Intervention de Patricia Lemoine

Séance en hémicycle du mardi 2 avril 2019 à 21h45
Débat sur la fiscalité et les dépenses publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Lemoine :

Cela nous amène à nous questionner sur le préalable indispensable à la levée de l'impôt : le consentement à l'impôt. Pour consentir à l'impôt, encore faut-il comprendre l'usage qui en est fait. Qui sait, parmi nos compatriotes comme sur les bancs de l'Assemblée, ce que coûte réellement à la collectivité une journée passée à l'hôpital ou encore l'année de scolarisation de son enfant ?

Pour que chacun puisse saisir l'importance de sa contribution, il nous faut donc engager un processus de pédagogie, d'équité mais aussi de simplification de notre modèle social et fiscal.

Un premier travail de pédagogie doit porter sur l'utilisation des deniers publics. À l'ère du tout numérique, le traitement informatique des données devrait nous permettre d'éclairer les citoyens sur le coût réel supporté par l'État et les collectivités pour l'ensemble des services dont ils ont pu bénéficier dans l'année, et sur la quote-part qu'ils ont eux-mêmes acquittée.

Il est temps par ailleurs de procéder à la simplification de nos politiques publiques et fiscales, en supprimant les régimes dérogatoires trop nombreux et les niches fiscales qui participent au sentiment d'injustice.

Au titre de l'équité fiscale, il est nécessaire d'instituer une meilleure progressivité de l'impôt, en introduisant par exemple davantage de tranches d'imposition pour l'impôt sur le revenu ou en élargissant les dispositifs de TVA à taux réduit. Le désir d'équité fiscale prend tout son sens quand on constate que seuls 43 % des foyers fiscaux paient aujourd'hui l'impôt sur le revenu.

Cette progressivité pourrait d'ailleurs s'inscrire dans un objectif plus global : l'universalité de l'impôt. De cette manière, dès le premier euro gagné, chaque Français contribuerait à hauteur de ses moyens à l'effort fiscal.

Le monde de l'entreprise ne doit évidemment pas être occulté car de nombreux chefs d'entreprise, artisans et travailleurs indépendants ont exprimé aussi leur colère et leur désarroi face à une fiscalité jugée confiscatoire, pour ne pas dire punitive.

L'équité fiscale impose aussi de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale. En effet, pourquoi nos concitoyens consentiraient-ils à augmenter leur effort fiscal, alors que des dizaines de milliards d'euros sont soustraits à l'impôt par le biais de l'évasion ? La justice fiscale impose aussi de s'attaquer pleinement à cette pratique sur le plan européen et international, afin que nos initiatives ne soient pas qu'un voeu pieux.

Enfin, consentir à l'impôt signifie que l'on maintienne un service public de qualité, en luttant de façon efficace contre les inégalités territoriales qui sont aussi au coeur des débats. Il y a urgence à repenser notre modèle économique, social et fiscal en mettant un terme à des modélisations nationales qui ne tiennent pas compte des spécificités locales.

Pour ce faire, faisons confiance aux acteurs locaux et aux élus, capables d'intelligence collective et d'innovation pour permettre aux Français d'accéder à un service public de qualité, adapté à leurs besoins. C'est à cette condition qu'il nous sera possible de permettre le consentement à l'impôt.

J'en appelle donc à la responsabilité de chacun. Ne gâchons pas l'espoir suscité par l'organisation de ce grand débat démocratique et participatif. Les Français nous regardent et attendent de nous des actes concrets, de vrais changements et, vous l'aurez compris, plus de justice fiscale et sociale.

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