Dans son rapport sur l'insécurité juridique et la complexité du droit, le Conseil d'État faisait état de 10 500 lois et 120 000 décrets en vigueur en France et, dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, vous évoquez, pour votre part, « 400 000 règles issues du processus de réglementation ». Vous dénoncez à juste titre les conséquences de cette sur-réglementation sur la compétitivité des entreprises, puisqu'on estime qu'elle coûte entre 48 et 61 milliards d'euros par an.
Le groupe Socialistes et apparentés considère qu'il s'agit effectivement d'une question fondamentale, mais il n'est pas certain que les solutions que vous proposez soient les bonnes. Il faudrait, selon moi, élargir cette problématique à tous les professionnels, notamment aux magistrats, aux femmes et aux hommes de loi qui doivent sans cesse vérifier que le dispositif législatif n'a pas connu de nouvelle modification. Il faudrait également prendre en compte le point de vue des citoyens et des usagers, eux aussi victimes de cette inflation normative. Elle crée une insécurité juridique, puisque l'instabilité de la loi nous éloigne de l'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ».
Toutes les majorités, quelles qu'elles soient, se sont un jour saisies de ce problème, avec plus ou moins de bonheur, mais toujours avec la même volonté. Notre assemblée avait mené une importante mission d'information sur la simplification législative, présidée par Mme Laure de La Raudière. Estimant que nous votions trop de lois, elle avait proposé une série de bonnes pratiques, dont certaines ont été introduites dans notre Règlement. Elle préconisait notamment, pour tout projet ou toute proposition de loi, de renforcer le travail en amont, avec une étude d'impact faisant le bilan de la législation existante et identifiant la charge administrative qu'une nouvelle disposition impliquerait pour les entreprises et les administrations. À ce bilan en amont devait s'ajouter, en aval, un rapport d'évaluation au bout de six mois. Ces dispositions ont été introduites dans notre Règlement intérieur : il ne nous reste plus qu'à les mettre en oeuvre.
Je souhaite, enfin, émettre une petite réserve au sujet de cet élan de simplification, qui résonne favorablement dans tous les cercles d'intérêts. Nous devons nous méfier des messages simplificateurs, face à une société qui ne cesse de se complexifier en réclamant toujours davantage de sécurité sanitaire et juridique. Je ne prendrai qu'un exemple, celui du code de l'environnement : bien qu'il soit apparu récemment, il est devenu l'un de nos codes les plus imposants et il répond, de fait, à des exigences de la société. Pour reprendre une formule de la professeure Mireille Delmas-Marty, préférons toujours à la démagogie de la simplification la pédagogie de la complexité…
Ce texte se présente comme une entreprise de simplification. Les solutions qu'il propose nous semblent trop radicales, mais il est important de débattre de ces questions.
Le principe que vous affirmez à l'article 1er a l'apparence du bon sens, mais il n'en a que l'apparence. En effet, vous n'appréhendez la question que d'un point de vue comptable et purement mécanique : une règle contre une règle. Or la simplification doit davantage passer, aujourd'hui, par un exercice de codification des règles existantes, afin de mieux garantir leur accessibilité, sans considération du nombre de règles affectées. En effet, c'est la multiplication des sources du droit qui a conduit à la dispersion des règles entre de multiples codes. Pour répondre au défi de l'inflation et de l'insécurité juridiques, c'est une logique qualitative qu'il faut désormais adopter. Or ce texte n'envisage la question que du point de vue quantitatif.
Il me semble que c'est lors de l'examen préalable de l'étude d'impact que cette réflexion devrait être menée par le législateur. Il faudrait que la démonstration soit apportée qu'il s'agit d'une loi utile, qui n'introduit pas de charge supplémentaire. Un rapporteur spécialement chargé de cette analyse pourrait d'ailleurs utilement être nommé par notre Commission avant l'examen de tout projet de loi et notre Commission devrait être en capacité d'exiger du Gouvernement une telle analyse. Cette pratique devrait également s'appliquer aux propositions de loi.
L'article 2 porte sur la surtransposition des directives européennes. C'est une vraie question mais, en l'état de l'élaboration des directives et des règlements, et compte tenu du fait que les parlements nationaux ne sont pas associés en amont, il me semble préjudiciable pour le législateur de renoncer à sa souveraineté.