Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du mardi 2 avril 2019 à 15h00
Débat sur la transition écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

En matière de transition écologique, le temps des constats et des incantations est derrière nous.

Le groupe Libertés et territoires est très sensible à la responsabilité écologique et au devoir des responsables politiques de répondre au défi climatique et aux menaces vitales qui pèsent sur notre planète. Les députés qui le composent croient en les territoires et revendiquent de s'appuyer sur eux pour inventer des réponses adaptées aux défis actuels.

Les crises environnementales et climatiques sont quasiment parvenues à un seuil d'irréversibilité, ce qui emporte des conséquences dramatiques. Nous devons mobiliser toutes nos forces pour tenter d'inverser la tendance et redonner espoir à nos enfants. Or, à ce jour, les réponses, pleines de bonnes intentions que nous entrevoyons ici et là, ne sont pas à la hauteur.

Nous sommes, mes chers collègues, en retard. Nous sommes aussi en décalage par rapport à la jeunesse qui, consciente du péril, se mobilise et nous reproche, à juste titre, la faiblesse de notre action.

Député engagé en faveur de l'écologie depuis vingt-cinq ans, je mesure ce retard et je regrette que toutes les alertes n'aient pas été entendues. Mais allons de l'avant !

C'est bien l'écologie qui est au coeur du débat actuel. Il n'est pas anodin qu'une pétition rassemble plus de deux millions de signatures ou que les marches pour le climat se multiplient. Il n'est pas anodin non plus que l'attention se porte enfin sur la préservation de la biodiversité, ainsi que sur la qualité de l'air, de l'eau, et de l'alimentation. Alors nous allons débattre, mais nous nous devons d'apporter des solutions politiques de rupture.

Ces deux dernières années de gouvernement ont été marquées par un rythme soutenu de réformes, suivant une verticalité toute française qui a permis aux conservatismes de l'emporter. Peu à peu, l'ambition écologique, proclamée dans le slogan « make our planet great again », a été rognée. Nous y croyons encore, nous voulons aller de l'avant. La transition écologique ne peut plus se contenter de mesures partielles ou sectorielles.

Des trajectoires ambitieuses doivent être définies. Pour les respecter, l'action publique doit s'appuyer sur les quatre leviers que sont la fiscalité, la réglementation, l'incitation économique au changement et l'information.

Tout d'abord, dans un monde dont le modèle économique de développement est fondé sur la productivité humaine et le gaspillage des ressources, nous devons repenser l'architecture même de la fiscalité. Cette transformation ne se fera pas en un jour, ni en un mandat, mais l'impulsion doit être donnée dès à présent.

Les études internationales démontrent que l'acceptation de la fiscalité écologique suppose la compréhension d'un projet partagé et le sentiment d'un retour pour le citoyen dans son quotidien.

La fiscalité, qui est un outil privilégié de soutien et d'accélération de la transition énergétique et écologique, doit comporter un volet incitatif et un autre répressif, ciblant les émissions de gaz à effet de serre et les atteintes à l'environnement.

Le groupe Libertés et territoires préconise, dans un premier temps, une baisse de la fiscalité récompensant les bonnes pratiques – réparation, énergies renouvelables – et les trajectoires positives – circuits courts. Dans un second temps, la fiscalité verte sera progressivement généralisée. À cette fin, la fiscalité carbone doit atteindre 200 euros la tonne dans les sept ans. De même, la destruction du patrimoine naturel, l'utilisation des produits non recyclés et la pollution diffuse doivent être taxées, selon le principe du pollueur-payeur. Enfin, le produit de cette fiscalité doit être affecté équitablement, à l'instar des pays dans lesquels la taxe carbone a été instaurée avec succès, notamment pour accompagner l'adaptation des publics les plus fragiles. Cette dimension est primordiale, nous ne pouvons nous y soustraire.

Le financement complémentaire de ces mesures proviendra de l'affectation de recettes existantes, de la création de valeur grâce à de nouvelles filières, ou de performances structurelles. Il faut également poser la question d'un ISF écologique.

La réorientation des soutiens économiques est un autre élément majeur de la transition écologique. Elle suppose d'engager une réflexion de long terme et de prévoir des stratégies locales d'action reposant sur une maîtrise fine des enjeux. Des réponses adaptées, combinant incitations, obligations et substitutions, devront être proposées.

Nous connaissons, par exemple, le poids des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions de gaz à effet de serre. Des marges d'amélioration importantes existent. Il est crucial d'exécuter avec succès le plan visant à rénover 500 000 logements par an.

Pour atteindre cet objectif, il faut créer des aides pour financer le reste à charge pour les ménages les plus modestes et des dispositifs dédiés à la rénovation des logements sociaux et de bâtiments publics.

Dans sa lettre aux Français, le Président de la République demandait quelles pouvaient être les solutions concrètes accessibles à tous, notamment pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture.

