Monsieur Castellani, cette proposition de loi n'est pas du tout un manifeste politique, mais a vocation à montrer que nous considérons que le Gouvernement s'est lourdement trompé en menant la politique fiscale qu'il mène depuis vingt mois, avec une incidence réelle sur la vie des Français. Nous sommes loin du débat d'idées virtuelles, mais en plein dans la réalité concrète et quotidienne.
Ce n'est pas la première proposition que nous faisons pour rééquilibrer la situation, mais nos propositions sont en général balayées d'un revers de la main par le Gouvernement, avant qu'il choisisse de les reprendre à son compte au fur et à mesure que grandit la panique qui souffle sur le pays depuis une vingtaine de semaines.
Ces rétropédalages valident nos analyses, que ce soit au sujet de la CSG, dont nous disons depuis longtemps qu'il faut abaisser le taux de 8,3 % auquel sont assujettis les retraités les plus modestes, au sujet de l'impôt sur le revenu ou encore des heures supplémentaires. Notre proposition de loi n'a donc nullement vocation à être enfouie dans un tiroir mais a pour objectif de réorienter la politique fiscale et économique de notre pays.
Le rapporteur général et M. Cazeneuve se sont, quant à eux, appuyés sur les chiffres de l'INSEE pour proclamer, après avoir crié que la situation financière du pays n'était pas bonne, que la situation était désormais formidable et qu'à la tempête avait succédé un soleil radieux : les prévisions de déficit public pour 2018 sont passées de 2,6 à 2,5 %, ce qui représente en effet un pas considérable… En toute honnêteté, si on peut se féliciter que le Gouvernement ait tenu ses objectifs en matière de déficit public, celui-ci demeure encore trop important, vous ne pouvez pas dire le contraire.
Nous devons continuer à réduire ce déficit, mais vous avancez à la vitesse de l'escargot, quand les autres pays de la zone euro ont agi de manière beaucoup plus vigoureuse. D'ailleurs, les comparaisons internationales montrent que l'écart de notre déficit à la moyenne des pays de la zone euro reste à peu près stable, tandis que la composition entre déficit structurel et déficit conjoncturel fait apparaître que les efforts à faire ne sont pas derrière nous, mais devant nous.
La dépense publique continue d'augmenter, de 1,9 % en 2018 ; vous pouviez la réduire davantage, mais vous l'avez augmentée sur les deux premières années du quinquennat plus que M. Hollande ne l'avait fait lui-même, ce qui n'est pas vraiment une référence formidable. La dette continue d'augmenter, peut-être pas en pourcentage du PIB – et c'est tant mieux – mais en valeur absolue. Quant au déficit public, la France cumule à elle seule 55 % des déficits publics de la zone euro, alors qu'elle ne représente que 20 % du PIB. Je veux donc bien que vous vous accrochiez à tous les rayons de soleil qui passent, comme le font tous les gouvernements, mais le désendettement de notre pays nécessite d'autres mesures que celles que vous proposez.
M. Cazeneuve a également prétendu que notre proposition n'était pas financée et que nous étions à contretemps. Mais le texte que nous examinons n'est ni un projet de loi ni un projet de loi de finances, et il me semble que c'est surtout le Gouvernement et sa majorité qui sont à contretemps des Français, socialement, fiscalement et économiquement parlant.
C'est la raison pour laquelle nous proposons des mesures de réparation, pour faire en sorte que notre pays s'apaise. Il ne s'agit pas d'injecter des capitaux publics en dépit du bon sens, et nous avons tenté de vous expliquer comment ces mesures étaient financées : mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Les Républicains ont publié un document d'une trentaine de pages, qui peut être critiqué et soumis à débat, mais qui a au moins le mérite de chiffrer les 20 milliards d'euros d'économies qui peuvent être réalisées. Le Gouvernement, La République en Marche, le MoDem ont-ils fait de même ? Pas du tout ! Présentez-nous donc des mesures concrètes et nous pourrons avoir un débat, mesure contre mesure.
Je pense d'ailleurs pour ma part qu'il faut aller bien au-delà de 20 milliards d'euros d'économies, dans la mesure où notre pays dépense largement plus que la moyenne des autres pays de la zone euro. Ce n'est pas la dépense publique qu'il faut combattre mais l'excès de dépense publique, qui étouffe l'activité du pays et dégrade en conséquence le pouvoir d'achat.
Mais la réduction de la dépense publique n'est qu'une des manières de financer les mesures que nous vous proposons aujourd'hui ; la seconde, c'est l'augmentation du taux d'activité. Vous ne pourrez pas sans cesse repousser le débat sur la question du temps de travail tout au long de la vie ou sur les retraites. Sur ce dernier point, vous voudriez l'éviter, mais nous aurons le débat, car c'est un sujet fondamental pour ce qui concerne la justice sociale et la justice intergénérationnelle. Il faudra également aborder la mobilité sociale, le code du travail ou encore le marché du travail, autant de sujets qui ont une incidence sur le pouvoir d'achat des Français.
Pour en revenir au financement de nos mesures, il est chiffré, et de manière bien plus solide que le financement des mesures que vous avez adoptées. Les 10 à 11 milliards que vous avez injectés dans l'économie au mois de décembre pour soutenir le pouvoir d'achat – avec quelques effets, heureusement – sont en effet financés à près de 80 % par de la dette, puisqu'ils sont pour partie financés par des mesures fiscales qui n'ont pas encore été votées.
Enfin, monsieur Cazeneuve, vous avez évoqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais il y a une énorme différence avec la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui : le monde entier était à l'époque dans une profonde récession, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. N'ayons pas la mémoire trop courte : l'époque était à la tempête, tandis qu'aujourd'hui les circonstances sont plus sereines, davantage propices à la croissance et aux mesures de réparation.
Je ne reviendrai pas sur les propos de Mme Louwagie, auxquels j'adhère de bout en bout.
J'ai en revanche des divergences – cela va de soi – avec nos amis des groupes de La France insoumise et de la Gauche démocrate et républicaine. Non, la baisse de la dépense publique n'est pas une marotte mais une obligation.