Plus de 7000 civils tués, 7000 enlèvements de femmes pour servir d'esclaves sexuelles, dont 276 lycéennes de Chibok : le bilan humain de l'insurrection djihadiste de Boko Haram parle de lui-même et justifie amplement un rapprochement et une coopération militaire forte avec le Nigéria en lutte contre ces terroristes.
Le Nigéria connaît une situation interne compliquée, avec la présence de groupes armés terroristes qui prospèrent sur la pauvreté et le chômage, principalement dans le nord du pays. Avec 200 millions d'habitants – 400 millions à l'échéance de 2050 – , le Nigéria est aussi le pays central dans la stabilité que nous souhaitons et recherchons tous au Sahel. Sans stabilité du Nigéria, comment imaginer trouver une solution pour le Niger, le Cameroun, le Tchad, le Burkina Faso ou encore le Mali ?
Il y a tout à craindre de l'évolution de cette situation géopolitique pour le pays le plus peuplé d'Afrique, celui aussi qui connaît le développement économique le plus rapide. C'est pourquoi la France a tout intérêt à se rapprocher de ce pays et à développer avec lui les partenariats de défense qui avaient été amorcés sous François Hollande.
Les objectifs de ce partenariat sont multiples.
Il faut d'abord aider le Nigéria à se renforcer et à sécuriser son espace intérieur. La lutte contre Boko Haram est un enjeu important, car la jonction avec d'autres groupes terroristes pourrait être très néfaste à l'heure où nous savons que de nombreux djihadistes chassés du Moyen-Orient par la coalition internationale tentent de retrouver une assise en Afrique.
Nous devons contribuer à la lutte contre l'insécurité maritime le long des côtes nigérianes, là où se concentrent l'essentiel des infrastructures du pays, ce qui tire l'économie de toute la région. Le contrôle du golfe de Guinée, dans lequel nous avons des intérêts et une présence militaire, est un enjeu majeur.
Il faut aussi sécuriser les frontières pour les rendre les moins poreuses possibles aux groupes armés. Le défi est immense au regard des menaces. En dépit de la présence française et de l'effort très important engagé par les pays du G5 Sahel pour construire une force de sécurité commune, nous devons constater que ces groupes armés étendent leur influence et jouent des tensions internes propres aux pays de cette région pour prospérer.
Il s'agit enfin – et c'est notre responsabilité – de tout mettre en oeuvre pour sécuriser les activités des entreprises françaises et la vie de nos ressortissants.
Pour ces raisons, il est stratégique que la France s'engage plus avant auprès de ses alliés africains afin de proposer une formation des personnels militaires et leur donner les moyens de prendre en charge leur propre défense.
De nombreuses actions en ce sens sont entreprises. Il faut les accentuer et faire confiance à nos partenaires qui disposent d'une parfaite connaissance de leur terrain. C'est là un point majeur, car l'objectif à terme est bien « l'africanisation » des opérations de sécurisation et de maintien de la paix.
Ceci doit se faire en conservant nos intérêts stratégiques et en oeuvrant à intégrer à ces opérations les autres acteurs – je pense entre autres à la Chine ou aux États-Unis. C'est donc bien dans une coopération de réciprocité qu'il nous faut agir, dans la droite ligne de ce que défend le Président de la République.
Notre approche doit être globale et concerner l'ensemble des enjeux. La sécurité de nos partenaires ne passe pas uniquement par une formation et une coopération militaire, elle passe aussi par l'accès à l'éducation et la hausse du niveau de vie. Je rejoins Jean-Paul Lecoq sur ce point. Le développement est, in fine, le meilleur moyen d'assurer la prospérité et la stabilité de cette partie du monde. Cette réflexion s'inscrit dans un autre cadre que celui qui nous intéresse cet après-midi.
La lutte contre Boko Haram doit bien passer par un renforcement de la coopération militaire. C'est ce que nous faisons avec cette convention. Elle doit aussi passer par un renforcement de la culture, de l'éducation et de l'inclusion sociale. Laisser des pans entier de la population dans une misère économique, culturelle et sociale, c'est rendre vulnérables ces populations à des discours haineux et fanatiques.
Construire une véritable solidarité et une coopération avec les zones de conflits qui alimentent le terrorisme, c'est aussi l'un de nos objectifs.
Notre pays passe régulièrement des accords de défense avec des États avec lesquels nous entretenons des relations fortes et multiples, qu'elles soient économiques, historiques, diplomatiques.
Cet accord a ceci de nouveau que le Nigéria ne fait pas partie des États d'Afrique avec lesquels la France a l'habitude de traiter, notamment sur le plan économique, même si une centaine d'entreprises françaises sont présentes au Nigéria. Ce pays n'est pas encore celui avec lequel nous faisons le plus de développement économique.
Cette convention répond à notre volonté de renforcer notre relation militaire avec l'Afrique sur un mode de partenariat en ayant comme objectif ultime d'aider les pays d'Afrique à assurer eux-mêmes leur propre sécurité.
Ce partenariat est également une chance pour le français et la francophonie dans un État anglophone entouré de pays francophones. C'est notre devoir de développer le français dans ce pays car il est à craindre que, si nous ne le faisons pas, l'anglais ne prospère progressivement dans des pays francophones. En respectant l'esprit de cet accord, il nous faudra mettre l'accent sur l'apprentissage du français par des militaires nigérians pour mieux coordonner leur approche, notamment avec leurs homologues du G5 Sahel.
Cet accord place la France dans un partenariat sécurisé avec un pays dans une position stratégique dans la région. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés le soutiendra.