s'amplifie et vous nous répondez : « télémédecine ! » C'est dommage, car vous oubliez que c'est précisément dans les territoires ruraux qu'il y a des zones blanches et qu'un tiers des Français n'est pas à l'aise avec internet, ne sait pas l'utiliser ou tout simplement n'en dispose pas. Rien ne peut remplacer la présence d'un médecin ou d'un soignant auprès d'une personne malade.
Ce projet de loi écrit par un médecin, dont les rapporteurs sont médecins, ne peut donner qu'un projet de loi pour les médecins, qui ignore les soignants et les autres personnels de notre système de santé. Les aides-soignants, par exemple, en sont totalement absents. Nous effectuons pourtant au quotidien un travail éprouvant qui nous oblige constamment à outrepasser nos fonctions parce que les infirmiers n'ont pas assez de temps.
C'est le cas des actes de glycémie. Mon amendement sur le sujet visait à nous sortir de l'illégalité. Il a été rejeté, car vous avez prévu d'incorporer prochainement ce geste dans les nouvelles compétences des aides-soignants. Vous êtes restés sourds à ma requête de voter cet amendement pour que notre profession soit inscrite dans ce projet de loi, pour la revaloriser, bref, pour que, pour une fois, elle ne soit pas mise de côté dans un projet de loi sur la santé ! Mes démarches ont été vaines. Vous décidez de n'agir qu'en votre faveur, au mépris de la discussion et de la réalité quotidienne du terrain.
Ce projet de loi est particulièrement court : il ne compte que vingt-trois articles. Malgré cela, il contient des ordonnances à la pelle, sept en tout, qui bâillonnent les parlementaires et vous donnent les pleins pouvoirs sur des thématiques extrêmement sensibles : le déclassement des hôpitaux de proximité, la fermeture des maternités, des services d'urgences, ou l'abandon des plateaux techniques. Notre santé mérite mieux que des débats tronqués !
Cinquante-sept députés ont cosigné une tribune pour vous dire haut et fort que « nous sommes viscéralement attachés à nos territoires et à une certaine idée du service public ».