Intervention de Laurence Maillart-Méhaignerie

Séance en hémicycle du mardi 26 mars 2019 à 15h00
Pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Maillart-Méhaignerie :

Les récentes déclarations du ministère de l'économie et des finances à propos d'une éventuelle amende de plus de 100 millions d'euros infligée à un grand groupe de la distribution révèlent une fois de plus un problème structurel : le déséquilibre des relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, et des pratiques de contournement de la loi française pour le moins imaginatives.

La proposition de résolution soumise aujourd'hui à notre examen vise justement à éclairer les différentes pratiques qui conduisent à ce déséquilibre. Cette initiative, conjointe aux groupes LaREM, UDI-Agir et MODEM, est non seulement bienvenue, mais nécessaire. Le constat est en effet sans appel et je ne citerai que trois chiffres : nous avons en France 450 000 agriculteurs, plus de 17 500 entreprises agroalimentaires et... 4 centrales d'achat. Dans un environnement mondialisé et très concurrentiel, les grandes enseignes assurent plus de 70 % de l'approvisionnement et poursuivent leur concentration, tandis que leurs fournisseurs sont à 98 % des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises – PME-TPE. Cette situation, une singularité française, rappelons-le, soulève à elle seule d'innombrables questions.

Autre constat, alors que les secteurs agricole et agroalimentaire font la fierté de la France, une grande partie de nos agriculteurs sont contraints de vendre leurs produits à un prix inférieur à leurs coûts de production. Aucun secteur d'activité ne pourrait durablement survivre dans ces conditions. C'est pourquoi la loi EGALIM prévoit d'inverser la construction des prix grâce à des outils adaptés.

Nous le savons tous, de nombreux agriculteurs français sont étranglés. Même si la situation varie selon les filières, ils affrontent un contexte particulièrement difficile et bon nombre d'entre eux font face à un endettement croissant : aux alentours de 160 000 euros en moyenne et par agriculteur. C'est une menace qui pèse sur la pérennité de nos modèles agricoles, sur les emplois, les territoires et le bien-être social.

Si nous voulons maintenir notre souveraineté alimentaire, nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour tirer les conclusions nécessaires de cette situation et y remédier. Il ne s'agit nullement de pointer du doigt tel ou tel acteur, mais de mettre en lumière la réalité des pratiques commerciales telles qu'elles se font et non telles qu'elles se racontent. Or telle est bien l'ambition de cette commission d'enquête.

Plus généralement, si les pratiques commerciales dont nous parlons perdurent, c'est la transition de notre modèle agricole, sa durabilité et sa qualité qui seront menacées. En effet, nos agriculteurs ont compris la forte demande de la société en faveur d'une alimentation saine, durable et de qualité et sont d'autant plus impliqués pour la réussite de cette transition que le nouveau modèle agricole est plus rémunérateur. Mais comment y parvenir en maintenant des prix aussi bas ? Force est de constater que la guerre des prix atteint désormais des producteurs qui étaient, jusqu'à présent, relativement épargnés : je pense aux producteurs bio, aux labels, aux signes de qualité… La pression exercée sur leurs tarifs menace, à terme, leur viabilité économique et donc leur modèle de production. Quelque 28 % des entreprises bio se voient ainsi réclamer une baisse de tarif avant toute discussion ! À l'issue des premiers rounds de négociation, cet indicateur monte à 40 %. Quant aux pénalités imposées par les enseignes en cas de retard ou de rupture d'approvisionnement, elles sont tellement excessives qu'elles en deviennent dangereuses.

Nous sommes tous ici pleinement mobilisés pour la réussite de la transition agro-écologique. Or cette dernière ne pourra avoir lieu si la guerre des prix se poursuit. La juste rémunération des agriculteurs n'est donc pas un sujet uniquement économique ou social, c'est aussi un enjeu écologique et environnemental. Nous ne pouvons envisager un modèle agricole durable avec une telle pression exercée sur les prix des producteurs.

Je suis convaincue que les états généraux de l'alimentation et la loi qui en découle marquent un tournant pour les agriculteurs. En inversant la construction des prix, la majorité a montré sa détermination à mettre fin à des mécanismes injustes qui perdurent depuis des années. Si nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli, nous ne sommes pas naïfs pour autant : une relation commerciale ne saurait être appréhendée que sous le prisme du code de commerce. Il est temps de mettre en lumière la réalité des pratiques et des négociations qui entretiennent la guerre des prix. Voilà pourquoi le groupe LaREM soutient la présente proposition de résolution.

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