Je me contenterai, pour ma part, de poursuivre l'oeuvre colossale de ma collègue Marie-Noëlle Battistel, qui n'a pu terminer son propos tout à l'heure (Sourires) et a dû nous quitter. Elle allait nous dire que, lors de l'examen du PLF pour 2019, notre collègue Boris Vallaud avait défendu un amendement visant à refondre l'impôt sur les sociétés, pour une meilleure justice fiscale dans tous les secteurs, et pas seulement celui du numérique. L'objectif était simple : réformer l'impôt sur les sociétés afin de répartir les profits mondiaux des multinationales à proportion de leurs ventes par pays et dans le but de rapprocher la base taxable des activités réellement exercées sur chaque territoire, et ainsi d'éviter les stratégies de fuite fiscale, qui consistent à transférer artificiellement, par un jeu d'écritures comptables, les bénéfices vers d'autres pays. Concrètement, une multinationale réalisant 10 milliards d'euros de bénéfice consolidé dans le monde et 10 % de son chiffre d'affaires en France devrait s'acquitter d'un impôt sur les sociétés correspondant à 10 % de ces 10 milliards, soit 1 milliard d'euros.
Je voudrais rappeler que, dans le cadre du projet de loi PACTE, nous avions également proposé une autre stratégie de lutte contre l'évasion fiscale, avec la possibilité de communiquer aux instances représentatives du personnel (IRP) la situation fiscale de l'entreprise, sans toutefois la rendre publique – les IRP étaient tenues au secret –, ce qui rendait le dispositif acceptable au regard du cadre constitutionnel. Cette communication était possible pour les holdings – ce point avait été vérifié par le Conseil d'État. Vous l'avez refusé alors que son champ d'application était bien plus large et qu'il aurait permis de décourager certaines pratiques, renforçant ainsi la lutte contre la fuite fiscale. Bref, nous défendons des initiatives plus importantes.
Je me permets d'adresser une remarque au rapporteur pour avis. Il a évoqué le risque d'un impôt confiscatoire au-delà de 3 % du chiffre d'affaires, soit 15 % des bénéfices. À ce compte-là, et en extrapolant, c'est l'ensemble de l'impôt sur les sociétés qui est déjà confiscatoire… Qui plus est, cette taxation est déductible de l'IS. De notre point de vue, son augmentation ne serait donc en aucun cas confiscatoire.
Je terminerai par une suggestion : la surtaxe à 5 % pourrait être justifiée pour les géants du numérique qui ne s'inscriraient pas dans le dessein que nous partageons tous, à savoir aboutir à une civilisation du numérique. Bref, il faut engager des réformes profondes sur la réglementation et la régulation du numérique ; dans ce cadre, nous pourrions imaginer une taxation différenciée. En l'absence de réponses sur ces différents points, à ce stade, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra.