Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères :

Il faut être très clair sur ce point. Quand on allait à Raqqa en 2015, c'était pour engager des attentats conduits en France. Il faut le dire aussi aux parents des victimes dans notre pays.

En ce qui concerne les orphelins français, nous menons les actions que nous avons conduites et que nous continuerons éventuellement à conduire. Nous sommes en relation avec les grands-mères, ou les grands-pères, d'une manière très sereine, et je ne partage pas les propos que vous avez tenus sur l'absence de signalements. Nous n'avons pas de cas de mort d'enfants français de combattants. Nous sommes aussi en relation avec beaucoup d'acteurs qui font état de certaines préoccupations. Ce sont les mères qui ont choisi d'être là, et ce sont elles qui exercent l'autorité parentale. C'est une réalité. Nous respectons les droits de l'enfant et nous apprécions les situations au cas par cas, avec la Croix-Rouge internationale, si d'aventure il y a des cas à prendre particulièrement en considération. Voilà notre politique. Il y en a une. Vous pouvez ne pas être d'accord avec elle, mais elle existe.

M. Habib a évoqué plusieurs sujets.

S'agissant de notre relation avec l'Italie, nous ne pouvions pas accepter l'action et les propos de M. Di Maio. À un moment, le respect de notre propre souveraineté faisait qu'il importait de marquer une posture ferme, et je crois d'ailleurs qu'elle a été comprise, notamment par les Italiens. Je me suis exprimé dans la presse italienne sur ce sujet, notre ambassadeur est retourné à Rome, et j'ai des relations très régulières avec mon homologue italien – je me suis entretenu avec lui pas plus tard qu'hier. Je le fais sur toute une série de sujets, y compris la Libye. Le Président de la République italienne viendra en France dans quelque temps pour marquer que, même si nous avons des désaccords politiques avec le Gouvernement italien actuel, cela n'empêche pas des relations suivies entre deux pays amis, qui font partie des fondateurs de l'Union européenne.

En ce qui concerne le cas de Mme Sotoudeh, nous avons eu l'occasion d'exprimer fortement notre indignation. Vous avez rappelé qu'elle a été condamnée dans des conditions dégradantes. Il s'agit, en outre, d'une avocate qui a défendu les droits des femmes, en particulier celles qui contestent en Iran l'obligation du voile islamique. C'est aussi un symbole : l'engagement de Mme Sotoudeh lui a valu de recevoir en 2012 le prix Sakharov du Parlement européen, mais aussi des pressions, des arrestations et des peines d'emprisonnement. Le Président de la République a appelé à sa libération lors de la remise du premier prix Simone Veil, et nous restons très fermes sur cette ligne. Nous avons des relations avec l'Iran, il y a le sujet du respect de l'accord sur le nucléaire, qui nous paraît essentiel – nous honorons notre signature –, mais cela ne nous empêche pas d'être très fermes sur le respect du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous demandons, je l'ai dit, la libération de Mme Sotoudeh.

Le paiement à l'Autorité palestinienne que vous avez évoqué correspond à un engagement d'Israël dans le cadre du protocole de Paris. Nous considérons qu'il doit être mis en oeuvre. En ce qui concerne le terrorisme, la position française est sans ambiguïté. Nous avons condamné la récente attaque à laquelle vous avez fait allusion.

Je connais l'attention que vous portez, monsieur Lecoq, à un certain nombre de cas, et je vous remercie d'y faire référence régulièrement. Je me suis encore entretenu avec mon homologue Wang Yi il y a quelques jours de l'affaire des farines, sur laquelle vous êtes revenu avec raison à plusieurs reprises. Nous souhaitons qu'un geste humanitaire soit fait par les autorités chinoises, et je ne peux que rejoindre votre point de vue.

Les affaires Abdallah et Kadamy concernent la justice. Je comprends que vous en fassiez part, mais vous comprendrez aussi que je ne fasse pas de commentaires.

Je n'ai pas vu l'article de L'Humanité que vous avez cité, mais je n'ai pas le sentiment que Business France ait agi d'une manière contraire aux orientations du Quai d'Orsay. Si c'est le cas, toutefois, j'en ferai la remarque.

S'agissant du Mozambique, je partage votre émotion. Nous en avons fait part et nous souhaitons que l'aide humanitaire, à laquelle nous participons – le Centre de crise est mobilisé sur ce sujet –, puisse arriver le plus rapidement possible. Ce qui se passe est une vraie catastrophe.

En ce qui concerne M. Gbagbo, je rappelle qu'il existe une Cour pénale internationale. Je n'ai pas d'avis particulier à donner.

Quant aux bateaux destinés à la Libye, on peut rouvrir le débat sur les migrations et les positions françaises… Il y a un gouvernement en Libye, qui est présidé par M. Sarraj. Il est reconnu internationalement et il doit avoir les moyens d'assurer la sécurité de ses propres côtes. Pour cela, il a besoin de bateaux. La France s'honore d'en avoir livré pour garantir la sécurité, avec des garde-côtes dont nous assurons la formation, avec d'autres. Que se passerait-il autrement ? Ce sont les mafias ou les trafiquants qui font passer des migrants, contre des financements importants. Ils les obligent à aller sur des bateaux partant au large sans aucun contrôle, avec les risques de mort que vous connaissez. Il faut protéger ces migrants, et il faut donc que la marine et les garde-côtes libyens aient les moyens nécessaires.

Pour ce qui est de notre ambassade, je suis allé sur place. Il y a eu des tirs il y a quelques jours, ce qui retarde un peu une installation définitive. Notre ambassadrice se rend régulièrement à Tripoli, et nous allons ouvrir notre ambassade dans les semaines qui viennent, dès que les mesures de sécurité finales auront été prises, après les incidents regrettables qui ont eu lieu récemment. La situation n'est pas encore totalement stabilisée.

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