Intervention de Général Richard Lizurey

Réunion du mardi 10 octobre 2017 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale :

Les brigades de contact étant une réussite, nous ne sommes pas opposés à continuer dans cette voie, étant toutefois précisé que la décision en reviendra aux commandants de groupement, car je considère que l'intelligence est locale. Ce n'est pas moi qui, de Paris, vais décréter qu'il faut créer ou supprimer une brigade à tel ou tel emplacement, mais les commandants de groupement qui doivent se concerter avec leurs commandants de compagnie et les élus concernés, avant de me dire quels sont, selon eux, les besoins réels sur le terrain et l'organisation qui leur paraît la plus adaptée à ces besoins – un groupe « contact » dans une grosse brigade, une fonction « contact », etc. Je souhaite mettre l'intelligence au pouvoir, décentraliser et déconcentrer la totalité de la décision dans ce domaine : de ce point de vue, les commandants de groupement et les commandants de compagnie, qui connaissent parfaitement le terrain, sont les mieux placés pour me dire ce qu'il faut faire.

Mon objectif est de faire en sorte que le temps de relation entre le gendarme d'une part, les élus et la population d'autre part, soit le plus long possible. Dans l'idéal, je voudrais que ce soit 100 %, et si je sais que cet objectif ne peut être atteint, j'aimerais que l'on s'en approche autant que possible, selon des modalités qu'il revient aux commandants de groupement et aux commandants de compagnie de définir : cela peut passer par la multiplication des brigades de contact, mais aussi en recourant à d'autres modes d'organisation. Les moyens qui seront alloués, notamment dans le cadre de l'évolution des effectifs – nous aurons 459 équivalents temps plein supplémentaires l'année prochaine – pourront être en partie affectés à la fonction « contact », en fonction des propositions qui me seront faites par les échelons locaux.

Les zones d'ombre en télécommunication constituent une réelle difficulté, que nous avons en partie contournée en faisant de nos véhicules, disposant de moyens radio performants, des relais pour les matériels portables, notamment les tablettes, dont sont équipés nos personnels. Il subsiste des zones posant problème, dans lesquelles nous sommes parfois obligés de recourir – en accord avec Orange, qui est notre opérateur habituel – à un deuxième opérateur afin de disposer d'une couverture nationale complète.

Le partage des données avec la police est déjà une réalité. Aujourd'hui, toutes les applications et les matériels informatiques sont nativement partagés par la gendarmerie et la police, qui recourent toutes deux au service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure. Bien entendu, le fait que nos applications respectives soient conçues par le même service, et quasiment identiques, les rend parfaitement interopérables.

Nous opérons effectivement dans les zones rurales et périurbaines, tandis que la police est présente en zone urbaine. Dans les franges entre ces différentes zones, nous avons mis au point un dispositif opérationnel permettant des renforts croisés : les policiers peuvent venir renforcer les gendarmes et vice versa, et les deux services peuvent communiquer par radio sans aucun problème, l'interopérabilité des trois dispositifs rattachés au ministère de l'Intérieur – RUBIS pour la gendarmerie, ACROPOL pour la police, ANTARES pour la sécurité civile – étant totale. Nous réfléchissons actuellement au réseau radio du futur, qui sera lui aussi nativement partagé – les trois réseaux que je viens de citer ayant vocation à devenir un réseau unique à l'horizon 2025-2030.

La gendarmerie fait évidemment partie des unités déployées en OPEX. Nous étions en Afghanistan aux côtés de nos camarades des armées et nous y avons vécu des moments forts de fraternité d'armes. Cette opération a montré aux gendarmes qu'ils n'avaient pas perdu leur militarité et aux autres armées que les gendarmes pouvaient prendre part à des opérations militaires. Aujourd'hui, notre participation se fait plutôt dans le cadre de la prévôté, puisque nous ne sommes pas engagés sur les opérations majeures. Cependant, des gendarmes sont déployés sur l'ensemble du spectre, qu'il s'agisse des organisations internationales – les Nations unies et les organisations européennes –, ou de la police civile et militaire. Par ailleurs, le GIGN est engagé en Irak depuis près de dix-huit ans dans le cadre de la protection de la représentation française ; nous sommes également prêts à nous installer en Libye, dans le cas où rouvrirait une ambassade. En tout, j'ai actuellement environ 600 personnels à l'étranger. Si ces hommes ne prennent pas part aux opérations extérieures proprement dites, où l'intervention de la composante gendarmerie n'est pas nécessaire, un escadron est cependant prêt à être projeté à n'importe quel moment en accompagnement des forces, dans le cadre du contrat opérationnel. Je puise d'ailleurs dans un groupement des opérations extérieures des officiers et sous-officiers formés en langue anglaise et pourvus de toutes les certifications OTAN, ce qui me permet de les projeter très rapidement sur n'importe quel théâtre d'opérations.

Les mutualisations permettent-elles des économies ? À cette question, je répondrai que cela dépend : c'est possible uniquement quand les mutualisations sont faites intelligemment. Malheureusement, ce n'est pas le cas de toutes les mutualisations, certaines ayant été faites sans étude préalable ni méthode, mais j'espère que cela ne se reproduira pas à l'avenir.

L'office central de lutte contre la délinquance itinérante a effectivement constaté que des organisations criminelles provenant d'Europe de l'Est sont responsables de certains phénomènes de délinquance en France, qu'il s'agisse des cambriolages de masse, des vols d'engins de chantier – dont l'impact économique est énorme, car ces engins valent très cher – ou encore du vol de matériel d'ophtalmologie. Il s'agit de pratiques très organisées, avec un donneur d'ordre fréquemment basé dans un pays d'Europe de l'Est. Depuis l'an dernier, nous devons également faire face à une organisation chilienne, qui s'est associée aux réseaux d'Europe de l'Est pour faire prospérer ses activités.

Comme l'a relevé à juste titre M. le président, l'effort consistant à acheter 3 000 véhicules par an n'est peut-être pas suffisant, mais il faut se souvenir qu'il y a quatre ans, nous achetions largement moins de 1 000 véhicules ! En maintenant le cap des 3 000 achats par an sur une longue période, nous devrions réussir à reconstituer un parc automobile opérationnel. Nous sommes très intéressés par les véhicules électriques, qui posent cependant le problème de l'autonomie, sur lequel nous devons encore travailler. La Garde républicaine a d'ores et déjà conclu un partenariat avec Renault, qui nous prête gracieusement des véhicules électriques que nous utilisons à Paris – si d'autres constructeurs sont disposés à en faire de même, nous accepterons bien volontiers de leur prêter notre image en contrepartie !

Le service central du renseignement territorial se décline effectivement au niveau de chaque département sous la forme de services départementaux, dont six sont dirigés par des gendarmes. Celui de Narbonne pose problème de longue date en raison de difficultés relationnelles : l'officier de gendarmerie placé à sa tête n'a jamais été accepté. Le syndicat des cadres de sécurité intérieure a déposé un recours administratif contre la désignation d'officiers de gendarmerie à la tête d'unités composées de policiers, et obtenu gain de cause au motif que le poste occupé par l'officier n'avait pas été publié à la bourse interministérielle de l'emploi public. Nous avons donc repris la procédure avec le directeur général de la police national et dorénavant, lorsque nous mettons en place des officiers de gendarmerie à des postes fléchés « police-gendarmerie », nous passons par le circuit normal d'appel à candidatures. En l'espèce, nous avons renommé les mêmes officiers aux mêmes postes, et je veux voir les choses du bon côté en me disant que cette affaire nous aura au moins permis de progresser en matière d'efficacité commune.

Pour ce qui est de la formation, nous avons effectivement fermé des écoles en 2009. Dans le même temps, nous avons acquis la base aérienne de Dijon, où nous allons installer deux compagnies supplémentaires l'année prochaine, afin de répondre à nos besoins en termes de formation. Je précise que la formation d'élèves gendarmes en Espagne ne répond pas à une exigence capacitaire, mais à une logique européenne. Il existe une force de gendarmerie européenne, qui permet à l'ensemble de nos forces de police à statut militaire européennes d'intervenir à l'étranger. Nous sommes ainsi intervenus en Afghanistan, ainsi que dans certaines régions africaines, sous le mandat « Force de gendarmerie européenne » (FGE), et nous nous sommes aperçus que le meilleur moyen pour nous d'être efficaces dans ce domaine était d'être interopérables et de nous connaître mutuellement. Pour cela, il y a deux options : soit on procède à des échanges réguliers, par exemple sous la forme de stages, soit on envoie de jeunes gendarmes se former à l'étranger. C'est ce qui a été fait en début de mois, avec l'arrivée d'une compagnie d'élèves gendarmes à Valdemoro, près de Madrid. