Intervention de Loïc Finaz

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Loïc Finaz, directeur de l'École de guerre :

Merci, madame la présidente. Je dirai d'abord quelques mots, en préambule, pour préciser que je ne représente pas, ce matin, le chef d'état-major des armées ou l'état-major des armées (EMA) – même s'il travaille sur ces sujets. Je dirige l'École de guerre, ce qui signifie que je suis en charge de la formation des chefs militaires de demain. Je suis à la tête d'une école qui réunit chaque année 250 officiers français et étrangers – 60 nationalités y sont représentées – et 50 auditeurs civils, ce qui en fait, au-delà de ma responsabilité de cette formation des chefs miliaires de demain, un lieu de réflexion et de prospective.

Je voudrais également souligner que nous pouvons craindre quatre grandes causes de conflits que le XXIème siècle connaîtra. La première est la résurgence et la folie des empires ou, pour le moins, des États-nations. La deuxième est ce que je formulerais comme le choc de l'islam et de la modernité. Je ne crois pas du tout au choc des civilisations évoqué par Samuel Huntington dans un livre devenu célèbre, mais j'observe que le choc de l'islam et de la modernité est compliqué. Qui plus est, nous éprouvons une grande difficulté à l'analyser et à en parler avec sérénité, intelligence, recul et, parfois, courage. La troisième cause est celle des conséquences des réalités démographiques et économiques. Enfin, la quatrième cause sont les effets des problématiques environnementales – au premier rang desquels, bien sûr, le réchauffement climatique.

Bien évidemment, ces quatre grandes causes se mêlent et se combinent. Mais pour moi, celle qui porte en elle-même le plus de dangers, de changements et de violences est la quatrième – celle des problématiques environnementales. Je m'étonne et je m'inquiète que l'on ne parle pas davantage de leurs conséquences géopolitiques. Aussi ai-je considéré qu'il était normal que l'École de guerre, au-delà de sa responsabilité de formation des chefs militaires de demain, soit un lieu de réflexion sur l'ensemble de ces sujets. C'est tout le sens de notre association et de la réflexion commune que nous avons décidé de lancer, Pascal Canfin et moi. C'est également pour cela que nous sommes devant vous ce matin.

Permettez-moi, pour terminer, de vous lire ces lignes publiées dans la presse française il y a quelques jours, écrites par Sylvain Tesson qui revient d'Orient : « Or je ne revois que la ruine, le chaos et la détresse. Partout des villes en cendres, des masses affligées, un monde fumant. Des plaines de sacs en plastique, des versants de béton qui devaient avoir été de grandes pentes parcourues par des troupeaux et des tribus farouches. Des amoncellements de décombres pour témoigner de cette double opiniâtreté de l'homme, sa fièvre de bâtir partout, sa rage de détruire toujours. Et, en rentrant en France, en ouvrant à nouveau les journaux, en écoutant les nouvelles du monde, je ne reçois que la même information sur la montée des eaux, la fonte des glaces, tout ce que nous savons sans trop nous en effrayer, l'embrasement du ciel, la disparition des bêtes, le flétrissement du vivant, le recul des formes de la vie. Bref, l'usure du monde. » Je crains, hélas, qu'il n'ait raison et je m'étonne sans cesse que nous ne parlions pas plus souvent des conséquences géopolitiques de tout cela – et quand je dis « géopolitiques », je suis dans la litote.

Voilà ce que je voulais dire en préambule.

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