Bien que nous soyons d'accord avec un certain nombre des mesures proposées par Éric Woerth, nous nous abstiendrons sur le vote de ce texte, à cause de la question des dépenses publiques. Je suis d'accord avec lui quand il dit que la baisse des dépenses publiques n'est pas une marotte ; c'est un choix politique. Or, comme tout choix politique, il ne suffit pas de dire que c'est un bon choix, mais il faut l'argumenter. C'est là que nous divergeons car, à vous entendre, monsieur Woerth, les dépenses publiques ne représenteraient qu'un coût pour la collectivité, et il conviendrait de libérer cet argent pour l'injecter dans les salaires et l'activité.
Or tout cela est faux, car les dépenses publiques représentent également des recettes, dans la mesure où elles se traduisent notamment par des salaires de fonctionnaires ou de l'investissement dans le secteur du bâtiment. Cela est tellement vrai que la seule raison pour laquelle la France n'est pas entrée en récession sous le quinquennat de François Hollande, alors que le marché privé était atone, c'est parce que notre économie a été soutenue par la dépense publique.
On ne peut donc pas opposer comme vous le faites, d'une part, la bonne dépense, la dépense « privée », c'est-à-dire les 20 milliards d'euros affectés au CICE ou certaines exonérations dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles n'ont pas ou peu d'impact en termes de hausse des salaires ou de création d'emplois, et, d'autre part, la dépense publique qui serait une sorte de tonneau des Danaïdes.
Je veux bien admettre en revanche qu'il y a de la bonne et de la mauvaise dépense publique : une mauvaise manière de dépenser l'argent public a consisté, après la crise des subprimes, à renflouer les banques à hauteur de 480 milliards d'euros, sans aucun bénéfice pour l'État ou les citoyens ; une bonne manière de dépenser l'argent public est d'investir, par exemple, dans les écoles ou les hôpitaux. L'argument qui voudrait que, parce qu'elle est publique, la dépense publique ne serve pas l'économie est donc faux.
Enfin, la dépense publique est aussi ce qui permet à l'État de réduire les inégalités car, dans ce pays, il y a des gens qui ne peuvent compter que sur l'État. Si on laisse faire le marché, seuls les privilégiés en profitent, et on observe partout dans le monde, depuis trente ans, que, là où on baisse la dépense publique, les inégalités augmentent.
D'ailleurs, même si nous trouvons à redire sur le fond et sur la forme, les 10 milliards d'euros qui ont été mis sur la table pour soutenir le pouvoir d'achat font que la situation s'est un peu améliorée sur ce dernier trimestre.
C'est donc une erreur de vouloir empêcher l'État de dépenser. Cela procède d'un choix économique qui est celui des Républicains, mais également celui de La République en Marche. Ce n'est pas le nôtre, et je crains malheureusement que les indices économiques ne nous donnent plutôt raison. Au moins nous permettent-ils de produire une argumentation solide, au-delà de la simple incantation selon laquelle la dépense publique nuit à l'activité économique.