Monsieur le Premier ministre, malgré la récente signature du traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle, un désaccord substantiel demeure sur les coopérations industrielles en matière de défense, ce qui a de graves conséquences pour les programmes SCAF – système de combat aérien du futur – et MGCS – main ground combat system – , remplaçants respectifs des avions Rafale et des chars Leclerc.
La création de champions industriels européens a pour objectif la survie de notre industrie face à une compétition internationale accrue, sur fond de guerre commerciale. Or la décision allemande de prolonger son moratoire sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite bloque des livraisons françaises qui utilisent des composants allemands et, ce faisant, fait échouer cet objectif.
En l'absence de règle de préférence européenne pour l'achat d'équipements militaires, et faute de budgets nationaux suffisants, il est impossible de créer une base industrielle de défense européenne compétitive sans exportations. Il serait inacceptable que le parti socialiste, très minoritaire au Bundestag, soit le responsable de l'échec de programmes industriels français, échec qui mettrait en péril des dizaines de milliers d'emplois qualifiés sur notre sol. En l'état, le rapprochement entre Paris et Berlin n'est pas gagnant-gagnant : il est « gagnant-allemand ».
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous détailler la feuille de route de la négociation d'un seuil en deçà duquel aucune exportation ne pourra être bloquée ? Ce seuil sera-t-il suffisant pour assurer la pérennité des programmes SCAF et MGCS ?
Votre réponse pourrait s'inspirer des trois principes de coopération que l'ambassadrice de France à Berlin a énumérés, et qui font aujourd'hui défaut : le pragmatisme, aujourd'hui dans le camp de la France et de ses industriels ; la confiance mutuelle, qui doit être construite par l'Allemagne, qui a ramené son effort d'investissement en matière de défense à un très modeste 1,25 % du PIB ; la responsabilité, enfin, et j'espère, monsieur le Premier ministre, que vous prendrez clairement les vôtres durant ces négociations.