Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Je tiens à remercier nos collègues Les Républicains, qui mettent sous le feu des projecteurs un sujet porté par le mouvement des « gilets jaunes » et que plus personne ne conteste dans notre pays : de nombreux, de trop nombreux Français ont des difficultés, même en travaillant, pour boucler les fins de mois.

La question du pouvoir d'achat est en tête des préoccupations. Elle pose le problème des salaires et des petites retraites, trop bas, pour vivre dignement, et celui de la répartition des richesses et de la régulation qui peut en être faite, notamment au travers des outils de la fiscalité. D'ailleurs, ces deux thèmes sont mis sous le tapis par l'exécutif et sa majorité, très largement soutenus par Les Républicains. Si nous sommes d'accord avec ces derniers sur le constat, nous sommes diamétralement opposés sur les solutions. Car c'est toujours la baisse des dépenses publiques qui est mise en avant, alors que nous pensons qu'il faut agir dans le sens d'une meilleure justice fiscale et d'une meilleure répartition.

Dans votre approche, il est par exemple hors de question de demander aux entreprises des engagements concrets en matière de salaires ou d'investissements. Pire, c'est même à l'État, c'est-à-dire à chacun d'entre nous, par le biais de nos impôts, de faire le job à leur place ! On l'a vu avec la hausse de la prime d'activité, qui sert aujourd'hui d'argument de choix aux entreprises pour ne pas augmenter les salaires : pas besoin de le faire, l'État s'en charge !

Cette question du niveau des salaires et de la répartition des richesses doit redevenir centrale. La hausse nette de 200 euros du SMIC que nous avons récemment proposée constitue un préalable. Cette hausse doit elle-même entraîner une revalorisation de l'ensemble des salaires ? Or, ce point est malheureusement absent de la présente proposition de loi.

Parler de pouvoir d'achat, c'est aussi parler de fiscalité. Or, à quoi avons-nous assisté, depuis trente ans ? À un vaste transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages.

Lorsque l'on regarde quels sont les impôts qui ont le plus augmenté, on découvre que ce sont les impôts les plus injustes qui ont flambé : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui rapporte désormais 150 milliards d'euros, et la CSG, dont les recettes s'élèvent à 120 milliards d'euros, soit un montant cumulé supérieur de 200 milliards au produit de l'impôt sur le revenu. La structure de notre système fiscal est donc très déséquilibrée, et les choix faits depuis le début de la législature n'ont fait qu'accentuer la fracture fiscale.

Cette proposition de loi panse quelques plaies. La réindexation des pensions, des allocations familiales et des aides au logement va dans le bon sens, tant le quasi-gel de ces prestations constituait une attaque frontale contre leurs bénéficiaires. Revenir à la situation antérieure sur la CSG des retraités va également dans le bon sens. Nous soutiendrons donc ces propositions, mais notre satisfecit s'arrête là.

Vous nous proposez ainsi deux dispositifs que vous présentez comme des mesures favorables au pouvoir d'achat des classes moyennes et modestes : le relèvement du plafond du quotient familial, d'une part ; la baisse de 10 % des taux des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, d'autre part. Chers collègues, la ficelle est un peu grosse ! Il n'a d'ailleurs pas échappé au rapporteur général que ce seront les plus aisés qui tireront le plus de gain de ces deux mesures.

Vous chiffrez leur coût à 2 milliards d'euros, ce qui nous fait doucement rigoler, surtout lorsque je pense qu'il n'y a pas si longtemps, M. Aubert me traitait de démagogue parce que nous ne savions pas, selon lui, où nous allions avec la refonte de la grille des tranches d'imposition. C'est à votre tour d'être dans l'approximation puisque nous avions chiffré votre proposition à 8 milliards d'euros qui bénéficieront d'abord aux plus aisés, et non aux plus modestes ou aux classes moyennes que vous prétendez aujourd'hui servir.

Se pose ensuite la question du financement. Vous nous proposez de financer vos mesures par 20 milliards d'euros d'économies budgétaires, autant dire une réduction des dépenses publiques qui s'apparente à une véritable purge et marque une surenchère politique irresponsable, compte tenu de l'état du pays, de ce qu'expriment nos concitoyens et de leurs attentes. Où comptez-vous faire ces économies ? à l'hôpital ? dans les collectivités ? sur les infrastructures ? dans le champ de la protection sociale – c'est d'ailleurs bien parti – ou de l'AME ? dans l'environnement ?

Plutôt que de réduire toujours plus les services publics, qui sont le patrimoine de ceux qui n'en ont pas, allez plutôt chercher les financements dans le rétablissement de l'ISF, dans la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou dans l'adoption de mesures plus drastiques contre l'évasion fiscale.

À ce propos, je voudrais signaler que nous avions déposé des amendements demandant le rétablissement de l'ISF et la suppression du PFU, qui ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils étaient des cavaliers. Depuis quand est-il hors-sujet, lorsqu'on parle du pouvoir d'achat, d'aborder la question de l'ISF et du PFU, alors que ce sont des outils de redistribution, qui ont donc une incidence sur le pouvoir d'achat des Français ?

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