Monsieur le rapporteur, je suis très heureux de voir que l'opposition entre aujourd'hui dans la logique du Grand débat national. Je considère effectivement votre texte davantage comme une contribution au Grand débat national que comme une proposition de loi stricto sensu. Je n'avais pas compris, initialement, que l'opposition s'inscrivait dans cette démarche ; me voici parfaitement rassuré…
Je reste un peu sur ma faim, cependant, quant aux mesures de financement. Je ne doute cependant pas que vous proposerez quelque chose de plus précis et de plus concret lors de la séance publique. Je me permets d'autant plus facilement de tenir ce langage que j'ai tenu un discours assez ferme au Gouvernement quand il a présenté, à la fin de l'année dernière, 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Je peux donc me permettre d'avoir la même attitude lorsque l'enjeu est de 20 à 25 milliards d'euros. Je voudrais vous faire plaisir, vous êtes le président de la commission des finances, mais, lorsque vous êtes dans votre rôle de rapporteur de cette proposition de loi, j'en ai un peu moins envie !
Il me faut faire état de désaccords politiques majeurs, d'incertitudes de chiffrage et de contradictions.
Premier désaccord majeur, je ne suis pas favorable à votre proposition de baisse de 10 % du taux des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu. En effet, votre mesure concernerait tous les contribuables, et pas seulement ceux dont le taux marginal d'imposition relève des deux premières tranches. Cela aurait tout simplement pour effet de renforcer la concentration de l'impôt sur le revenu, ce qui ne me semble pas être l'objectif poursuivi. Cette mesure ne serait pas destinée aux seules classes moyennes, comme vous le revendiquez dans l'exposé des motifs, elle concernerait aussi les classes aisées, voire très aisées. Évidemment, il est toujours difficile de cerner les contours de la classe moyenne, mais, en l'occurrence, votre manière de placer le curseur suggère que vous en avez une conception assez large. J'ai vraiment l'impression que cette première mesure rate sa cible puisque les classes très aisées n'ont pas de problème particulier de pouvoir d'achat. J'ai noté par ailleurs que vous envisagiez désormais, pour le coût de cette mesure, un montant de 8 milliards d'euros ; le chiffre de 2 milliards d'euros que vous reteniez initialement le sous-estimait trop. Cette mesure est quand même très coûteuse et son calibrage m'inspire quelque doute.
Mon deuxième désaccord majeur porte sur le relèvement du plafond du quotient familial, qui réduirait le caractère redistributif de l'IR et bénéficierait aux contribuables les plus aisés. C'est encore une mesure coûteuse, mal calibrée. Si l'objectif premier est de soutenir le pouvoir d'achat, elle manque sa cible.
Le troisième sujet de désaccord est la CSG. J'avais soulevé la question dans le rapport sur l'application des mesures fiscales. De premières mesures correctrices avaient été prises et nous sommes en partie revenus sur la hausse de la CSG. Vous nous invitez à déboucher la seconde oreille, monsieur le rapporteur, mais je ne souffre pas de surdité, et je voudrais vous rappeler un certain nombre de choses : la mesure qui avait été adoptée et demeure partiellement en vigueur visait à soutenir le pouvoir d'achat des actifs du secteur privé. Si nous allons jusqu'au bout de la logique de l'article 3, il faudra donc revenir aussi sur la hausse du salaire net dont ont bénéficié 18 millions de salariés du secteur privé. Il me semble que c'est contradictoire avec l'objectif d'une hausse du pouvoir d'achat.
Nous avons des conceptions différentes de la fiscalité, et j'ai le sentiment que ce ne sont pas celles que vous défendez par ce texte, monsieur le rapporteur, que les Françaises et les Français ont retenues lors de la dernière élection présidentielle.
Je reviens simplement sur la question des désindexations. Dans mon esprit, il est évident qu'une désindexation ne peut être que temporaire. Je rappelle qu'elle a été réalisée dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, alors même que nous n'avions pas encore eu le temps d'engranger le bénéfice budgétaire des politiques de transformation de l'action publique. Notre objectif était de ramener le déficit des administrations publiques sous la barre des 3 % du PIB. À cette époque, nous avions d'ailleurs essuyé un certain nombre de quolibets qui émanaient notamment du groupe politique dont vous êtes membre, monsieur le rapporteur. Tout le monde doutait que nous parvenions aux résultats souhaités, mais les chiffres publiés hier par l'INSEE vous ont donné tort, et ce n'est pas une raison pour oublier le contexte très dégradé des finances publiques auquel cette majorité a dû s'attaquer et l'esprit de responsabilité dont nous devons encore et toujours faire preuve en cette matière budgétaire.
Cette proposition de loi n'en sera pas moins, monsieur le rapporteur, une très intéressante contribution au Grand débat national. Je la considère comme telle.