En effet, le Président de la République a souhaité renouer avec une politique méditerranéenne plus inclusive. Dix ans après la création de l'UPM, il a donc annoncé ce nouveau projet à la fin août 2018. Le sommet de Marseille qui se tiendra au palais du Pharo le 24 juin sera tout à la fois un sommet de dirigeants et un dialogue avec la société civile des dix pays concernés. Le processus de sélection de cent personnalités qualifiées – dix par pays – est en cours ; elles pourront interpeller les chefs d'État et de gouvernement qu'elles inciteront à réagir en se réunissant quinze jours avant le sommet à Tunis pour lancer un appel des Cent.
Le format « 5+5 » est le plus ancien format méditerranéen puisqu'il est antérieur à l'Union pour la Méditerranée, mais c'est aussi le format le moins connu et le plus efficace car le plus pragmatique, à telle enseigne que les dix ministres de la défense se réunissent chaque année pour aborder des questions concrètes concernant la protection civile ou la formation commune des militaires.
Par ce sommet, nous tâchons de faire passer quatre messages. Aux deux rives, nous préférons la notion d'une Méditerranée intégrée, car nous partageons des problèmes communs, y compris en termes d'emploi. Ensuite, il ne s'agit pas de revisiter les crises de la région – elles sont d'ailleurs moins nombreuses en Méditerranée occidentale – mais de déployer des projets concrets. Nous voulons aussi montrer que le Sud peut enseigner des choses au Nord, qui se départit de sa seule position de donneur de leçons. Enfin, nous avons mis sur pied un agenda positif qui ne se résume pas, tant s'en faut, à la question migratoire.
Cinq grands thèmes donneront lieu à autant de réunions préparatoires dans les divers pays de la zone en avril et en mai : l'Algérie organisera un forum sur l'énergie, le Maroc sur l'économie et la compétitivité, Malte sur la jeunesse, l'éducation et la mobilité, l'Italie sur l'environnement et le développement durable, la France sur la culture, le tourisme et les médias – ce dernier forum aura lieu début mai à Montpellier, signe que la région Occitanie n'est pas négligée par rapport à la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA).
Je conclurai par une brève typologie des projets que nous souhaitons mettre en oeuvre, sachant que les exemples concrets seront issus des réunions préparatoires et des travaux de la société civile, et étant précisé que le groupe des cent personnalités qualifiées sera présidé par Mme Ouided Bouchamaoui, ancienne présidente de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), prix Nobel de la paix 2015. Nous favoriserons d'une part des projets tangibles – interconnexions de transport, projets énergétiques – mais aussi des projets immatériels tels qu'un réseau d'écoles de la deuxième chance ou un festival des théâtres antiques dans lesquels serait jouée de la musique moderne. Nous encouragerons la création d'appellations méditerranéennes. L'Italie nous incite à réfléchir sur le blé dur avec lequel on fait tout à la fois la semoule et les pâtes – ce que nos concitoyens ignorent souvent. Dans un autre domaine, nous nous interrogerons sur l'opportunité de créer une responsabilité sociale et environnementale (RSE) méditerranéenne. Nous favoriserons des politiques publiques communes, la plus emblématique étant la politique « zéro plastique » en Méditerranée. Nous prônerons l'adoption de mesures de régulation dans les organisations internationales, notamment pour réduire les émissions de soufre et de dioxyde de carbone par les navires. Nous réfléchirons peut-être à la création d'institutions, par exemple une école des métiers de la mer, qui n'existe pas encore. Enfin, nous nous pencherons sur des concepts communs comme le suivi conjoint des objectifs de développement durable.
Tout ce travail incombera à ce que je nommerai un G-10 Med pour lancer des idées au sein des organisations internationales, dont l'Union pour la Méditerranée. Cela se fera sous un format particulier en associant les dix pays du groupe « 5+5 », les deux organisations méditerranéennes que sont l'Union pour la Méditerranée et la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures que préside votre prédécesseure, madame la présidente, ainsi que quatre organisations internationales économiques – la Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – ainsi que l'Union européenne et la République fédérale d'Allemagne, car l'idée était de rendre ce projet plus inclusif qu'en 2008.