Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 16h40
Commission des affaires européennes

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur :

Monsieur Mendes, le droit d'asile et le paquet asile sont régis par un certain nombre de textes, le plus important étant le règlement de Dublin. Nous souhaitions jusqu'à présent une adoption commune de ces textes. Avec la fin de la législature européenne, cela n'est pas possible. La France a donc rejoint la position de l'Allemagne et d'autres pays pour obtenir l'adoption la plus rapide des textes les plus aboutis.

Concernant le règlement de Dublin, nous avons fait un certain nombre de propositions en décembre dernier. Elles visaient notamment – j'y reviendrai en répondant à M. Bourlanges concernant les trois contradictions qu'il met en évidence – à prévoir un délai de responsabilité de gestion de la demande d'asile pour l'État de premier accueil, délai supérieur à six mois, c'est-à-dire un délai de quelques années, voire de huit ans. L'autre proposition forte formulée en matière de relocalisations est de ne plus les rendre contraignantes et de proposer une compensation, sous forme d'une solidarité financière, en participant par exemple au programme Frontex ou en abondant de façon accrue certains fonds, comme le Fonds fiduciaire d'urgence. Voilà les propositions que nous avions mises sur la table pour débloquer la situation, et qui sont toujours en discussion à l'heure actuelle. Ces propositions franco-allemandes ne se sont pas fermées avec le Conseil JAI, comme je l'ai déjà rappelé. Cependant, la fin de la législature arrive. Trois textes importants sont concernés, dont Eurodac, et la possibilité qu'il offre de la biométrie. Nous souhaitons avancer le plus rapidement possible.

Quant à Europol et à la lutte antiterroriste, je n'ai pas d'éléments chiffrés à vous fournir, mais Europol fonctionne très bien dans son domaine. Il existe une distinction importante entre l'échange d'informations en matière de lutte antiterroriste, qui échappe aux compétences de l'Union européenne et qui fonctionne très bien, et la coopération judiciaire au sein d'Europol, qui n'exclut pas pour autant l'échange d'informations. Cette coopération fonctionne efficacement, notamment pour les différents réseaux que vous avez cités, dont le réseau Atlas. La France est l'un des plus grands contributeurs au réseau Europol. Nous pourrons vous fournir les éléments chiffrés ultérieurement.

À propos de la réforme du code frontières Schengen sur le rétablissement des contrôles aux frontières, le règlement est en cours de discussion, mais n'avance pas. Nous restons sur le texte actuel qui prévoit des prorogations maximales de six mois. Le 1er mai verra l'échéance du renouvellement : dans le contexte que nous connaissons, avec le G7 de Biarritz au mois d'août, nous proposerons le renouvellement des contrôles aux frontières. La possibilité de porter ce contrôle à trois ans n'a pas été actée. Une discussion se poursuit dans le cadre du trilogue entre le Parlement et le Conseil. Quand le système Schengen sera opérationnel, nous examinerons la question de la Bulgarie et de la Roumanie.

J'en viens aux questions du groupe Les Républicains. Pour le retour des djihadistes, la question est de savoir si nous allons dialoguer sur ce point avec les États de l'Union européenne. Au regard de la sécurité nationale des États, c'est en effet la compétence souveraine des États membres qui est en jeu. La France n'a pas changé de position. Des hypothèses d'étude ont fuité dans la presse ; cependant, il faut reprendre les choses dans l'ordre. Des djihadistes français sont détenus en Syrie, notamment par les Forces démocratiques syriennes, qui regroupent des forces kurdes et arabes. Compte tenu du contexte de retrait américain annoncé, toutes les hypothèses ont été envisagées, dont celle d'une expulsion de ces individus. C'est alors que des décisions de rapatriement ont fuité dans la presse, mais aucune décision n'est prise en ce sens. La position de la France n'a pas changé ; ces personnes restent détenues en Syrie, ou en Irak, où des procédures judiciaires sont engagées à leur encontre. La seule chose que je peux vous confirmer, c'est que si ces personnes venaient d'une façon ou d'une autre à pénétrer sur le territoire français, ils feraient l'objet d'une procédure judiciaire. Je parle aussi des djihadistes français non détenus, dont certains tentent de passer en Turquie pour regagner le territoire national. Ces questions donnent lieu à une collaboration très étroite avec le partenaire turc. Si ces individus nous étaient envoyés de Turquie, ils seraient immédiatement traduits en justice. Ces cas se produisent au compte-gouttes. Au cours des trois ou quatre dernières années – j'avais eu l'occasion de donner les chiffres publiquement – 270 personnes sont revenues des zones de combat, indépendamment des personnes détenues en Syrie. Systématiquement elles sont traduites en justice.

S'agissant des enfants, ils sont détenus, pour la plupart d'entre eux, avec leur mère. La question du retour ne se pose pas à l'heure actuelle. Les Forces démocratiques syriennes ont fait le choix que les enfants restent avec leur mère. Si un retour devait être envisagé, le suivi des enfants devrait être particulier. Ces enfants, comme vous l'avez rappelé, ont vécu des traumatismes importants. Ce suivi est effectué dès le retour sur le territoire national, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), sous main de justice. Les enfants sont placés dans des familles d'accueil. Voilà le suivi qui serait mis en oeuvre en cas de retour d'enfants. Encore une fois, cela n'a lieu qu'au compte-gouttes, et les enfants sont actuellement avec leurs mères, détenus par les Forces démocratiques syriennes pour la plupart d'entre eux.

Concernant la réforme du droit d'asile européen et du règlement de Dublin, comme je le disais à l'instant à M. Mendes, notre proposition est d'augmenter le délai d'examen pour les pays d'accueil, qui est actuellement de six mois, pendant lequel le pays d'accueil a la responsabilité de la demande d'asile. Nous souhaitons augmenter significativement ce délai. Un délai de dix ans avait été évoqué. Avec notre partenaire allemand nous avions souhaité le porter à huit ans, pour qu'une responsabilité plus longue incombe au pays d'accueil. Concernant les relocalisations, la France a proposé d'assouplir l'obligation impérative de relocalisation en une obligation de solidarité, qui pourrait prendre la forme d'une aide financière à certains programmes, à condition que cela ne concerne pas une majorité d'États au sein de l'Union européenne. Je rappelle que nous comptons 30 % de personnes « dublinées » dans les demandes que nous avons à gérer, et non pas 60 %.

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