« L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons ! », écrivait Alphonse de Lamartine. Le temps a passé, en effet, depuis l'adoption de la convention sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille. Vingt-cinq ans se sont écoulés avant que ce texte n'accoste enfin à l'Assemblée nationale. Au sein du groupe Libertés et territoires, nous nous en réjouissons car il est important que le secteur de la pêche dispose d'un cadre plus protecteur, tant sur le plan humain et économique qu'environnemental.
Cette convention y contribuera. Elle sera un atout précieux pour notre pays et pour nos pêcheurs, amoureux de la mer et soucieux de la préservation de ses ressources. Le secteur économique de la pêche est une formidable valeur ajoutée pour la France. Il représente 10 % de la pêche au sein de l'Union européenne, pour une valeur d'environ 1,7 milliard d'euros chaque année.
Mais, au-delà de sa valeur économique, ce secteur véhicule l'identité de nos territoires maritimes et littoraux que les députés de mon groupe, notamment ceux de Bretagne, de Corse, de Charente-Maritime et de Wallis-et-Futuna, mais aussi moi-même, défendons avec ferveur et conviction dans notre assemblée.
Nous mesurons chaque jour combien il est essentiel de soutenir la pêche, outil stratégique international, donc essentiel. Les nombreux territoires ultramarins que compte la France lui assurent une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, ce qui fait d'elle, relativement à l'espace maritime, la deuxième puissance au monde. Fort de cette extraordinaire ressource économique et naturelle, notre pays doit permettre à nos marins-pêcheurs d'exercer leur activité en toute sécurité et dans des règles de concurrence loyale. C'est tout l'objet de cette convention, dont notre groupe approuve la ratification.
Il s'agit d'améliorer la sécurité maritime et de prévenir la pollution du milieu marin, de réduire la concurrence avec des pavillons moins exigeants en matière de normes sociales et de favoriser la création d'un marché de l'emploi maritime moins cloisonné. La sécurité maritime doit être au coeur de nos préoccupations, dans un secteur où l'on déplore environ 24 000 morts par an dans le monde.
Si la France est épargnée, elle déplore tout de même plusieurs centaines d'accidents chaque année. Il est donc important d'encadrer les formations des pêcheurs. Nous devons mieux accompagner cette ressource humaine dans le cadre du droit international et dans l'harmonisation des normes. Cette exigence doit permettre aux marins-pêcheurs de mieux appréhender les situations du quotidien.
Certes, cette convention obligera un peu plus de 8 000 marins à suivre une formation en matière de sécurité ; mais, les coûts induits devant être pris en charge par les différents dispositifs de financement applicables à la formation, ils ne pèseront pas sur nos marins-pêcheurs. Nous ne pouvons, conscients des risques qu'ils encourent, les laisser prendre la mer sans leur donner les moyens d'assurer leur propre sécurité. Ils sont des époux, des pères, des frères ou des fils attendus sur terre. Ils sont les forces vives de territoires qui se prolongent par-delà les lignes de base.
Mes chers collègues, la pêche fait partie de notre histoire, de notre culture. La France est un pays de marins ; le monde est un monde de marins. La pêche, de tout temps, a permis aux populations de se nourrir et de se soigner. Ainsi, dans ma circonscription, au Sénégal, près de 70 % des protéines animales consommées sont puisées en mer. Mais celle-ci n'offre pas une ressource inépuisable. À l'heure où les mers se vident de poissons, nous devons donc réfléchir au modèle de pêche que nous voulons.
Pour le groupe Libertés et territoires, ce modèle doit être durable, respectueux des hommes et des fonds marins. Chacune et chacun d'entre nous a vu ces images horribles de plages polluées, d'océans de plastique qui tuent les poissons, ainsi que toute la richesse et la biodiversité de nos mers. C'est pourquoi, avec les députés de mon groupe, nous nous inquiétons des agissements de la flotte industrielle chinoise, qui épuise les fonds marins ouest-africains. Ce pillage des eaux africaines par des chalutiers chinois, réalisé en toute illégalité, détruit tout sur son passage et menace l'activité des pêcheurs africains. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour saluer le Green Project Africa et lui témoigner toute mon admiration : cette association de Français oeuvre sans relâche à la dépollution des plages ivoiriennes, afin de permettre aux pêcheurs des côtes africaines de vivre dignement.
Mes chers collègues, la ratification de la présente convention donnera à la France un poids diplomatique et juridique fort : notre pays pourra s'en saisir pour interpeller et inciter, par des mesures concrètes, les pays qui n'en sont pas signataires. Je pense en particulier à la Chine, mais aussi au Japon, qui a prévu de reprendre la pêche commerciale à la baleine en juillet prochain. C'est un scandale, et nous devons peser de tout notre poids diplomatique pour l'empêcher.
La France doit aussi peser dans le cadre des conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous ne pouvons abandonner nos pêcheurs à un « hard Brexit » qui ne leur permettrait plus d'accéder aux précieuses eaux britanniques. Cela serait pour eux une catastrophe. Notre pays doit, plus que jamais, se montrer à leurs côtés.
Nos pêcheurs travaillent avec courage dans un environnement difficile, et leur métier relève du sacerdoce. C'est certainement ce qui explique que le renouvellement des générations, dans cette profession, ne soit pas facile. Mais quand on est pêcheur, ce n'est pas la sécurité de l'emploi ou la recherche d'un bon salaire qui vous guide, c'est la passion et l'amour de la mer, comme l'a bien expliqué M. Pahun à cette tribune. Travailler dans ce secteur d'activité qui n'a pas été épargné par les crises n'est pas simple. C'est pourquoi il est indispensable d'assurer à nos marins-pêcheurs des formations en adéquation avec les fluctuations du marché de l'emploi.
Malheureusement, les formations respectivement exigées pour la pêche et pour le commerce sont encore bien distinctes, et les possibilités de passage de l'un à l'autre de ces secteurs sont encore trop minces. Or de telles passerelles sont incontournables pour rendre le marché de l'emploi des navigants plus fluide et plus large, donc plus réactif en période de croissance comme en période de crise.
Mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi nous montre combien l'élévation du niveau de connaissance et de qualification des pêcheurs sera un atout pour ce secteur d'activité. La croissance verte est souvent évoquée à tout bout de champ. Je veux insister ici sur la croissance bleue : notre pays regorge d'atouts, de ressources et d'opportunités pour nos jeunes et leurs familles, mais ces atouts restent souvent inexploités. Et lorsqu'on les exploite, on le fait souvent de manière irrespectueuse et sans considération pour notre planète.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous engage, et, à travers vous, l'ensemble de l'exécutif à mener une véritable politique globale de développement de la croissance bleue. Selon le groupe Libertés et territoires, le texte que nous examinons doit être un atout pour la gestion durable des ressources marines. Jacques Brel a chanté le monde marin dans sa célèbre chanson « Amsterdam » ; faisons en sorte que ses petits-enfants chantent un jour « Dans le port du Havre » !