Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le président du groupe Les Républicains, M. Christian Jacob, qui m'a confié le soin de vous présenter cette proposition de loi constitutionnelle, qui porte sur un sujet d'actualité : lorsque vous discutez avec des chefs d'entreprise, des artisans, des commerçants ou des agriculteurs, ils vous parlent de ces normes qui pèsent toujours plus sur leurs entreprises, leurs commerces ou leurs exploitations.
Cette proposition de loi constitutionnelle a pour objectif de mettre fin à la surproduction normative qui entraîne des surcharges administrative et financière pour les entreprises et, partant, pèse sur leur compétitivité. Certains – plutôt du côté de l'administration – affirment qu'il n'y a pas de problème de sur-réglementation ou de surtransposition. Pourtant, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la charge administrative qui pèse sur les entreprises représente en France un coût supérieur à 3 % du produit intérieur brut, soit environ 60 milliards d'euros par an.
Les témoignages des acteurs de l'économie productive – chefs d'entreprise, représentants du MEDEF et de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) – vont également tous dans le même sens : il y a trop de textes, lesquels, empilés les uns après les autres, conduisent à une complexité inutile et surtout nuisible à l'économie. Je pense que, comme moi, vous rencontrez régulièrement des chefs d'entreprise qui vous font part de leur exaspération, de leur découragement voire de leur colère face à toutes ces normes qu'ils doivent affronter.
Le Premier ministre a pris, comme certains de ses prédécesseurs, notamment MM. Jean-Pierre Raffarin et Jean-Marc Ayrault, une circulaire afin de maîtriser le flux des textes réglementaires et leur impact, dans laquelle il interdit les surtranspositions. Il prévoit, par ailleurs, que si un décret crée une norme contraignante, il doit en supprimer deux équivalentes.
Toutefois, la portée de ce texte est nécessairement limitée : tout d'abord, une circulaire n'a pas de portée normative ; ensuite, son champ d'application est restreint aux seuls décrets, à l'exclusion des lois ; par ailleurs, les évaluations des charges administratives concernées ne font pas l'objet d'un contrôle par un organisme indépendant ; enfin, pour ce qui concerne plus particulièrement l'interdiction des surtranspositions, des exceptions sont prévues, dès lors qu'un dossier est présenté au cabinet du Premier ministre afin de les justifier. Qui plus est, alors que le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) avait été présenté comme le texte de la non-surtransposition, y a été incluse une disposition, en l'occurrence relative au ratio d'équité des rémunérations des dirigeants, qui vise précisément à surtransposer une directive européenne !
Le Premier ministre a également pris une circulaire dans laquelle il écarte les projets de loi de simplification fourre-tout au profit de la prise en compte, dans chaque projet de loi sectoriel, d'un volet de mesures de simplification des normes législatives. Toutefois, l'objectif est de simplifier les normes législatives et non d'en réduire ou d'en maîtriser le nombre, comme l'attestent la loi de programmation et de réforme pour la justice ou le projet de loi PACTE. On ne peut donc que constater qu'un fossé se creuse entre les discours sur la simplification du droit et la réalité sur le terrain.
La surproduction normative est-elle un mal spécifiquement français ? Il semblerait bien que cela le devienne, au regard du retard pris par la France par rapport à des États comparables, qui s'en sortent d'ailleurs beaucoup mieux sur le plan économique. Ainsi, la méthode de la compensation de la création de normes – le « budget de normes » – est pratiquée sous des formes diverses chez certains de nos voisins : par exemple, en Allemagne, sous la forme du « un pour un » – la règle supprimée doit entraîner une diminution des coûts administratifs ou globaux identique ou proche de ceux générés par la règle créée ; au Royaume-Uni, sous la forme du « trois pour un », à savoir la compensation à hauteur de trois livres sterling pour une livre sterling de dépense supplémentaire imposée aux entreprises.
De même, le principe de la non-surtransposition est appliqué en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Ce dernier pays semble d'ailleurs être le seul dans lequel le principe du « copy out », ou « copie à l'identique », qui consiste à retranscrire le texte de la directive en droit interne sans ajout ni changement, a été érigé en méthode de droit commun. Aussi, au vu de ces exemples étrangers, apparaît-il impératif d'aller au-delà des mesures prises jusqu'à présent. C'est pourquoi je vous propose une mesure forte, à même de mettre fin aux comportements de surproduction normative : inscrire dans notre Constitution deux principes destinés à lutter contre la sur-réglementation et la surtransposition.
Prenant appui sur le dispositif du Premier ministre, l'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle propose de lui donner une portée beaucoup plus large. Il pose le principe selon lequel tout texte de niveau législatif ou réglementaire qui introduit une norme contraignante pour les entreprises doit corrélativement en supprimer une. L'inscription de cette règle au niveau constitutionnel devrait permettre son application à l'ensemble des lois et des textes réglementaires.
La mise en oeuvre de cette règle devrait s'entendre d'un point de vue qualitatif – des normes de même valeur doivent être concernées – et quantitatif – la suppression de la règle doit entraîner une diminution des coûts administratifs ou globaux identique ou proche de ceux qu'implique la règle créée. Elle devrait en outre s'accompagner d'une amélioration significative de la qualité des études d'impact qui accompagnent les projets de textes. Ayant pour objectif de contraindre les producteurs de normes à mesurer le poids des charges que leur activité impose aux tiers et à ne pas dépasser le plafond qui leur est alloué, cet article propose un dispositif efficace pour lutter contre les effets négatifs de la sur-réglementation sur les entreprises.
Quant à l'article 2, il définit la règle selon laquelle aucune loi ni aucun texte réglementaire ne peuvent poser, en droit interne, des exigences qui vont au-delà de celles définies par le texte européen. Il s'agit ainsi de mieux lutter contre les écarts réglementaires issus de la transposition de directives ou, le cas échéant, de règlements européens, qui pénalisent la compétitivité des entreprises françaises.
Cette proposition de loi constitutionnelle peut faire avancer les choses et encourager toutes celles et tous ceux qui veulent investir dans notre pays à le faire plus facilement.