Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mardi 26 mars 2019 à 15h00
Organisation et transformation du système de santé — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Madame la ministre, nous avions abordé l'examen de ce texte avec des attentes et avec des réserves ; il s'achève avec un sentiment de déception. C'est une déception sur la forme, évidemment. Comment espériez-vous recueillir notre assentiment sur ce texte en y introduisant une habilitation du Gouvernement à rédiger pas moins de six ordonnances ? Ces six ordonnances sont comme autant d'occasions de passer outre l'avis des parlementaires, et d'affaiblir un peu plus notre rôle de législateur au moment même où le président de l'Assemblée nationale souhaite réformer notre règlement pour donner toute sa place au Parlement.

Ordonnances, mesures de renvoi au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, ou même négociations conventionnelles sur lesquelles ni le Gouvernement ni le Parlement n'ont aucun regard à porter : plus que jamais, le débat sur l'avenir de notre système de santé nous échappe alors qu'il est au coeur du nouveau contrat social que nous devons écrire tous ensemble.

Nous sommes aujourd'hui amenés à nous prononcer sur des mesures de portée limitée. Nous avons bien noté votre engagement de revenir en commission avant la ratification des ordonnances – c'est ce que vous nous avez dit – , et de proposer une étude d'impact pour chacune d'elles. C'est insuffisant car, en fait, nous n'aurons plus qu'à valider a posteriori des mesures décidées dans les bureaux du ministère de la santé.

Vous l'aurez compris : nous déplorons très fortement votre utilisation des ordonnances de l'article 38 de la Constitution sur des sujets aussi importants que les hôpitaux de proximité, comme sur d'autres sans urgence ni importance particulière, comme la recertification des professionnels de santé.

Au-delà de la forme, notre déception porte aussi sur le fond du projet de loi. Nous saluons votre réforme des études médicales qui passe par le relèvement du numerus clausus – il ne s'agit pas de sa suppression mais de son relèvement – ou la suppression des examens nationaux classants, mais nous attendions davantage. Nous vous avons proposé de créer des internats régionaux – il faudra continuer ce combat – , ou bien de développer des stages en dehors des CHU. Nous voulions ainsi renforcer l'attractivité des territoires et des différents modes d'exercice de la médecine, mais nos propositions sont restées lettre morte.

Au-delà des études de santé, je constate que les effets positifs de votre plan ne seront ressentis que dans dix ans. Autrement dit, il ne répond pas à l'urgence. Vous aviez promis une transformation du système de santé ; nous n'avons droit qu'à de simples modifications à la marge, dans la droite ligne de celles adoptées par vos prédécesseurs. Je pense aux groupements hospitaliers de territoire qu'il fallait transformer en groupement de santé de territoire, ou à la télémédecine dont le remboursement par l'assurance maladie n'est pas garanti à tout instant, si j'en juge par les courriers du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie. Je pense aussi aux délégations de tâches pour lesquelles vous nous avez dit : attendons les discussions conventionnelles !

Toutes ces mesures étaient nécessaires, mais il fallait aller plus loin. Encore une fois, nous vous avions fait des propositions – vous ne pouvez pas dire que nous nous sommes contentés de critiquer votre texte. La plupart avaient d'ailleurs été formulées par la commission d'enquête que j'ai présidée, l'année dernière, sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural et urbain.

Elles auraient permis de mobiliser en quelques semaines 10 000 médecins pour la médecine de ville. Nos mesures étaient facilement applicables. Nous proposions de créer un statut de médecin volant, praticien qui aurait pu venir épauler un médecin installé. Nous proposions de passer d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration pour les remplaçants. Vous avez également manqué l'occasion de permettre à des praticiens titulaires de diplômes étrangers d'exercer en ville, sans passer par l'hôpital pendant trois ans.

Parmi les mesures d'urgence, je vous remercie d'avoir décidé de relever le plafond lié au cumul emploi-retraite des médecins jusqu'à 80 000 euros. Je vous en ai donné acte la semaine dernière ; je le répète aujourd'hui.

Il reste que, de manière générale, la majorité est demeurée sourde à nos propositions, comme à celles des autres groupes, allant même jusqu'à s'opposer à l'égalité de traitement des professionnels de santé en situation de handicap.

De notre côté, nous nous sommes mobilisés contre la mainmise de la technostructure et des agences régionales de santé. Quand les réforme-t-on ?

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