Intervention de Claude Goasguen

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur :

Nous sommes saisis de deux nouveaux accords sur les services aériens avec le Tchad et l'Angola. Notre commission se trouve ici en terrain connu. Il y a un mois seulement, nous avons examiné trois conventions similaires avec l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Côte d'Ivoire et le rapporteur, Guy Teissier, avait souligné le caractère singulier de ces conventions qui tendent à se multiplier.

Reprenons tout de même les choses depuis le début. Les accords bilatéraux sur les services aériens sont des accords par lesquels chaque partie reconnaît aux transporteurs de l'autre partie des droits aériens sur son territoire. Pour exercer ces droits, les transporteurs sont soumis à une habilitation qui leur impose de respecter un certain nombre de conditions et d'obligations.

Une convention formelle de ce type n'est pas indispensable pour établir des liaisons aériennes entre deux pays : des accords beaucoup moins formels sont possibles. Ce type de convention a pour objet principal de donner un cadre juridique stable et fiable qui favorise le développement du trafic aérien.

Tous les accords aériens récemment conclus se ressemblent. Leurs clauses sont très proches, parfois au mot près. Les pays se réfèrent à une convention modèle établie par l'organisation de l'aviation civile internationale – l'OACI – dont sont membres la France, le Tchad et l'Angola.

On oublie parfois de le dire : le droit européen tend à réguler de plus en plus l'aviation civile internationale. L'Union européenne négocie des accords aériens opposables à tous les États membres : pensons par exemple à l'accord « Ciel Ouvert » avec les États-Unis. L'Europe produit également des normes qui encadrent les accords bilatéraux négociés par les États membres avec des pays tiers.

Quelles sont les règles, internationales ou européennes, qui figurent presque toujours dans ces accords aériens ? Schématiquement, on peut en distinguer deux types : d'une part, des règles économiques, afin d'assurer la concurrence la plus libre possible entre les transporteurs aériens et, d'autre part, des règles en matière de sécurité et de sûreté, qui sont assez drastiques puisqu'il s'agit de l'aviation civile.

Les accords aériens sur lesquels nous devons aujourd'hui nous prononcer concernent deux pays : le Tchad et l'Angola. Ces accords visent à affermir et à rénover un cadre juridique devenu obsolète – ce qui n'empêchait pas les liaisons aériennes – compte tenu de l'évolution du droit européen et des pratiques du secteur.

Quelles que soient les discussions que nous pourrons avoir sur la vitalité de la relation bilatérale entre la France et ces deux pays, force est de reconnaître que le Tchad et l'Angola ne sont pas des partenaires majeurs sur le plan des relations aériennes. Air France est aujourd'hui la seule compagnie à assurer des vols directs vers ces deux pays, à raison de trois vols hebdomadaires. Cela représente 40 000 passagers annuels pour le Tchad et 60 000 passagers annuels pour l'Angola. Bien peu si on rapporte ces chiffres aux 140 millions de passagers internationaux qui empruntent chaque année les aéroports français…

Pour autant, la France a intérêt à renforcer ses relations aériennes avec ces deux pays qui incarnent deux réalités différentes. Avec le Tchad, le trafic opéré par Air France tend à décroître, sous l'effet des crises économiques, politiques et militaires qui ont frappé ce pays et de la concurrence exercée par plusieurs compagnies comme la Royal Air Maroc (RAM) ou Turkish Airlines. En revanche, avec l'Angola, le trafic opéré par Air France a augmenté de 25 % en 2017 suite à l'augmentation des fréquences de vol. En conséquence, l'accord avec le Tchad vise à redresser le trafic aérien direct vers ce pays quand l'accord avec l'Angola vise à amplifier l'augmentation du trafic observée ces dernières années.

Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions de ces deux accords qui reprennent l'essentiel des dispositions de l'OACI et de l'Union européenne. Je pointerai néanmoins une différence qui existe entre les deux conventions. L'accord avec le Tchad prévoit une disposition qui régit l'imposition des revenus des transporteurs aériens. Cette clause vise spécifiquement à éviter la double-imposition des revenus d'Air France sur les résultats de sa ligne directe entre Paris et N'Djamena. Selon l'administration, le même risque de double-imposition n'existe pas avec l'Angola.

Enfin, je terminerai mon propos liminaire pour m'associer au regret formulé par Guy Teissier lors de l'examen des trois accords aériens le mois dernier. Les accords avec le Tchad et l'Angola prévoient, comme d'habitude, une exemption fiscale générale sur l'équipement normal des aéronefs, et notamment sur le carburant. Cette exemption est tout à fait conforme à notre législation puisque, en droit français, le kérosène est exempté de TICPE et la TVA n'est d'ailleurs pas applicable aux billets internationaux.

Cette situation pose une question politique dans le contexte actuel, marqué par une plus grande exigence de justice fiscale et le souci d'accélérer la transition énergétique. Quand on sait la part du trafic aérien dans les émissions de gaz à effet de serre et quand on sait que ce mode de transport bénéficie à une catégorie sociale particulière, on peut se demander s'il est bien légitime que nos conventions internationales fassent perdurer cette situation. On peut regretter, à tout le moins, que cette question ne soit pas suffisamment prise en compte au niveau international.

Je voudrais conclure par dire un mot sur l'Angola, qui est un pays que peu de gens connaissent en France. Les relations qui nous lient avec l'Angola sont en croissance. Ce pays est une ancienne colonie portugaise et la France dispose de relations plus nourries avec les anciennes colonies portugaises. C'est un pays doté d'une très grande richesse économique, grâce à la pisciculture et aux métaux en particulier. L'Angola a néanmoins beaucoup souffert de sa très longue guerre civile, dans laquelle de nombreux pays étrangers sont intervenus. C'est un pays qui a été « massacré » par les guerres postcoloniales.

Il y a quelques années, j'ai été chargé de contrôler, sous l'égide de l'ONU, les élections en Angola. À ma connaissance, il s'agit de la seule élection qui n'ait jamais débouché sur un résultat électoral. Le résultat a bien eu lieu une semaine plus tard : 120 000 morts du fait de la lutte entre les parties. Il faut espérer que ce pays mette fin à l'instabilité qui lui a fait beaucoup de mal. Bien qu'il ne s'agisse que d'un accord sur les services aériens, je me félicite que la France développe ses relations avec l'Angola.

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