Voilà une semaine, madame la ministre, alors que débutait la discussion du projet de loi, vous avez souligné que « nous av[i]ons tous une exigence commune ». Alors que la santé ne figurait pas parmi les thèmes choisis par Emmanuel Macron, la question de l'accès aux soins s'est en effet imposée dans le grand débat national comme une préoccupation majeure des Français. C'est même un sentiment d'abandon qui s'impose chez ceux qui habitent des territoires délaissés. Refusant de présenter un énième plan santé,vous avez même affirmé « qu'un changement de modèle [était] nécessaire ». C'est la raison pour laquelle, étant donné l'enjeu que vous invoquez, nous restons inquiets quant aux défauts de la méthode et des remèdes proposés. Une semaine entière de discussion en séance publique n'a pas permis de dissiper nos doutes. Cela explique notre grande déception de ne constater que seule une dizaine d'amendements du groupe LR ont été adoptés sur les 1 700 amendements examinés en séance publique.
Une de nos principales critiques concerne le recours aux ordonnances sur les points les plus marquants de la réforme. Vous avez justifié le choix de cette procédure par la nécessité d'aller vite et de provoquer « un choc de confiance » et « une vraie accélération ». Mais cela fait près de deux ans que vous êtes au pouvoir, et il est prévu que les ordonnances soient prises dans un délai de dix-huit mois : l'argument de l'urgence, qui n'est déjà plus recevable aujourd'hui, le sera donc encore moins à l'issue de ce délai ! Vous avez donc invoqué un nouveau motif, jusqu'alors inconnu en droit constitutionnel, pour recourir à cette procédure : la nécessité de prendre le temps de la concertation... Certes, vous avez proposé, madame la ministre, que les parlementaires soient associés à l'élaboration des ordonnances. Mais alors, pourquoi ne pas poursuivre tout simplement le cours normal de la procédure législative ?
S'agissant des études médicales, une semaine de discussion n'a toujours pas permis de répondre à nos questions, qui sont celles que se posent les étudiants. Ainsi, la première année commune aux études de santé – PACES – est supprimée, de même que le numerus clausus, ce qui se traduira par une augmentation d'environ 20 % de places en médecine. Mais la réforme sera mise en oeuvre par décret, et ses contours restent bien flous. Par quoi la PACES sera-t-elle remplacée ? Une nouvelle forme de sélection sera-t-elle mise en place ? Par ailleurs, rien n'a été prévu pour que les universités soient en mesure d'accueillir de nouveaux étudiants, ce qui inquiète la conférence des doyens. Enfin, les épreuves classantes sont supprimées ; dès lors, sur quel fondement reposera le classement ? Comment seront classés les futurs internes ? Là encore, ces questions restent en suspens.
Votre projet de loi vise à transformer le système de santé, mais il manque sa cible.
S'agissant des projets de santé de territoire, les dispositions relatives à leur validation par les agences régionales de santé nous paraissent rédhibitoires tant elles aboutissent à créer un véritable mille-feuille administratif. Ce que ne veulent pas les CPTS, c'est être sous la coupe réglée des ARS et des administrations. Et ce dont nous ne voulons pas, c'est une médecine suradministrée.
Vous proposez de renforcer le rôle des groupements hospitaliers de territoire en leur donnant un pouvoir supérieur dans l'intégration des établissements de proximité et le pilotage du projet médical. Vous concentrez le pouvoir hospitalier dans une nouvelle gouvernance étatique, tant et si bien que l'exigence de proximité est remplacée par la vision technocratique du Gouvernement. J'ai rappelé à cet égard les propos du professeur Frydman estimant que la mise en avant des GHT vient torpiller l'idée même de territoire de santé.