Pour accélérer le mouvement, il convient au minimum de doubler les primes et aides actuelles. Cette mesure serait financée par l'affectation massive et directe des produits de la fiscalité verte. Les Français auront ainsi le sentiment que la fiscalité verte les soutient.

Nous proposons de transformer le crédit d'impôt pour la transition énergétique en prime pour certains travaux de rénovation énergétique. Enfin, et sans être exhaustifs, nous insistons sur la nécessité d'abaisser à 5,5 % la TVA sur les transports publics.

Plus globalement, nous devons créer des mécanismes de compensation lorsque les changements de mode de production ou de mode de travail demandent une adaptation trop rapide ou trop coûteuse que les acteurs économiques ne peuvent supporter. Toutes ces solutions doivent s'appliquer au plan local. L'État doit se contenter de fixer des règles précises et de négocier avec les territoires.

À titre d'exemple, l'aide financière versée par la région des Hauts-de-France aux salariés utilisant leur voiture pour se rendre à leur travail pourrait être déployée dans d'autres régions, à condition que l'État apporte les compensations nécessaires.

Le groupe Libertés et territoires croit en la capacité de notre pays à repenser son modèle à partir des initiatives et des réussites dans les territoires. Faisons donc confiance aux acteurs locaux, notamment aux élus. Donnons-leur des marges de manoeuvre plus importantes, notamment en matière de fiscalité écologique afin de l'adapter aux réalités locales.

Il n'existe pas un seul modèle qui serait imaginé à Paris et pourrait être dupliqué partout. Les problèmes ne sont pas les mêmes dans les Hautes-Pyrénées, le Val-d'Oise, en Corse ou en Mayenne, ou dans ma Provence.

Du grand débat national doit naître une confiance dans les territoires les autorisant à choisir leurs modèles en matière de protection de l'environnement et de transition écologique et solidaire. La confiance dans les territoires doit être restaurée si nous voulons réussir la transition écologique

Quant aux changements de comportement des citoyens, ils ne doivent pas reposer sur des incantations, mais sur de nouvelles approches en termes de formation et d'information. Nous préconisons ainsi, par exemple, que les objectifs du développement durable, fixés par l'ONU, soient enseignés au lycée et dans l'enseignement supérieur. Nous avons présenté un projet en ce sens au ministre, Jean-Michel Blanquer.

Mais rien ne sera possible sans une démarche diplomatique pour entraîner l'Europe et le monde. La France doit peser sur ses partenaires européens et mondiaux. Elle doit être à la pointe du combat en engageant, au niveau européen, un débat sur l'opportunité de sortir les investissements en faveur de la transition écologique des critères de Maastricht ; en promouvant, à l'échelle européenne, la coopération dans la recherche et le développement pour favoriser l'émergence de champions européens de la transition énergétique ; en incitant à l'élaboration d'une politique européenne concertée de l'énergie ; en défendant une plus grande harmonisation fiscale et réglementaire ; en fixant des objectifs tels que la fin des rejets de plastique dans la mer à l'horizon 2025 ou en matière d'économie circulaire ; en demandant l'intégration de critères de durabilité dans les engagements internationaux.

Les questions qui sous-tendent le grand débat national semblent loin de cette ambition. Elles donnent à penser qu'il suffirait de ripoliner le modèle actuel, pourtant devenu insoutenable.

Nous pensons, au contraire, qu'il faut tenir compte de cette urgence dans l'élaboration de l'action publique. L'urgence, c'est le climat – j'insiste. J'aurais également pu évoquer la baisse dramatique de la biodiversité, socle de notre alimentation, de notre eau pure et de notre énergie, ou encore la raréfaction des ressources.

Nous devons repenser notre modèle en privilégiant une logique d'économie circulaire, fondée sur l'efficience et la préservation des ressources. Nous devons développer des indicateurs nouveaux pour mesurer ce qui est positif pour l'intérêt commun ; compter ce qui compte réellement dans notre vie, sur notre planète ; instaurer une comptabilité extra-financière comme le préconisait le rapport de Jean-Dominique Sénard et Nicole Notat, « l'entreprise, objet d'intérêt collectif ».

L'écologie est la colonne vertébrale qui doit désormais soutenir toute politique publique. Elle ne saurait cependant s'imposer sans être accompagnée de la justice sociale indispensable pour corriger les inégalités persistantes. C'est désormais l'écologie des solutions qui doit être appliquée, du local au global.

Je conclurai par la maxime de Victor Hugo : « on n'arrête pas une idée dont l'heure est venue ». Je devrais dire que l'on n'arrête pas une majorité qui sait où elle va. S'il s'agit de fixer le cap d'une transformation de notre modèle dont la transition écologique serait le coeur, nous prendrons le chemin ensemble.

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