Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je ferai le point sur ce qui s'est passé depuis le 13 février, date de ma précédente audition, au cours de laquelle je me suis exprimé sur toute une série de sujets. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit et considérerai que tout le monde est déjà au courant.

Je serai donc un peu rapide sur le Levant, Daech et la Syrie, et vous donnerai les grandes lignes de ce qui s'est passé depuis le 13 février dernier. Le plus important, c'est que la défaite territoriale de Daech se confirme, avec les attaques des Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyées par la coalition, dans la zone de Baghouz. Tout nous laisse à penser que la défaite définitive de Daech pourra être annoncée dans quelques jours – le président Trump l'a déjà annoncée il y a un certain temps, mais elle n'avait pas encore eu lieu. Elle sera annoncée soit par les Forces démocratiques syriennes du général Mazloum, soit par la coalition, mais c'est imminent. C'est une étape importante que cette fin de l'occupation territoriale. Il nous faut à cet égard dire quels furent le courage et la persévérance des Forces démocratiques syriennes et reconnaître qu'elles nous inspirent une certaine forme d'admiration. Je le redis ici parce que ce sont ces forces à dominante kurde qui vont libérer le territoire de ce terrorisme qui a ensanglanté la France à de nombreuses reprises. Cela signifie qu'il n'est pas envisageable pour nous d'abandonner ceux qui furent, sur le terrain, nos meilleurs alliés contre Daech.

Nous n'en avons cependant pas fini avec Daech, qui continuera de menacer la France, qui restera une menace en Irak et au Levant, avec de nouveaux modes d'action, dans une clandestinité qui n'empêche pas de commettre des attentats ou des actions très fortes. En outre, un certain nombre de combattants peuvent s'exiler ailleurs, en particulier en Afghanistan, mais pas uniquement – également dans des régions lointaines comme l'Indonésie. Le combat contre Daech n'est pas terminé, mais nous en avons fini avec sa maîtrise d'un territoire tenu depuis 2014 ; ce n'est pas rien.

J'en viens à la discussion que nous avons avec les États-Unis sur la zone nord-est. Dans un premier temps, le président Trump avait annoncé le retrait américain et suggéré que d'autres fortes puissent assumer la sécurité de cette zone, ce qui avait provoqué toute une série de postures et de positionnements, notamment des Forces démocratiques syriennes, qui avaient tenté d'ouvrir des discussions avec le gouvernement de Damas mais aussi avec les Russes. S'ensuivirent un certain nombre d'interrogations sur la manière dont les Turcs allaient réagir dans cette zone qui était quand même très sensible.

Depuis lors, la position américaine a évolué. Mme Parly, aux États-Unis avant-hier et hier, a commencé à discuter avec les Américains pour essayer d'avoir des réponses à différentes questions : si, d'aventure, le dispositif militaire américain se maintient, quels seront les contours de sa présence ? Quelle sera la mission ? Quelles seront les capacités ? Quelle sera la présence au sol ? C'est des réponses, que nous n'avons pas encore, à ces questions que dépendra notre capacité collective à poursuivre le combat contre Daech dans la nouvelle phase qui s'engage. C'est sur les bases des informations que nous n'avons pas encore – je le précise très clairement en cette audition publique – que le président de la République déterminera le moment venu, l'éventualité d'une contribution française. Nous en sommes là et, moi aussi, j'en suis là.

Autre remarque sur cette nouvelle donne depuis le 13 février, c'est que les batailles qui ont eu lieu à Baghouz et dans la zone ont entraîné des mouvements de population importants. Ces populations ont été évacuées par les Forces démocratiques syriennes avant et pendant les combats dans des camps conçus pour accueillir bien moins de réfugiés. Je songe en particulier au camp d'Al-Hol – mais c'est pareil au camp de Roj. Il y a 70 000 personnes au camp d'Al-Hol, pour 20 000 places… Les conditions humanitaires, depuis une semaine, sont particulièrement déplorables, ce qui m'a amené, lundi matin, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, à exprimer le souhait d'une accélération de l'aide humanitaire européenne. Nous-même avons décidé d'accompagner davantage. Il ne faudrait pas que des combattants djihadistes, de pays différents, qui ont été sortis de la zone de combat et mis dans des camps, soient amenés à exercer une influence sur des populations civiles réfugiées. Cela entraînerait très rapidement de nouvelles formes de violence. Il faut être très prudent. En étant réactifs, nous montrerons notre implication dans le conflit comme dans le processus de paix. Il y a, dans tout cela, une urgence.

S'est en outre tenue, le 1er mars dernier, une conférence humanitaire dite « Bruxelles III », qui a suscité une mobilisation financière significative. Pour notre part, nous avons pris des engagements à hauteur d'un peu plus de 1 milliard d'euros pour la période 2019-2021, en prêts et en dons, en vue de d'aider la zone Nord-Est et, plus globalement, la Syrie, mais aussi les pays qui accueillent des réfugiés, en particulier le Liban et la Jordanie. La plus grande partie de l'aide française et de l'aide mobilisée par l'Union européenne dans le cadre de « Bruxelles III » sera affectée aux réfugiés dans ces deux pays.

Quant au processus politique, le nouvel envoyé spécial du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), M. Geir Pedersen, a ouvert des discussions avec les uns et les autres. Il essaie de trouver une solution pour une reprise politique, qui n'existe pas encore. En ce qui nous concerne, nous réunirons le small group, dont je vous ai parlé à plusieurs reprises, à Washington, le 3 ou le 4 avril, pour essayer d'avancer sur la voie d'une issue politique. La situation est dramatique, avec 11 millions de réfugiés et déplacés.

Depuis notre dernière rencontre, le seul élément nouveau à propos de l'Irak fut la visite à Paris du président Barham Salih, qui a été reçu par le Président de la République et par moi-même. Cela nous a permis de faire le point de la situation. Cette visite permet de continuer l'affirmation d'une diplomatie irakienne indépendante. Vous aviez pu constater, madame la présidente, lors de nos déplacements la volonté d'affirmer la souveraineté du pays et de constituer un pôle d'équilibre au Moyen-Orient. Cette ligne a été confortée et même réaffirmée lors de la réunion de la Ligue arabe et de l'Union européenne à Charm el-Cheikh le 25 février dernier, où je représentais la France. Un soutien à la nouvelle donne irakienne s'est exprimé, ce qui est quand même très important. Il apparaît que le côté inclusif indispensable à un processus de paix en Irak se poursuit. Comme je vous l'avais dit, nous avons créé un dispositif d'appui financier aux entreprises françaises : 20 milliards d'euros que nous mettons à la disposition des entreprises qui veulent investir en Irak. C'est un pays riche, avec la reprise du contrôle des ressources énergétiques. Il y a une phase de transition à bien assurer, et il faut notamment prévenir les risques de retour du terrorisme. Il importe que nous puissions continuer à aider l'Irak dans cette dynamique. Nous maintiendrons notre présence militaire de formation, et les États-Unis aussi – ils l'ont fait savoir –, pour faire en sorte que l'affirmation de l'Irak comme élément de renouvellement du rapport des rapports de force au sein de la zone puisse progressivement se faire le mieux possible.

Il a été décidé de faire revenir cinq petits enfants orphelins de la zone d'Al-Hol, en raison de l'extrême vulnérabilité dans laquelle ils se trouvaient. Ils ont été pris en charge par la France, conformément aux dispositifs judiciaire et de protection des enfants. Cela ne change rien à notre ligne générale : les combattants doivent être jugés là où ils ont commis des faits passibles de poursuites, mais, en ce qui concerne ces orphelins bien identifiés comme tels, et en relation avec les autorités des Forces démocratiques syriennes, nous avons pensé qu'il était important de les rapatrier en France. Ils sont âgés de moins de cinq ans – je crois que l'un a un an et que deux ont deux ans – et ce sont des orphelins français. Si d'autres cas se présentent, nous pourrions agir de même, mais voilà où nous en sommes. Cette initiative a été prise par le centre de crise de mon ministère, en relation avec les services de Mme Parly.

