Dans son édition du 1er avril, Paris Normandie – un bon journal – nous annonçait que le Président de la République allait venir chez nous pour rencontrer les Normands, sans filtre, sans cour et sans cordon de sécurité, du port de Fécamp jusqu'à celui de Dieppe en passant par Le Havre – où la mer était agitée.
Un bref instant, à la lecture très matinale de ce journal, je me suis dit que le Président de la République avait enfin compris et qu'on allait pouvoir lui parler du pays. C'était un poisson d'avril et j'ai très vite compris que j'étais tombé dans le panneau. En fait, le libéralisme effréné que vous défendez depuis le début de la législature s'accorde mal avec l'exercice direct de la démocratie.
J'en veux pour preuve l'esprit des ordonnances, qui nuit gravement à la santé de la démocratie parlementaire. Vous faites un usage immodéré de cette procédure pour éviter que le débat ne prospère dans l'hémicycle et au-delà, ne vienne contrecarrer vos buts et ralentir vos plans.
J'en veux pour preuve ce pouvoir qui, jour après jour, se concentre davantage entre les mains de quelques-uns, technocrates libéraux : pour trouver un ministre, il faut désormais faire traverser un couloir à un conseiller du cabinet présidentiel. Voilà comment se constitue la cour.
J'en veux pour preuve le peu de respect que l'État, lorsqu'il prend des décisions, manifeste à l'égard des aspirations, des attentes, des besoins, de la parole des territoires de vie et des habitants qui les composent.
Comment, en effet, parler de démocratie lorsqu'un maire apprend, du jour au lendemain, que sa commune sera privée du service d'établissement des cartes nationales d'identité, pour ne prendre que cet exemple ?
Comment parler de démocratie lorsque les grandes entreprises publiques ou les organismes parapublics, à l'instar de La Poste, de la Caisse d'allocations familiale, de la Caisse primaire d'assurance maladie ou de la SNCF déménagent de nos territoires en fermant des bureaux et des gares et que les habitants et les maires l'apprennent en lisant la presse ?
Comment parler de démocratie lorsque la dernière réforme judiciaire menace, contre l'avis de la communauté judiciaire, de vider progressivement de leur substance nos tribunaux de plein exercice…