Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2019 à 15h00
Débat sur la démocratie et la citoyenneté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Je me souviens d'un temps où être élu avait un sens pour nos concitoyens. Notre engagement au service de l'intérêt général et de nos territoires était perçu pour ce qu'il était, total, sincère et, pourquoi pas, désintéressé. Notre probité n'était pas ou peu remise en question. Parce que, il faut le dire, l'immense majorité des élus a toujours été tournée vers chacun de nos concitoyens, dans un engagement souvent sans limite et sans ambiguïté.

Aujourd'hui les choses ont bien changé. L'élu catalyse toutes les crispations, toutes les défiances. In fine, vous le savez bien, c'est la République qui s'en trouve ébranlée. Les aspirations démocratiques ont évolué et se sont approfondies tandis que, il faut le dire aussi, les espérances de nos concitoyens ont trop souvent été déçues.

L'immédiateté règne, notamment par l'action des réseaux sociaux. La décision s'est malheureusement éloignée des citoyens et des territoires. Nous croyons que cela peut, en partie en tout cas, s'expliquer par l'interdiction du cumul d'un exécutif local avec un mandat de député. L'absence progressive de confrontation aux réalités locales a contribué à creuser le fossé qui s'est installé entre la représentation nationale et le peuple. Pour avancer, il faut marcher sur deux jambes : celle de l'élu local et celle de l'élu national. Les synthèses des réponses au grand débat montrent clairement que l'élu dans lequel nos concitoyens ont le plus confiance est le maire, élu de proximité, le premier vers lequel ils se tournent.

Malheureusement, aujourd'hui, ce déséquilibre est inscrit dans la loi et le fossé de la défiance continue de se creuser, en dépit des tentatives du législateur de rénover la vie publique. Les différentes majorités ont en effet légiféré pour essayer de rétablir le lien de confiance entre les politiques et nos concitoyens. Rien n'y a fait et la crise des gilets jaunes illustre cet échec.

Avec la loi de moralisation, le Gouvernement nous avait annoncé vouloir tourner la page d'un ancien monde à l'origine de cette défiance mais cette loi ne pouvait tenir ses promesses – parce qu'elle s'est concentrée sur les élus, au risque de les stigmatiser, parce qu'elle n'a pas embrassé toute la sphère publique mais qu'elle a oublié un maillon important de la chaîne, celui de la haute fonction publique.

Il est en effet indispensable de maîtriser les risques de collusions, de conflits d'intérêts, qui existent au sein des hautes sphères. L'exemplarité de l'action publique passe, aussi, par une réforme de ce maillon de la chaîne, cet univers privilégié et protégé. Il n'est pas question ici d'entretenir la culture du soupçon. Beaucoup de hauts fonctionnaires, de grands commis remplissent leur mission. Mais comme cela a pu être le cas concernant les élus, il faut mettre en place un dispositif performant visant à prévenir et à sanctionner les abus de certains, qui nuisent à la réputation de tous les autres.

Parallèlement, il faut aller vers plus de justice et d'équité dans la haute fonction publique. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires propose qu'aucun fonctionnaire ne puisse percevoir une rémunération totale supérieure à celle du Premier ministre. Je comprends la colère de nos concitoyens quand ils apprennent le montant de la rémunération du haut fonctionnaire le mieux payé de France : près de 36 000 euros bruts par mois ! On comprend qu'il y a là quelque chose d'indécent face aux revendications, largement partagées, de revalorisation du pouvoir d'achat. Cette rémunération est très loin de l'indemnité du chef du Gouvernement et encore beaucoup plus loin de l'indemnité des députés ou des élus locaux qui sont pourtant sans cesse vilipendés dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Mes chers collègues, le groupe Libertés et territoires considère également qu'il faut plafonner le cumul d'une retraite avec une indemnité liée à une mission publique. Certaines pratiques sont peut-être légales mais elles sont illégitimes. Il est donc de notre responsabilité d'y mettre un terme. C'est de cette façon que nous pourrons rassembler le pays, lui permettre de relever la tête, de créer une dynamique commune sans laquelle rien n'est possible, d'avancer malgré les vents contraires.

L'issue du grand débat exige que nous sortions des faux-semblants pour enfin entendre la voix de chacun, des plus modestes, de ceux qui parlent, mais aussi de ceux qui ne disent rien, et qui souffrent en silence. C'est pour porter leur voix que le groupe Libertés et territoires avait demandé ce débat à l'Assemble nationale. C'est pour porter leur voix que nous serons vigilants quant aux mesures que vous nous proposerez d'adopter afin de répondre aux attentes des Français.

1 commentaire :

Le 09/04/2019 à 20:59, Laïc1 a dit :

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"Je me souviens d'un temps où être élu avait un sens pour nos concitoyens."

Ça a toujours un sens : bloqueur obstiné de référendums...

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