Je me trouvais avant-hier et hier en Libye. Que dire d'un pays où la donne change très régulièrement ? Tout d'abord, un accord de principe a été conclu à Abou Dhabi, dans une relation directe entre le président Fayez el-Sarraj et le maréchal Haftar. Sur la base de quelques principes fondamentaux, ils se sont mis d'accord verbalement. C'était le 27 février dernier, en présence du représentant du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Ghassan Salamé. Comment a-t-on pu parvenir à cet accord de principe maintenant public, y compris en Libye ? En grande partie par une évolution du rapport de force, puisque les forces de l'Armée nationale libyenne, dirigées par le maréchal Haftar ont pénétré dans le sud du pays et tiennent à peu près aujourd'hui les deux tiers de l'ensemble de la Libye, y compris les champs de pétrole d'El-Charara, que le maréchal Haftar a remis – acte politique important –, aux autorités libyennes, puisqu'il y a toujours des autorités libyennes unies, sous la forme de la National Oil Company, qui gère le pétrole libyen et le fait exploiter par un certain nombre d'intervenants. Par ailleurs, l'armée nationale libyenne a eu avec les tribus du sud des relations positives.

Le rapport de force a donc ainsi évolué, et le président et le maréchal ont eu des rencontres qui permettaient d'engager un processus politique, qui se traduirait par une modification du Conseil présidentiel avec un président, qui resterait le président Fayez el-Sarraj, un représentant du Sud et un représentant de l'Est, le président Sarraj représentant lui-même l'Ouest, un dispositif lié à un Conseil national de sécurité, tout cela devant se conclure devant une commission de réconciliation nationale et ensuite permettre un processus électoral complet – élection présidentielle et élections législatives. Nous n'en sommes pas encore à la validation complète, mais nous n'en sommes pas loin, et M. Salamé a annoncé tout à l'heure, devant le Conseil de sécurité, la réunion de la conférence nationale qui devrait permettre de mettre en oeuvre l'ensemble du dispositif. Nous souhaitons que cela se passe ainsi, et je crois que tout le monde est d'accord : les deux parties libyennes, qui veulent aboutir, la population libyenne, qui n'en peut plus, et l'ensemble des voisins – les Européens, notamment les Italiens, les Américains et les Tunisiens, dont j'ai d'ailleurs rencontré le président avant-hier soir pour lui faire part des discussions que j'avais pu avoir. Tout cela est plutôt positif, mais, en Libye, il y a toujours des surprises ; il faut donc être très vigilant mais il n'est pas fréquent que l'on puisse ainsi faire part de développements positifs à propos de la situation en Libye.

Quant à l'Algérie, je voudrais dire les choses de manière très claire, parce que, au cours des derniers jours, notre position a donné lieu à des détournements, des incompréhensions, des raccourcis. C'est sans doute attendu compte tenu des relations profondes et complexes que nous avons avec ce pays, mais l'importance de ce qui se passe en Algérie, d'une part, et de nos liens de toute nature avec ce pays, d'autre part, exige que l'on clarifie les choses, ce que je fais donc si besoin est. D'abord, l'Algérie est un pays souverain – la journée d'hier marquait d'ailleurs le cinquante-septième anniversaire des accords d'Évian. La France n'a donc pas à s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Algérie ; elle n'a pas à le faire et ne cherche pas à le faire. C'est au peuple algérien et à lui seul qu'il revient de décider souverainement de son avenir ; il a d'ailleurs montré au cours des dernières semaines qu'il était déterminé à faire entendre sa voix. Nous assistons depuis plusieurs semaines à un mouvement de fond que nous suivons avec beaucoup d'attention, avec un peu d'admiration aussi, parce que ces manifestations se déroulent dans un civisme et une dignité qui ne peuvent être que saluer. Cette liberté, cette dignité doivent être respectées, mais la solution appartient aux Algériens, il ne revient pas à la France de se prononcer sur les choix qui devront être faits. C'est aux seuls Algériens d'en décider par le dialogue démocratique. Le souhait de la France, c'est qu'une forme de transition puisse s'engager rapidement pour répondre aux aspirations profondes qui continuent de s'exprimer. Pour accompagner cette dynamique, nous parlons aux autorités algériennes mais nous écoutons aussi la société civile dans son expression forte. L'Algérie doit maintenant tracer son avenir, il prendra la forme qu'auront choisie les Algériens. Pour notre part, nous resterons aux côtés de l'Algérie et des Algériens dans le respect, l'amitié et la fidélité.

