mais bon, quand même plutôt pêcheur.
Il est en effet obsédé par les poissons. Le virus l'a pris au cours de vacances en Ardèche, et nous sommes depuis obligés d'y retourner afin de pouvoir, dès l'aube, se rendre au bord de la rivière, surveiller les poissons que l'on va ensuite attraper et faire cuire en friture – ce qui répand une odeur de graillon dans toute la maison.
Cela a continué dans le parc Saint-Pierre, en face de chez moi, à Amiens, avec la pêche aux grenouilles, à la main ou à l'épuisette. Puis est venue la pêche aux poissons, marquée par la sortie miraculeuse d'un brochet si gros qu'il ne tenait pas dans le seau.
Cela se poursuit avec d'épisodiques balades en mer au cours desquelles la canne à moulinet est de rigueur, puis, le soir venu, par la lecture obligatoire d'une page de L'encyclopédie Larousse des poissons d'eau de mer. Alors, pêcheur, pourquoi pas, si telle est sa passion ?
Je me suis donc beaucoup intéressé, avec ce projet de loi, à sa future formation. Mais – pardonnez-moi cette évidence – , pour pêcher, il faut des poissons, il faut du vivant, il faut un environnement.
Or, comme souvent – comme toujours en fait– , la planète est la grande oubliée de ce texte.
Dans les vingt-huit pages de cette convention, j'ai multiplié les « Control F ». Résultat de ces recherches ? Zéro fois le mot « corail », zéro fois le mot « flore », zéro fois le mot « faune », zéro fois les mots « espèces protégées », zéro fois le mot « préservation », et, surtout, zéro fois le mot « surpêche ».
Pourtant, les mers, les océans se vident de leurs poissons. Les futurs pêcheurs n'en sauront-ils donc rien ? Ne leur enseignera-t-on pas comment éviter cette tragédie, comment préserver les ressources, renouveler les stocks ?
Car c'est bien une tragédie qui se déroule tranquillement au large, sous l'écume. Elle porte un nom : surpêche.
C'est mathématique : ces quarante dernières années, les réserves de poissons ont décliné d'à peu près 40 % à cause de la surpêche. Le thon rouge, la baleine bleue, le béluga, le dauphin d'Irrawady, le mérou noir, le grand requin, le napoléon : toutes ces espèces s'éteignent à cause de la surpêche. S'agissant des cabillauds, des soles, des bars alignés sur nos étals, comme de 70 % des espèces vendus en supermarché, les stocks diminuent pour la même raison.
Mais si les mers et océans se vident de poissons, ils se remplissent, vous le savez, de plastique : à chaque seconde, 412 kilos de plastiques y sont déversés et on estime que d'ici 2050 on devrait y compter plus de plastique que de poissons.
La surpêche est donc un drame environnemental. Mais c'est aussi un drame social.
J'ai rencontré à Calais le propriétaire d'un bateau, Benoît, qui m'a livré le témoignage suivant : « Il y a trois ans, les choses ont commencé à se gâter. C'était le désert en mer : avec les collègues, la famille, on ne parlait plus que de ça. Avec ce qu'on remontait, on ne pouvait plus y arriver. » Résultat, il a vendu son embarcation et a abandonné le métier.
C'est qu'en mer se déroule une guerre des classes. Une guerre des gros contre les petits. Une guerre des industriels contre les artisans.
Johnny m'a confié : « Nous c'est des bateaux, eux, c'est un armement C'est tellement performant. Ils augmentent leurs chiffres, leur flotte, et nous on plonge ».
Dans un tel contexte, quel est le rôle de la politique ou des pouvoirs publics ? Nous devrions servir de bouclier aux petits et de protection aux faibles. Or au contraire, l'Union européenne – notamment – vient en appui aux gros et en renfort des puissants. La commission de la pêche du Parlement européen alloue des subventions à la méga-industrie : 6 milliards d'euros ! Six milliards pour prélever plus, toujours plus, avec des armements immenses, toujours plus importants ! Même la pêche électrique, pourtant interdite en théorie depuis 1998, est subventionnée : 20 millions d'euros sont attribués aux Pays-Bas, les cancres de la pêche.
C'est un drame environnemental, donc. C'est un drame social. Mais c'est aussi et surtout un drame pour les pays du Sud – car on pêche au Sud ce qu'on mange au Nord. Les grands capitaux chinois, européens et américains affrètent des giga-bateaux pour surexploiter les mers du sud et pour y rafler les anchois, les sardines et les maquereaux.
Or à quoi servent ces anchois, ces sardines et ces maquereaux ? Tenez-vous bien ! à fabriquer une farine qui servira à nourrir les poissons des élevages piscicoles du Nord.