J'ai malheureusement raté des éléments de la présentation du rapport et vous m'en voyez désolé. Je connais la grande prudence et l'attachement à l'armée française de notre collègue M. Bastien Lachaud. J'appelle donc à faire preuve de davantage de sérénité dans ce débat. Nous sommes tous ici attachés à la laïcité. Tout en la garantissant, il est nécessaire de faciliter l'exercice du culte pour nos soldats : cela fait par ailleurs la singularité de l'armée française, dans laquelle les aumôniers de différentes obédiences sont salariés. Dans cette profession où l'homme est amené par engagement total à risquer sa vie, cela peut l'être aussi en raison de convictions spirituelles. Il faut donc que toutes les religions puissent être pratiquées de la manière la plus libre qui soit. Mais nous devons également rester vigilants au fait que notre société compte un grand nombre de nos concitoyens non croyants et qu'ils se trouvent aussi au sein des armées françaises.
Concernant plus particulièrement l'invitation à participer à une cérémonie particulière, même s'il ne s'agit pas de la fête du Saint Patron, les personnes ayant diffusé l'invitation ont elles-mêmes considéré qu'il s'agissait d'une maladresse. Il est nécessaire de rester vigilant sur ce type de problématique. Il n'y a pas de provocation à souligner cela au sein de ce rapport.
Ensuite, l'armée française a vu nombre de ses traditions évoluer : elle en a même vu disparaître. Clemenceau, évoqué par des collègues, ne participe pas au Te deum rendu à Notre-Dame en hommage aux armées le 16 novembre 1918 et ne souhaite pas que le gouvernement y participe. Il s'y refuse en raison de sa conception de la laïcité, c'est-à-dire en tant que séparation nette entre le religieux et le politique. Méprise-t-il l'armée française pour autant ? Méprise-t-il les catholiques ? Non, il réaffirme simplement une certaine conception de la laïcité. L'histoire est donc plus complexe que cela.
Concernant la promotion de Saint-Cyr de 2016 -2019, qui avait pris le nom de Georges Loustaunau-Lacau : l'État-major a décidé par la suite de revenir sur le nom de cet homme, qui certes, avait été un grand résistant, mais avait eu également des prises de position violemment antisémites. Son nom ne pouvait pas être celui d'une promotion de Saint-Cyr, école dans laquelle nous formons nos officiers. Sans s'emporter immédiatement, il est possible de réfléchir tous ensemble à certaines traditions, qui peuvent heurter le bon fonctionnement de l'institution militaire. Il me semble que ce rapport a travaillé dans cet esprit et il faut le saluer.
L'armée de 2019, évidemment, n'est pas la même que l'armée de 1950, qui elle-même n'est pas la même que l'armée de la fin du dix-neuvième siècle. Je veux donc rendre hommage aux auteurs de ce rapport : il me semble primordial de réfléchir à certaines traditions. Il y a désormais plus de femmes dans nos armées et cela suscite certaines réflexions : comment chacun y trouve-t-il sa place ?
Je ne suis pas spécialiste des armées, mais je suis frappé de voir que lorsque l'on s'entretient avec nos officiers, force est de constater qu'il s'agit d'une institution sensible à ces questions. Elle s'est donné les moyens de revenir sur certaines pratiques et les a remises en cause, pour être réellement à l'image de notre pays. Il me semble que ce rapport s'inscrit dans cet esprit. Certaines pratiques disparaîtront, et cela créera les conditions nécessaires afin que nous soyons fiers de notre armée, qui est à l'image de la France de 2019.