Au Venezuela, la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. Une panne d'électricité massive ces dernières semaines a eu des conséquences dramatiques pour la population. Malgré un retour relatif à la normale, la situation électrique dans le pays reste instable et aléatoire. Il importe que les autorités chavistes fassent en sorte que l'aide internationale mise en oeuvre par les Nations unies dans le strict respect des principes humanitaires puisse être opérée, et nous estimons que l'aide humanitaire ne doit être instrumentalisée ni par l'une par l'autre des parties. Avec l'Union européenne, nous poursuivons nos efforts en ce sens, notamment à travers le groupe de contact international qui a été créé à l'initiative de l'Union européenne, dont nous faisons partie et qui vise non seulement à aider l'acheminement de l'aide humanitaire mais aussi à faire en sorte qu'il y ait une véritable transition politique. Ce groupe de contact permet précisément de parler avec les uns et avec les autres. Il se réunira à Quito, le 28 mars, au niveau ministériel, pour essayer d'avancer dans ces relations. Nous sommes aussi en relation avec le groupe de Lima, dont nous avons pu observer avec intérêt qu'il écartait toute option militaire – c'était notre position au départ, c'est la position du groupe de contact qui s'était réuni à Montevideo, c'est maintenant aussi celle du groupe de Lima, qui estime que l'option militaire ne serait pas supportable. Il faut maintenant une sortie de crise qui passe, comme j'ai déjà dit devant cette commission, par l'organisation d'une élection présidentielle libre et transparente. C'est la seule solution pour sortir le pays de la crise.

Quant au Brexit, je me suis exprimé tout à l'heure lors des questions au Gouvernement et, en l'absence d'informations supplémentaires qui me seraient parvenues entre-temps, je n'ai pas beaucoup à ajouter à ce que j'ai alors dit. Je voulais simplement souligner un point – cela n'a peut-être suffisamment compris mais je l'ai évoqué dans ma deuxième réponse, tout à l'heure, dans l'hémicycle. Les documents de réassurance, qui avaient été négociés avec Jean-Claude Juncker, portent essentiellement sur le fait que le backstop n'est pas éternel et qu'il faut que l'ensemble des acteurs fassent en sorte qu'on puisse aboutir à une solution qui évite la mise en oeuvre du backstop, mais ce n'est pas dans le contrat, c'est simplement une volonté affirmée de part et d'autre d'avancer. Ce point sera vraisemblablement évoqué lors de la réunion du Conseil européen. C'est la raison pour laquelle la Première ministre britannique demande un report de trois mois, mais elle s'engage à provoquer un troisième vote avant le 29 mars. C'est ce qui est sur la table à l'heure actuelle, mais je crois comprendre que Mme May fera une déclaration ce soir.

Avant de parler de l'Afrique de l'Est où j'ai accompagné le Président de la République au début de la semaine dernière, je voulais dire quelques mots sur l'Afrique du Sud, puisque j'ai eu l'occasion de m'y rendre la semaine précédente, pour vous dire l'importance de ce pays, l'attente de France de ce pays. J'ai eu de longs entretiens avec ma collègue Sisulu, qui est la fille de Walter Sisulu, le compagnon de Mandela. Ces discussions ont permis de faire en sorte qu'un dialogue politique se tienne désormais régulièrement au niveau ministériel ; c'est une avancée significative.

