Intervention de Christophe Lejeune

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Lejeune, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, il y a tout juste un an, nous terminions la première lecture du projet de loi de programmation militaire 2019-2025. Entre autres améliorations, nous avions enrichi le rapport annexé de plusieurs dispositions relatives à la lutte contre les discriminations. Promulguée le 13 juillet 2018, la loi de programmation militaire l'affirme donc : « le ministère des Armées poursuit avec détermination sa politique de tolérance zéro en matière de harcèlement, discrimination et violence à caractère sexuel. Les victimes sont accompagnées sur les plans juridique et psychologique. Des cellules d'écoute, dédiées aux situations de harcèlement ou de discrimination sont créées et produisent un bilan annuel. Un plan de formation pour l'ensemble du personnel du ministère est mis en place. » Il est bien dit que le ministère des Armées poursuit une politique de lutte contre les discriminations. En effet, un plan d'action avait déjà été élaboré en 2014, à la suite d'une mission d'enquête conduite par le contrôle général des armées et l'inspecteur général des armées – terre, à la demande du ministre, après que deux journalistes ont publié un livre sur des agissements sexistes dans les forces armées. Une cellule d'écoute et d'assistance juridique a alors été créée pour traiter des cas de harcèlement, discrimination et violences à caractère sexuel.

Quatre années plus tard, il y a tout juste un an, c'est-à-dire au moment même où nous rappelions collectivement dans la loi de programmation militaire notre engagement à lutter contre les discriminations, le journal Libération publiait une série d'articles sur la persistance de dérives misogynes, de propos homophobes et racistes, et de bizutage au lycée militaire de Saint-Cyr l'École. Voilà ce qui a motivé la création de notre mission d'information.

Le 16 mai 2018, notre commission a donc constitué une mission d'information sur l'évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des armées. Outre ses deux rapporteurs, en ont été désignés membres : M. Luc Carvounas, Mme Anissa Khedher, Mmes Sereine Mauborgne et Josy Poueyto. Entre le 28 juin 2018 et le 21 mars 2019, la mission d'information a entendu plus d'une centaine de personnes au travers d'une trentaine d'auditions ou de tables rondes et dans le cadre de visites sur des sites militaires. Ce programme de travail a été élaboré conjointement, en bonne entente entre nous, je tiens vraiment à le souligner. Nous avons pris le parti d'accepter toutes les demandes d'auditions qui nous ont été adressées. Seule l'une d'entre elles n'a pu être satisfaite, pour des raisons d'agenda. Nous avons garanti l'anonymat aux personnes qui le souhaitaient. Nous avons également reçu des témoignages par écrit et des documents photographiques qui ont été dûment transmis à la ministre pour enquête interne, compte tenu de la gravité des faits qu'ils pourraient refléter. Nous avons également demandé à ce que nous soient communiqués les rapports du contrôle général des armées et des inspections portant sur les lycées militaires et les écoles militaires. Nous avons reçu les responsables des cellules Thémis et Stop-Discri, ainsi que les inspecteurs et les avons interrogés sur leur fonctionnement et aussi sur certaines affaires précises.

Je précise toutefois que nous avons travaillé dans le respect de nos attributions et de nos prérogatives constitutionnelles. Nous ne sommes ni des universitaires, ni des magistrats. Notre rapport ne contient donc pas de jugements sur des situations individuelles, pas plus qu'il ne prétend déterminer la prévalence des discriminations dans les forces armées. Chacun son métier. Nous avons rempli notre mandat qui était d'évaluer les dispositifs mis en oeuvre pour lutter contre les discriminations dans les armées, auxquelles nous avons adjoint la gendarmerie, qui est, elle aussi, composée de militaires. Pourquoi la gendarmerie ? Pour deux raisons principalement : la première, c'est que les gendarmes partagent aussi la condition militaire, qui nous est apparue assez vite comme justifiant une approche spécifique en matière de lutte contre les discriminations ; la deuxième raison réside dans les savoir-faire plus particulièrement développés par la gendarmerie, du fait de ses contacts étroits avec le public, et notamment à l'occasion d'affaires judiciaires. Certaines directions ou formations rattachées auraient sans doute mérité une attention que la mission d'information n'a pu leur consacrer dans le temps imparti : la délégation générale de l'armement ou les services de soutien et les organismes interarmées, que nous aurions souhaité voir davantage.

Je crois aussi nécessaire d'indiquer deux choses. Premièrement, notre rapport n'est pas une remise en cause du statut militaire. Deuxièmement, nous n'avons jamais eu l'intention de conduire un travail stigmatisant pour les forces armées. Les discriminations directes ou indirectes sont le fruit de processus communs à toute la société, dont les forces armées ne sauraient être tenues pour seules responsables. Nous n'avons pas de raisons de penser qu'il y aurait plus de discriminations dans les forces armées qu'ailleurs. Mais comme je le soulignais plus tôt, une approche adaptée est nécessaire, compte tenu des spécificités militaires.

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