Calfeutrer portes et fenêtres, dormir en manteau et bonnet, vivre dans une seule pièce l'hiver, s'endetter pour payer les factures de gaz et de fioul : tel est le quotidien de 3,3 millions de nos concitoyens. En 2018, près de 5 % des Français étaient en situation de précarité énergétique. Autrement dit, 3,3 millions de nos concitoyens sont mal logés et mal chauffés, ce qui a des conséquences sociales dramatiques sur la santé, l'éducation, l'équilibre familial ou encore l'insertion sociale et professionnelle.
Cette problématique n'est pas seulement urbaine : les territoires ruraux en sont l'illustration à la fois la plus parfaite et la plus malheureuse. Par exemple, dans mon département, l'Aisne, un secteur rural, l'habitat est particulièrement dégradé. La ruralité est quelquefois subie par nos aînés, car l'entretien et les charges du logement deviennent insupportables dans des maisons vieillissantes, trop grandes quand les enfants sont partis.
Au coeur des bourgs-centres, l'habitat est encastré, sans cour, ni garage. Les contraintes liées à une vie en proximité dévalorisent les biens qui deviennent la proie des bailleurs indélicats, et de véritables ghettos se forment où règne la misère sociale.
Monsieur le ministre d'État, on ne peut se satisfaire de cette situation, et vous n'êtes d'ailleurs pas sans agir. Moult dispositifs existent déjà, c'est même la jungle fiscale. On ne compte pas moins de soixante-six dépenses en faveur du logement, rattachées à huit programmes budgétaires, affectant six des neuf grandes catégories d'impôts.
Le logement, c'est 20 % de l'ensemble des dépenses fiscales, soit 18 milliards d'euros en 2018. De nombreux dispositifs sont en place, comme le programme « Habiter mieux » ou le crédit d'impôt, auxquels s'ajoutent parfois des actions territoriales. Pourtant, la situation reste celle que je viens de vous décrire ; elle reste socialement insupportable. C'est pourquoi il nous faut agir autrement.
Je vous propose de faire plus vite, plus simple, et même de bouleverser nos codes budgétaires. Je vous propose d'agir en mettant en place un dispositif lié directement au logement et à la situation de ses occupants. Pour ce faire, il serait tenu compte de tous les logements les plus énergivores, classés F et G. Le bailleur ou le propriétaire-occupant bénéficierait d'un droit à la réalisation de travaux énergétiques d'un montant qui pourrait atteindre 20 000 euros – c'est le panier moyen. Prise en charge par l'État, cette avance de trésorerie – car il ne s'agit pas d'un prêt – serait remboursée au moment de la mutation du bien, vente ou succession.
Avec ce dispositif, deux freins majeurs au déclenchement des travaux seraient levés. Pour les propriétaires-occupants, souvent modestes, ce dispositif supprimerait les obstacles que sont le reste à charge des travaux ou l'avance des subventions. Pour autant, on ne porterait pas d'atteinte à l'héritage, puisque l'État ne ferait que récupérer la plus-value liée à la réalisation des travaux – on pourrait même imaginer un remboursement anticipé.
Les freins au lancement des travaux pourraient aussi être levés pour les bailleurs. Leur engagement dans les travaux énergétiques est souvent contrarié par le non-retour sur investissement, puisqu'ils ne tirent aucun bénéfice de la réduction des factures énergétiques.