C'est précisément l'effort de collecte de données sur l'égalité entre les femmes et les hommes qui a permis d'élaborer des mesures intelligentes, sans avoir à parler de quotas. Nous préconisons d'avoir la même approche d'évaluation sur toutes les discriminations.
Ancien maire, je suis fier d'avoir célébré le premier mariage homosexuel 100 % militaire dans ma commune. Les deux épouses vont bien et n'ont jamais été inquiétées pour leur relation. Mais ce n'est pas le cas partout. Aujourd'hui, il n'existe pas de sondages offrant des garanties d'anonymat qui permettraient aux militaires de faire état de la discrimination « diffuse » au quotidien, de dire à quelle fréquence ils entendent des réflexions homophobes, lesbophobes, racistes ou sexistes. Ces données seraient pourtant précieuses pour mener des actions de sensibilisation ciblées !
Dans le même ordre d'idées, il n'y a pas davantage de sondages pour qu'ils expriment un éventuel mal-être au travail. Le ministère des Armées procède pourtant à de nombreuses enquêtes mais elles permettent de dresser un tableau général de la situation, pas d'identifier des difficultés individuelles ponctuelles. La détection est donc un enjeu majeur. Notre rapport contient plus de cinquante recommandations pour rétablir la confiance dans le recrutement, la gestion RH, la gestion des carrières, et l'accès au droit, une confiance éprouvée par des pratiques d'un autre âge qu'il faut combattre sans faiblesse. Il s'agit pour l'essentiel de créer des voies de recours, d'instaurer davantage de transparence et de renforcer le contrôle du Parlement sur la condition militaire.
Une de nos propositions phare est la création d'une modalité de contrôle originale, associant des parlementaires, des magistrats et les responsables des cellules professionnelles pour ausculter régulièrement les dispositifs de lutte contre les discriminations. La plupart des armées occidentales se sont dotées d'ombudsman militaires, de médiateurs qui ont une grande liberté de ton. Nous avons voulu nous en inspirer, sans créer une énième autorité administrative indépendante, qui dépendrait de toute façon du ministère des Armées pour obtenir des informations et qui serait vraisemblablement composée de hauts fonctionnaires issus de ce ministère. C'est pourquoi nous proposons une modalité collégiale plutôt qu'un énième comité Théodule ! Il pourrait être composé de plusieurs membres :
– de parlementaires désignés de manière à assurer une représentation pluraliste du Parlement, et en particulier des oppositions ;
– du contrôleur général des armées en charge de la cellule Thémis ;
– de l'officier de gendarmerie en charge de la cellule Stop-Discri ;
– d'un membre du Conseil d'État, nommé par le vice-président de cette institution ;
– d'un magistrat de la Cour de cassation, nommé conjointement par le premier président et le procureur général près la cour ;
– du président du HCECM.
Ce collège serait chargé d'émettre des recommandations sur l'amélioration des dispositifs de lutte contre les discriminations dans les forces armées, sur l'accès au droit des militaires et sur l'attribution de la protection fonctionnelle. Il établirait un rapport tous les cinq ans, sur la base des saisines dont il aurait fait l'objet mais aussi de visites au sein des forces armées et de rencontres avec tous les acteurs de la concertation. Il pourrait notamment entendre les inspecteurs généraux d'armées, les inspections et le président de la commission des recours militaires (CRM).