Je remercie tous les orateurs qui viennent de s'exprimer. On peut constater, au travers de leurs interventions, à quel point la sécurité de nos concitoyens, et singulièrement de nos sapeurs-pompiers, préoccupe les députés puisque nous sommes au contact des territoires sur lesquels nous sommes élus et sollicités en permanence pour essayer d'apporter des solutions aux risques qui pèsent sur ce modèle de sécurité civile.
Cher collègue Pierre Morel-À-L'Huissier, je connais votre engagement sur ce sujet. Je n'ai jamais prétendu que le problème était nouveau et que les solutions que nous souhaitions apporter avec Mme Valérie Lacroute étaient révolutionnaires ou extraordinaires, au sens premier du terme. C'est justement parce que le problème est ancien et qu'il est resté longtemps sans solution que nous avons jugé opportun d'essayer de rassembler des propositions qui répondent à des enjeux globaux. À cet égard, j'en citerai quatre.
Le premier point tient tout simplement au modèle français de sécurité civile. Si celui-ci fait reposer sur un engagement bénévole ou volontaire une grande partie de la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens, ce n'est pas par volonté de faire des économies. C'est l'héritage d'un passé qui s'est constitué au fil des décennies, et c'est cela qui fait que, dans chacune de nos casernes de pompiers, cohabitent, coexistent, travaillent ensemble des professionnels et des volontaires. Les sapeurs-pompiers eux-mêmes, quel que soit leur statut, sont très attachés à la pérennité de ce modèle. Les Français dans leur ensemble, qui connaissent parfaitement bien la nuance entre les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires, tiennent absolument à ce qu'il perdure et notre volonté a été de trouver des garde-fous pour ce faire.
Bien évidemment, l'arrêt Matzak, qui fait suite à l'application de la directive sur le temps de travail de 2003, met en question la capacité de la France à maintenir ce dispositif. Nous voulons, au travers de cette proposition de loi, faire en sorte que la prise de conscience politique soit la plus large possible et qu'une solution soit rapidement trouvée afin d'éviter que l'application de la directive « temps de travail » stricto sensu n'aboutisse à une crise, autrement dit à l'arrêt immédiat du volontariat dans nos casernes. Cet élément me paraît suffisamment fédérateur, même si la tâche ne sera peut-être pas facile pour notre Gouvernement dans la mesure où c'est la France qui est à l'origine de cette directive sur le temps de travail – on n'en avait alors peut-être pas mesuré tous les contours. En tout état de cause, n'attendons pas qu'un arrêt de la Cour de Justice nous tombe dessus pour allumer un contre-feu.
Le deuxième point concerne la réalité de l'exercice des fonctions de sapeurs-pompiers dans nos territoires. Le département de l'Aveyron a la chance de compter un grand nombre de centres de secours, dont dix-sept dans ma circonscription. Chaque année, j'essaie d'assister aux dix-sept fêtes de la Sainte-Barbe de ma circonscription, et chaque fois j'entends parler de l'augmentation constante du nombre d'interventions, essentiellement en matière de secours à personnes. Cela montre un besoin accru de sapeurs-pompiers dans les territoires. Cette évolution est probablement amenée à s'accélérer dans la mesure où, globalement, notre population vieillit ; mais d'autres facteurs entrent en ligne de compte : la discussion dans l'hémicycle, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, laisse à penser que l'organisation des secours de proximité se traduira par un recours accru aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels dans de nombreux cas. Nous avons donc le devoir d'apporter une réponse à cette question.
Tout à l'heure, M. Paul Molac a souligné que le nombre de vocations était en diminution parce que les gens devraient arbitrer entre leur vie privée et leur vie professionnelle. C'est probable, mais ce genre d'engagement a toujours supposé de faire des choix et de trouver un équilibre entre différentes activités. Il n'est pas du tout question de remettre en cause le volontariat, et les mesures que l'on pourrait prendre doivent d'abord être considérées comme la manifestation d'une reconnaissance de la société à l'égard de bénévoles volontaires, et non comme une forme de compensation en réponse à une demande qui, du reste, n'a jamais été exprimée. Et si nous proposons un dispositif d'allégement des charges patronales sur les entreprises, monsieur Bernalicis, c'est tout simplement pour que l'entreprise accepte que son salarié puisse partir en intervention. Mme Valérie Lacroute et moi-même pensons que le terme « entreprise » recouvre différentes réalités et que ce dispositif s'adresse principalement aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME). Par exemple, lorsqu'un des deux salariés d'une TPE doit partir en intervention, le chantier sur lequel ils travaillent est au mieux retardé, au pire totalement arrêté.
J'en viens à mon troisième point. Cette proposition de loi intervient alors que le maillage territorial est plus que jamais indispensable, comme l'a dit Mme Cécile Untermaier, et que les finances publiques des collectivités territoriales sont on ne peut plus tendues. En effet, les conseils départementaux, auxquels sont adossés les SDIS qu'ils financent en grande partie avec les autres collectivités locales, rencontrent parfois des difficultés pour faire face aux besoins de modernisation des équipements. Ils seraient pour la plupart dans l'incapacité totale de salarier l'intégralité des effectifs si d'aventure on devait remettre en cause le principe même du volontariat.
Enfin, et c'est mon quatrième point, si le groupe Les Républicain fait le choix de défendre cette proposition de loi dans le cadre d'une journée réservée, c'est tout simplement parce qu'il considère que le moment est venu de passer à l'acte. Une mission sur les sapeurs-pompiers a été mise en place depuis le début du quinquennat, mais elle n'a jusqu'à présent produit aucune mesure concrète. Nous souhaitons que cette proposition de loi soit un véhicule à la disposition des parlementaires que nous sommes, par-delà les sensibilités politiques, pour mettre en oeuvre un certain nombre de mesures qui revêtent un caractère d'urgence.
M. Pierre Morel-À-L'Huissier a fait allusion, de manière courtoise, à la terminologie, et je l'en remercie. C'est un point que nous avons noté d'emblée. Je présenterai un amendement pour éviter tout amalgame et ne laisser planer aucune équivoque entre la profession de sapeur-pompier professionnel et l'engagement de sapeur-pompier volontaire.
Monsieur Bru, vous dites que les mesures que nous proposons devraient être abordées de manière globale mais que notre proposition de loi est trop exhaustive. Il me semble que cela ne va pas ensemble… Nous avons souhaité avoir une approche globale et proposer plusieurs mesures qui balaient l'essentiel des problèmes – pas tous car il ne faut pas être prétentieux – qui se posent aujourd'hui au modèle de sécurité civile français.
Monsieur Molac, je suis conscient qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre des avantages et une rémunération. Ce que nous voulons, c'est tout simplement une reconnaissance par la loi de l'engagement de sapeur-pompier volontaire.
Enfin, la majorité nous a interrogés sur les allégements de charges que nous proposons. Si cette proposition de loi est adoptée, il faudra en tirer les conséquences dans la prochaine loi de finances, mais il est important que la nation consente un effort budgétaire lorsque des Français s'engagent volontairement et quasiment bénévolement pour assurer la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens. Je crois que « le jeu en vaut la chandelle ».