Ensuite, comme l'Afrique du Sud siégera au Conseil de sécurité cette année et l'année prochaine, ce sera un partenaire important, d'autant plus qu'elle présidera l'Union africaine en 2020, et nous pouvons nous appuyer sur notre proximité avec l'Afrique du Sud pour renforcer les coopérations dans l'océan Indien. Nous avons beaucoup avancé aussi au niveau économique, parce que nos entreprises sont très présentes en Afrique du Sud, même si la relation politique était très distendue depuis plusieurs années. La reprise de discussions politiques avec ce pays doit être signalée et renforcée. Deux grandes entreprises françaises, Alstom et Saint-Gobain, sont présentes en Afrique du Sud, où elles mènent des actions d'innovation et de formation considérables. Nous avons aussi une relation très forte dans le domaine scientifique et culturel. Il ne manquait plus qu'une action politique forte, mais elle est maintenant au rendez-vous ; je voulais signaler cet élément nouveau très significatif à votre commission. Il intervient notamment à la suite du changement de président, M. Zuma étant parti au mois de mai 2018 ; la relation avec le nouveau président est très positive.

J'en viens à l'Afrique de l'Est. Vous avez fait état, madame la présidente, du déplacement que le Président de la République a effectué à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya la semaine dernière. Cette visite au Kenya est un fait historique, puisqu'aucun président français ne s'était jamais rendu dans ce pays, pourtant dynamique et assez exemplaire. En Éthiopie, comme à Djibouti, la dernière visite d'un président français remontait à de nombreuses années. Cette visite a donc été bien accueillie.

Nous avons renoué le dialogue avec Djibouti, un pays qui, pendant très longtemps, a entretenu une relation, sinon exclusive, du moins très privilégiée avec la Chine. Nous avons ressenti la volonté des autorités djiboutiennes d'entamer un nouveau dialogue avec la France et de relancer avec elle un partenariat que le Président de la République a appelé de ses voeux et que nous souhaitons respectueux et transparent.

L'Éthiopie a un nouveau Premier ministre, M. Abiy Ahmed, qui a déjà engagé de nombreuses réformes, et la Présidente de la République, Mme Sahle-Work Zewde, en poste depuis quelques mois, parle très bien français. Nous avons noué une relation très forte et la France a marqué sa volonté d'appuyer les réformes importantes qu'initie le Premier ministre éthiopien. Nous souhaitons avoir, dans les domaines économique et culturel, une relation suivie avec ce pays qui prend des risques, et dont le Premier ministre est très audacieux. Il a notamment le mérite d'avoir normalisé les relations de son pays avec l'Érythrée : cela crée des bouleversements dans la région, mais les initiatives qu'il a prises, à l'intérieur comme à l'extérieur, sont des initiatives de paix, et nous devons lui rendre hommage pour cela. Nous avons également lancé des coopérations dans le domaine patrimonial, dans celui de la défense maritime et en matière économique. Vous le voyez, les perspectives sont nombreuses.

Addis-Abeba est le siège de la Commission de l'Union africaine. Nous avons eu des entretiens avec son président, M. Moussa Faki, qui viendra bientôt à Paris, puisqu'il a été décidé d'établir un dialogue stratégique entre la France et l'Union africaine à l'échelle du continent. La visite que le Président de la République a effectuée auprès de la Commission de l'Union africaine a été très significative, puisqu'elle a montré l'importance que nous accordons à cette organisation, qui est le symbole du multilatéralisme à l'échelle du continent africain.

La visite au Kenya a d'abord eu une dimension bilatérale. Le Kenya est lui aussi en attente de France et il cherche à diversifier ses partenaires économiques. Des investissements d'un montant de 2 milliards d'euros ont été annoncés par la présidence kenyane pour des entreprises françaises, dans le domaine des transports, de l'énergie et de l'environnement. Ce pays est également exemplaire du point de vue du multilatéralisme et de la protection de l'environnement, puisque le mix énergétique kenyan se compose à 75 % d'énergies renouvelables. Vous le voyez, les perspectives de coopération entre nos deux pays sont nombreuses.

Par ailleurs, nous avons pu, à l'occasion de cette visite, prendre part à la troisième édition – la première en Afrique – du One Planet Summit. Le Président de la République a prononcé un discours devant l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement et j'ai moi-même lancé à Nairobi l'initiative Choose Africa qui, conformément aux engagements pris par le Président de la République à Ouagadougou, nous permettra d'apporter un soutien financier aux PME qui naissent partout en Afrique. D'un montant de 2,5 milliards d'euros, ce soutien se répartira de la manière suivante : 1 milliard d'euros de prises de participations dans des start-up ou de petites entreprises qui démarrent, et 1 milliard d'euros de prêts et garanties. Ce déplacement a donc significativement renforcé l'implication de la France dans cette partie de l'Afrique.

