Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mardi 2 avril 2019 à 21h45
Débat sur la fiscalité et les dépenses publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Vous n'avez pas compris ce qui se passait et vous avez laissé pourrir la situation pendant des semaines avant de mettre sur la table 10 milliards d'euros qui sont venus soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes. La prime « gilets jaunes » a mis du beurre dans les épinards, mais pour certains seulement. Le rétropédalage sur la CSG est une bonne chose, mais il ne concerne pas tous les retraités pénalisés. Il convient d'ailleurs de souligner que la loi « gilets jaunes » votée en décembre 2018 aura un impact positif sur la croissance en 2019.

Néanmoins, fin 2018, l'incendie n'est toujours pas éteint. Alors le Président se voit contraint de lancer un grand débat avec les Français et, fidèle à l'exercice vertical du pouvoir qui est le sien, il descend lui-même dans l'arène. Emmanuel Macron ouvre plusieurs questions au débat, mais il exclut aussi de revenir sur certains points comme les réformes déjà votées de la fiscalité sur le patrimoine – en clair, sur la suppression de l'ISF et l'instauration de la flat tax – alors même que le rétablissement de l'ISF fait partie des demandes les plus fréquentes apparues dans les cahiers de doléances ouverts dans des milliers de mairies.

C'est pourquoi, comme beaucoup de mes collègues de tous bords politiques, je me demande aujourd'hui si ce grand débat national avait pour but de donner la parole aux citoyens, ou s'il était simplement une opération de communication visant à éteindre un incendie – un incendie que vous avez allumé.

Au reste, l'ISF n'est pas la seule thématique interdite : c'est en réalité la quasi-totalité de la politique fiscale du Gouvernement qui ne bougera pas d'un iota, et ce malgré la demande de plus de justice fiscale formulée par les Français.

Je vous le dis très sincèrement : si vous souhaitez apaiser la situation et renouer un lien de confiance avec nos concitoyens, il faut arrêter de tergiverser sur ces questions et enfin écouter le peuple qui s'exprime.

D'autre part, pour renouer un lien de confiance et rétablir le consentement à l'impôt, il serait judicieux, voire primordial, de mettre en place un dispositif qui expliquerait la destination et l'utilité de chaque euro d'impôt et de taxe payé par les citoyens. Cette traçabilité de l'impôt permettrait de faire prendre conscience à ceux qui le financent de l'importance de ces fonds destinés notamment à l'éducation, à la santé, à la culture, à la sécurité des biens et des personnes, à la protection de l'eau ou à la transition énergétique.

Une totale transparence leur ferait prendre conscience que les différents impôts et taxes sont indispensables et qu'ils sont affectés à de justes causes, non à des financements occultes, comme certains le pensent aujourd'hui. Alors, peut-être les Français se réconcilieraient-ils avec l'impôt.

Les équipes de la direction générale du Trésor à Bercy ont d'ailleurs détaillé la destination de 1 000 euros de dépense publique : 575 euros vont à la protection sociale, dont la plus grosse partie aux retraites ; 143 vont aux entreprises, aux transports, à la culture et à l'environnement ; 245 vont à l'éducation, aux administrations publiques, à la recherche et autres services régaliens. Le reste, soit 37 euros, est consacré au remboursement de la dette. Mais ça, les Français l'ignorent.

Cette réconciliation est nécessaire car, contrairement à ce que vous pensez, les citoyens ne demandent pas moins de services publics. Et la plupart du temps, lorsque vous les interrogez sur les services publics qui devraient être supprimés, ils se taisent.

Alors, je m'interroge sur les coupes que vous souhaitez effectuer pour réduire les dépenses publiques. Comptez-vous, comme on le dit souvent, réduire les fonds alloués aux retraités en repoussant l'âge de départ à la retraite – ces mêmes retraités que vous avez déjà pénalisés en augmentant la CSG ? Comptez-vous réduire les fonds alloués aux secteurs de l'éducation, de l'environnement, de la justice, de la santé ou encore de la sécurité – ces mêmes secteurs qui, au contraire, ont besoin de davantage de moyens ? Ou comptez-vous réduire les fonds alloués aux entreprises qui ne souffrent d'aucune contrepartie au CICE, dont certaines profitent même pour remplir grassement la poche de leurs actionnaires au lieu d'investir et d'embaucher ? Dans ce cas, je soutiendrai votre démarche.

Non, chers collègues, il faut maintenir les services publics dans un état satisfaisant et, par extension, maintenir le niveau des dépenses publiques. Nous savons où chercher l'argent : rétablissez l'ISF, supprimez la flat tax, traquez ceux qui pratiquent l'évasion fiscale, souvent maquillée en optimisation fiscale !

J'espère que vous aurez le courage de prendre des mesures allant dans ce sens afin de mettre fin à ce climat délétère, à ce sentiment d'injustice et de colère qui parcourt notre pays depuis de trop nombreuses semaines.

Le grand débat national sera-t-il utile ? Pour le savoir, il faut attendre les annonces du Président de la République. Malgré tout, j'en doute, car répondre au malaise des Français est incompatible avec la forte baisse des dépenses publiques voulue par ce gouvernement.

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