Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du mardi 26 mars 2019 à 15h00
Amélioration de la trésorerie des associations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

La discussion de ce texte est avant tout l'occasion d'aborder dans notre hémicycle les difficultés de ceux qui, pour moi, sont le coeur de la vie sociale de nos territoires : les bénévoles et leurs associations. Malheureusement, les occasions de leur rendre hommage sont trop peu nombreuses lors de nos débats. Alors, il m'apparaît plus que nécessaire de prendre ce temps pour leur dire « merci ».

Que serait la France sans son million et demi d'associations, sans ses millions de bénévoles qui, chaque jour, s'engagent gratuitement et de façon totalement désintéressée pour défendre une cause, transmettre une tradition ou créer des moments de convivialité accessibles à tous ?

Personnellement, comme beaucoup d'entre nous, je sais ce que je dois à la vie associative. Comme beaucoup d'entre nous, ma personnalité, ma vie sont le fruit de rencontres successives. Les miennes ont été nombreuses dans la vie associative. Je ne peux pas parler de la vie associative à cette tribune sans penser à la Musique Espérance de Wuenheim, à l'Association des Tempo Kids à Wattwiller, au Théâtre Alsacien de Guebwiller, au Rock Symphonique ou encore à l'ACAP & DP de Soultz. Autant d'engagements gratuits que je suis fier de faire apparaître dans ma déclaration d'intérêt de parlementaire !

Si je le dis ainsi, c'est aussi parce que je souhaite pointer une confusion : dans les associations, il y a les structures juridiques et il y a la réalité de l'action et des missions. Trop souvent, on se limite à parler des problèmes des grosses associations, complètement professionnalisées et dont les seules fonctions obligatoirement bénévoles sont celles de présidentes ou de présidents, devenus des porte-paroles politiques. Ces structures sont nécessaires. Lorsqu'elles sont fédératives, elles sont même souvent vitales à la défense des intérêts de leurs membres. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, avec cette proposition de loi, l'occasion nous est donnée de nous intéresser aux associations qui font le quotidien des Français, à celles qui irriguent nos territoires.

J'ai eu l'honneur d'être le maire de la commune de Wattwiller, qui compte 1 800 habitants mais plus de vingt-cinq associations. Grâce à elles, comme dans nombre d'autres territoires ruraux, notre commune connaît une vie culturelle, sportive et sociale particulièrement dense. Si l'engagement bénévole n'existait pas, on ne pourrait pas imaginer autant d'activités : danse, gym, musique, chant, théâtre alsacien et même art contemporain, sans oublier l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et de leur amicale ! Jamais la technocratie administrative et budgétaire ne remplacera le don de soi de chacune et de chacun des bénévoles.

Les associations sont également la marque de l'identité d'un territoire. Grâce à leur dynamisme, à leur capacité à créer du collectif, elles peuvent construire le plus beau projet de société que nous puissions rêver dans cet hémicycle. Je tiens à partager avec vous l'expérience de la vie sociale dans la commune de Berrwiller, ville de naissance de la journée citoyenne. Si cette commune ne disposait pas d'une vie sociale riche grâce à son club de football, son club de basket, ses sapeurs-pompiers ou sa musique d'harmonie, peut-être n'aurions-nous pas eu la chance de connaître l'espoir que fait naître la journée citoyenne par la reconstruction de la vie sociale, par l'attention à l'autre, par la mutation de l'individualisme vers l'engagement collectif.

J'irai plus loin encore. Si nos dirigeants ne connaissent pas la substance de ce que représente l'engagement désintéressé pour l'autre, alors, nous aurons du mal à donner réellement corps au terme qui parachève notre devise : la fraternité.

Dans une association se construit également la fierté d'appartenir à un territoire, fierté qui débouche, elle aussi, sur l'attention et l'engagement citoyens. Je pense particulièrement au Club Vosgien qui, depuis des décennies, mobilise des bénévoles qui, chaque week-end, entretiennent des centaines de kilomètres de chemins de randonnée, des centaines de kilomètres que les habitants, les randonneurs ou les touristes empruntent sans souvent imaginer que, sous leurs pieds, ce sont des heures consacrées par ces bénévoles à la création des sentiers, à leur sécurisation et à leur entretien pour valoriser nos territoires.

Énumérer des associations est un exercice trop difficile à cette tribune. Les exemples, dans ma circonscription comme dans chacune des autres circonscriptions françaises, ne manquent pas pour démontrer que les associations de nos villages et de nos territoires constituent le socle de notre vie sociale et les outils du vivre-ensemble. Commencer à en citer une, c'est prendre le risque certain d'en oublier beaucoup.

Alors, je m'arrêterai là, en disant simplement « merci » à toutes les femmes et à tous les hommes qui s'engagent gratuitement, à la hauteur de leur disponibilité, pour partager un moment, une activité, une émotion avec les autres et pour les autres. Là se trouve l'essentiel de l'engagement associatif : la gratuité. Aucun bénévole, aucun militant associatif n'attend de contrepartie à son engagement. Certains pourraient être tentés de vouloir créer des statuts de bénévoles, de valoriser l'engagement par l'obtention de droits supplémentaires à la retraite, par exemple. Cela reviendrait, à mes yeux, à faire perdre du sens à un engagement social qui relève avant tout du don, de la générosité.

La vie associative, l'engagement bénévole, l'exercice de responsabilités de dirigeants associatifs sont également l'un des vecteurs essentiels de l'ascenseur social. Malheureusement, notre société économique ne reconnaît que trop peu l'expérience de ces engagements. Pourtant, quelle mission plus difficile pour un manager que d'encadrer, de stimuler, de motiver, d'organiser l'engagement de personnes que seules la motivation personnelle et la liberté conduisent à être présentes ? Ainsi, je souhaite que les compétences acquises par les bénévoles puissent être mieux reconnues dans le monde professionnel et dans notre vie économique.

Cette proposition de loi est l'occasion, grâce à quelques petites avancées, de faciliter la vie de ces organisations sociales essentielles à l'ensemble de nos territoires, ruraux comme urbains. Il ne faut pas néanmoins se tromper : elle ne corrigera pas les signaux désastreux qui ont été donnés au monde associatif depuis le début du quinquennat.

Le plus emblématique et, surtout, le plus problématique, c'est à mon sens la suppression de la réserve parlementaire pour des motifs purement dogmatiques. En 2017, elle avait pourtant permis de soutenir le secteur associatif à hauteur de plus de 50 millions d'euros, essentiellement pour des petits projets qui, aujourd'hui, passent sous les radars des dispositifs de soutien et qui sont pourtant essentiels à nos territoires. J'ajoute que seule la moitié de cette somme a alimenté le fonds départemental pour le développement de la vie associative. Ce sont donc autant de projets qui n'ont pas pu être soutenus !

La mise en place du prélèvement à la source, quant à lui, déstabilisera largement tout le système de soutien des associations par les dons des particuliers. À cela s'ajoute la fin de l'ISF-don, qui a eu pour effet la réduction de 7 % des dons aux associations en 2018 – ce sera certainement encore plus cette année.

À cela s'ajoute également, dans les grandes régions, l'injonction faite aux fédérations associatives de s'organiser à une échelle de territoire, qui rend simplement impossible l'engagement de bénévoles prenant gratuitement sur leur temps libre pour administrer et diriger ces structures.

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