J'aimerais à présent dire un mot de la Chine, puisque nous allons recevoir le président Xi Jinping à partir de dimanche. La séquence qui s'ouvre est particulièrement importante pour la relation franco-chinoise et pour les relations entre l'Union européenne et la Chine. Un sommet entre l'Union européenne et la Chine aura lieu le 9 avril, qui précédera une réunion dite « 16 + 1 », qui associera certains pays européens et la Chine. Ce périmètre n'est peut-être pas idéal, mais l'important, c'est que la réunion entre l'Union européenne et la Chine aura eu lieu avant. Tout cela se conclura par le sommet sur la Route de la soie, qui se tiendra à Pékin du 25 au 27 avril, et auquel je me rendrai. La visite du président Xi à Paris s'inscrit, vous le voyez, dans un calendrier très dense.

La Chine, pour nous, représente à la fois un défi et un partenaire. Nous oscillons constamment, avec ce pays, entre le souci de protection et le souci de coopération. Les domaines dans lesquels nous pouvons coopérer sont nombreux : le climat, la nécessité de réguler l'Organisation mondiale du commerce et, d'une manière générale, le multilatéralisme. Nous sommes également partenaires sur le règlement d'un certain nombre de crises, notamment la crise iranienne. Mais, d'un autre côté, nous devons nous montrer très vigilants, par exemple lorsque la Chine tente d'aspirer et d'attirer à elle nos technologies. Le discours de Xi'an, prononcé par le Président de la République lors de son déplacement en Chine au début de l'année 2018, a marqué une étape importante de notre partenariat. Nous voulons le partenariat avec la Chine, mais nous voulons qu'il soit « gagnant-gagnant ». Nous voulons une coopération, mais une coopération sincère : tel est l'objet de la visite du président chinois à Paris.

Dans le domaine du multilatéralisme, deux événements importants vont avoir lieu dans les jours qui viennent. Au début du mois d'avril, les ministres des affaires étrangères du G7 se réuniront à Dinard et à Saint-Malo. Avant cela, dès la fin de la semaine prochaine, je présiderai le Conseil de sécurité des Nations unies, puis j'assisterai aux réunions organisées par la présidence allemande, la semaine suivante.

Ces deux événements auront vocation à renforcer le multilatéralisme. Au Conseil de sécurité, nous marquerons notre soutien au maintien de la paix, particulièrement au Sahel, puisqu'une réunion sera spécifiquement consacrée à cette région, en présence du Premier ministre malien. Nous poserons la question de l'opportunité de poursuivre la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), qui avait un temps été mise en cause par les États-Unis d'Amérique. Par ailleurs, nous aurons l'occasion, au cours de cette présidence, d'évoquer le renforcement du droit international humanitaire, en particulier la protection des personnels humanitaires et médicaux, un sujet que nous défendons conjointement avec l'Allemagne.

Nous préparerons également le coup d'envoi, en septembre prochain, du Sommet sur le climat organisé par le Secrétaire général de l'ONU, auquel le Président de la République souhaite que la France apporte un soutien important. Par ailleurs, avec mon collègue allemand, nous essaierons de réunir les puissances les plus actives dans le domaine du multilatéralisme pour donner du poids à notre projet commun d'alliance pour le multilatéralisme.

S'agissant de la présidence du G7 par la France, j'ai déjà indiqué les priorités que le Président de la République souhaite mettre en avant : la question des inégalités à l'échelle mondiale et les réponses communes à apporter aux défis de sécurité. Les enjeux africains seront également abordés, puisque le président de la Commission de l'Union africaine, M. Moussa Faki, sera présent à Dinard. Seront également présents des responsables d'organismes bancaires et de développement, ainsi que des représentants de l'ONU qui travaillent sur le développement de l'Afrique.

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