Nous abordons la ratification de la convention no 184 de l'Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l'agriculture, un secteur qui intéresse notre pays au plus haut point.
La France est la première puissance agricole en Europe. La production en 2018 est estimée à 73 milliards d'euros, soit 17 % du marché européen. Mais l'agriculture, ce sont surtout des hommes et des femmes engagés, qui travaillent dur ; 450 000 agriculteurs dont le salaire moyen s'établit autour de 1 200 euros, sachant qu'on estime qu'un tiers d'entre eux a des revenus inférieurs à 350 euros.
Dans ce secteur, les règles et les normes se multiplient. Ces métiers ingrats et souvent décriés contribuent pourtant au PIB à hauteur de 6,7 %.
J'adhère aux interventions précédentes, mais je souhaite insister sur ce capital humain, qui est une richesse pour la France, presque un patrimoine. L'agriculture fonde en quelque sorte l'identité française dans le monde et la fait rayonner à travers ses produits. À 20 000 kilomètres, nous sommes très fiers d'être Polynésiens français, et nous mangeons aussi bien le poisson cru que la baguette, qui, tous deux, font partie des traditions de la Polynésie. L'agriculture véhicule notre image, il ne faut pas l'oublier. Je tiens à rendre hommage, comme nous l'avons fait précédemment pour nos pêcheurs, à nos agriculteurs.
L'agriculture en Polynésie est un peu différente, car elle concerne d'autres pratiques et d'autres produits. Mais nous partageons la fierté que l'on peut ressentir à son égard. Nous devons conserver un regard bienveillant sur le monde agricole qui connaît de graves difficultés aujourd'hui.
Alors que notre pays domine le marché européen, les politiques européennes très strictes viennent imposer des normes et des politiques stratégiques parfois contradictoires. Je ne reviens pas sur la préconisation de certaines cultures et pas d'autres, ni sur l'uniformisation qui oblige les agriculteurs à aller dans un sens et, dix ans plus tard, dans un autre – je pense aux biocarburants. Notre agriculture est faite de tout cela, et c'est une agriculture d'avenir.
À cet égard, je veux revenir sur l'aspect capital humain pour signaler que la moitié de nos 450 000 agriculteurs a plus de 50 ans, et que leur nombre baisse continûment d'année en année. Nous devons nous interroger sur l'attractivité du secteur agricole, qui est fondamental pour notre pays.
Nous souhaitons, évidemment, la ratification de la convention, qui est assortie de la recommandation no 192 sur la santé et la sécurité dans l'agriculture, destinée à guider les gouvernements dans l'application des politiques nationales en la matière.
La France a déjà été très active sur ces sujets, elle est même en pointe, mais à quel prix ? C'est tout l'enjeu et toute la difficulté des politiques agricoles. C'est bien beau d'être en pointe sur les scènes européenne et internationale pour porter des messages forts auprès des pays en voie de développement, mais qu'en est-il dans notre pays ? Comment nos agriculteurs vivent-ils cette situation ? Très difficilement.
Si la ratification de la convention a été freinée – car nous sommes bien en retard – , c'était pour permettre le dialogue social. Il faut remercier le Gouvernement d'avoir su prendre ce temps. Mais une fois la convention ratifiée, elle devra être appliquée tout en maintenant un dialogue permanent afin que ses objectifs deviennent une réalité demain.
Comme pour la convention précédente, trop rares sont les États ayant ratifié la convention, et pour cause !
Oui, la France s'engage dans une démarche vertueuse, qui, compte tenu des enjeux, exige un dialogue constant avec l'ensemble de la filière.
Je souhaite conclure en évoquant l'utilisation de produits chimiques et les nombreux risques qui l'entourent. Je pense au glyphosate mais aussi au chlordécone aux Antilles – un scandale. Tirons les leçons de ce qui s'est passé aux Antilles, n'attendons pas que nos successeurs, dans vingt ans, viennent nous dire qu'il est scandaleux de ne pas avoir interdit l'utilisation du glyphosate.