J'associe tout particulièrement mon collègue Joël Aviragnet à mon explication de vote au nom du groupe Socialistes et apparentés.
L'ambition affichée par les annonces contenues dans le plan « ma santé 2022 » serait-elle galvaudée par le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation de notre système de santé ? À cette question, les députés de mon groupe répondent sans détour par l'affirmative. La promesse d'une action pour la santé de tous a réellement perdu de sa force à l'issue de nos débats en commission, puis en séance publique.
Ce projet de loi a perdu de son ambition en raison de l'abus du recours aux ordonnances. Il a perdu de sa crédibilité, tant les évaluations nous laissent penser que la lutte contre la désertification médicale est loin d'être gagnée. Il a perdu de sa bienveillance en laissant nombre de nos concitoyens oubliés.
Sur la forme, le recours aux ordonnances – dans sept articles sur vingt-trois – est excessif. Sous prétexte de réduire les délais, l'usage répété de cette procédure nuit au débat démocratique et ne permet d'avoir aucune garantie sur les arbitrages ultimes du Gouvernement. Une telle attitude risque de creuser un peu plus le fossé d'incompréhension qui vous sépare des Français, tout particulièrement attachés à leur système de santé et à l'hôpital public.
Sur le fond, c'est une preuve supplémentaire des régressions contenues dans vos projets de loi. Ainsi, au-delà de l'affichage, la suppression du numerus clausus ne garantit en rien l'augmentation du nombre de médecins formés d'ici dix ans : il s'agit d'une décision en trompe-l'oeil. Dans les faits, en effet, la formation de nouveaux praticiens est déterminée par les capacités d'accueil des universités et l'offre de stage disponible dans les hôpitaux. Sans moyens financiers supplémentaires accordés aux unes et aux autres, il ne sera donc pas possible d'accueillir plus d'étudiants que les 9 000 actuellement en cours de formation.
Quant à la régulation, elle n'a d'intérêt qu'avec des moyens supplémentaires, ce que n'apportent pas les décisions budgétaires que vous prenez depuis deux ans et que n'apporteront certainement pas celles que vous prendrez au cours des trois années à venir. L'incitation atteint ses limites, et vous rejetez à tort nos initiatives visant à réguler les installations de médecins grâce au conventionnement – lequel avait fait l'objet d'une proposition de loi déposée par Guillaume Garot et cosignée par les autres membres de notre groupe. Énième reniement : vous avez préféré revenir sur la disposition, adoptée en commission, tendant à obliger les étudiants de deuxième cycle à effectuer un stage en zone désertifiée.
La labellisation de 500 à 600 hôpitaux de proximité pour 2022 est un point majeur de votre réforme, même si ses contours géographiques ne sont pas précisés. Or c'est aussi pour nous un motif d'inquiétude, car cette disposition est synonyme d'accentuation des inégalités territoriales. Dépassons les apparences : vous prétendez vouloir mieux « graduer » l'offre de soins, mais vous vous préparez surtout à la dégrader. Comment peut-on croire en effet à une telle intention si le premier niveau de l'offre de soins, c'est-à-dire celui du premier recours, voire celui des soins d'urgence, n'est pas à la hauteur des sollicitations des usagers ? Quant au label de « proximité », il masque une concentration des soins de nature à accentuer l'éloignement : l'enjeu, pour vous, consiste à réviser la carte hospitalière, quitte à affaiblir le réseau des hôpitaux et à dévitaliser progressivement les plus fragiles d'entre eux.
De manière générale, le recul des services publics est source de défiance, d'inégalités et aussi de remise en cause des droits, comme nous le constatons depuis plusieurs semaines.
Si le présent projet de loi se concentre sur l'organisation des soins en abordant la médecine de ville et les hôpitaux, il sous-estime la question de la prévention et celle de la promotion de la santé, questions qui figurent pourtant comme des priorités dans la Stratégie nationale.
Que dire de nos concitoyens purement et simplement oubliés ? Je pense à celles et ceux en situation de précarité, de handicap ou de dépendance, mais également à nos concitoyennes et concitoyens d'outre-mer que notre collègue Ericka Bareigts a défendu tout au long de nos débats. Ces Français ne bénéficieront d'aucune disposition supplémentaire ou de droit nouveau pour leur permettre d'accéder à une meilleure offre de soins.
Censé être la traduction législative et pratique du plan « ma santé 2022 », ce projet de loi n'est finalement pas à la hauteur : il n'est ni à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République en septembre dernier, ni à celle des attentes de nos concitoyens, qui discernent dans vos intentions et dans l'entrée en vigueur de ce texte la fin de notre modèle de santé, ni à celle de l'urgence à faire évoluer le système de santé pour permettre de remédier à l'insuffisance de l'offre de soins, notamment dans les territoires ruraux et périphériques. Pour l'ensemble de ces raisons, les députés socialistes et apparentés voteront contre ce projet de loi.