Nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille, dite convention STCW-F. Cette convention adoptée à Londres, le 7 juillet 1995, sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, est entrée en vigueur le 29 septembre 2012 pour les vingt-six pays qui l'ont ratifiée.
Le Sénat a approuvé sa ratification le 22 mars 2018, et la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale en a fait autant le 6 novembre dernier.
Cette convention vise à mettre en place, pour la première fois, des normes communes de formation des personnels de navires de pêche, ce qu'avait déjà fait pour les navires de commerce et de plaisance la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, adoptée sous l'égide de l'Organisation maritime internationale. En 1995, à l'occasion de la conférence de révision de cette dernière convention, l'OMI a décidé de compléter ce dispositif en mettant en place une convention similaire pour les navires de pêche.
Cette convention relative au secteur de la pêche vise trois objectifs principaux. Elle entend, tout d'abord, améliorer le niveau de sécurité maritime et la protection de l'environnement marin en augmentant le niveau de qualification des marins. Ils travaillent en effet dans un secteur d'activité dangereux où l'on déplore environ 24 000 morts par an dans le monde, les accidents ayant souvent une origine humaine.
Elle vise ensuite à décloisonner le marché de l'emploi maritime en harmonisant les formations, à la fois entre le secteur de la pêche et ceux du commerce et de la plaisance, et entre les différents pays signataires. Comme cela a été dit lors de l'examen du texte en commission, nos flottes de pêche ont aujourd'hui du mal à renouveler leur personnel, et il est urgent pour nos ports de pêche de renforcer l'attractivité du métier de marin pêcheur. La création de passerelles entre pays et entre secteurs offrira aux marins pêcheurs de meilleures perspectives de carrière. Elle devrait aider à leur recrutement.
Enfin, cette convention vise à réduire la concurrence avec les pavillons moins exigeants en matière de normes sociales en étendant ces dernières au plus grand nombre possible d'États. Il est vrai que parmi les pays ayant à ce jour ratifié la convention ne figurent ni les États-Unis, ni la Chine, ni le Japon. Il est d'ailleurs regrettable que seulement vingt-six pays l'aient à ce jour ratifiée sur les soixante-quatorze qui l'ont signée en 1995. Il est donc d'autant plus important que la France ratifie ce texte. Elle fait ainsi preuve à la fois de cohérence, de responsabilité et d'exemplarité.
Cette convention n'est cependant pas un texte symbolique. Elle contient de véritables obligations pour les États qui la ratifient. Elle détaille les exigences minimales en matière de formation, de qualifications et de délivrance des brevets de capitaine, d'officier et d'officier mécanicien, et des certificats d'opérateurs des radiocommunications. Ces spécifications se déclinent en plusieurs types de brevets, et se différencient selon le type de navire et l'éloignement des côtes.
La France a déjà anticipé sur la mise en oeuvre de cette convention avec une réforme globale de la formation professionnelle dans le secteur maritime qui s'est concrétisée par le décret no 2015-723 du 24 juin 2015 relatif à la délivrance des titres de formation professionnelle maritime et aux conditions d'exercice des fonctions à bord des navires armés au commerce, à la plaisance, à la pêche et aux cultures marines. Ces mesures sont d'application obligatoire depuis le 1er septembre 2016.
Le nouveau cadre réglementaire prévoit également une revalidation des titres tous les cinq ans et un renforcement des conditions d'octroi des dérogations. Des dispositions ont été prises pour transformer les anciens titres en nouveaux titres, comprenant l'obligation de suivre une formation médicale et une formation à la sécurité ainsi qu'aux premiers secours.
Ce décret laisse cependant de côté les dispositions relatives à la reconnaissance des brevets entre parties, qui relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. Cette dernière a invité les États membres à adhérer à la convention, ce qui devrait en retour favoriser l'adoption d'une directive spécifique permettant sa mise en oeuvre au niveau européen.
Dans le cadre de cette réforme, la France a adopté des règles de formation dont le niveau d'exigence va souvent au-delà de ce que prévoit la convention. Notre pays a cependant fait le choix d'une application progressive de ces nouvelles dispositions, les organismes et établissements existants n'étant pas en mesure d'absorber immédiatement les besoins importants en formation qu'elles induisent.
Mais cette mise en oeuvre a bien eu lieu, et la France est désormais prête à appliquer pleinement ce texte, ce qui la placera dans une meilleure position, non seulement pour en exiger l'application par les autres parties, mais également, plus généralement, pour intervenir sur d'autres sujets liés à la pêche, comme les questions relatives aux zones de pêche ou celles concernant des techniques menaçant l'environnement, comme la pêche électrique.
La convention concerne l'ensemble des 18 340 marins travaillant dans le domaine de la pêche ; parmi eux, 9 920 devront seulement demander la transformation de leur titre de formation professionnelle tandis que 8 117 devront suivre une formation. L'ensemble des formations concernées représente un coût de 6,19 millions d'euros, la dépense étant échelonnée jusqu'en 2020.
Cette évolution est en cours. L'entrée en vigueur de la convention impliquera en fait peu de changements car la France a déjà anticipé l'application de la plupart des obligations juridiques et pratiques qu'elle prévoit. Son adoption, correspondant à l'engagement no 44a du Grenelle de la mer, mettra la France en meilleure position pour exiger des autres États parties l'application de ces nouvelles normes de formation dont l'utilité est peu discutable du point de vue de la sécurité ainsi que sur le plan social.
Mais au-delà des aspects techniques qui constituent l'essentiel du contenu de cette convention, il convient de souligner que ses dispositions sont nécessaires sur les plans aussi bien social, qu'humain et environnemental dans un secteur économique qui constitue un atout précieux pour notre pays. Ce texte conforte avant tout la dimension et la vocation maritimes de la France – dont nous ne sommes pas toujours suffisamment conscients – en termes de responsabilité stratégique internationale, de ressources à valoriser et de perspectives à dessiner.
Il reste beaucoup à faire pour que la pêche soit considérée à sa juste place, à sa noble place. Et c'est pourquoi il était nécessaire qu'ait lieu ce débat en séance publique. Celles et ceux d'entre nous qui sont issus des territoires où la pêche est l'une de principales activités économiques savent combien cette richesse doit être protégée, organisée, mieux structurée, et combien il lui est nécessaire de gagner en lisibilité et en perspectives. C'est pourquoi il faut prioritairement prendre en compte celles et ceux qui en constituent la richesse et la ressource humaine, celles et ceux dont c'est le métier. C'est dire que tout ce qui contribue à leur formation, tout ce qui protège, consolide, réglemente et adapte leur profession est utile et juste, y compris dans le cadre de la nécessaire harmonisation des normes internationales. Cette convention aujourd'hui soumise à votre examen est une contribution positive à la définition plus élaborée d'une stratégie cohérente et dynamique en matière de pêche.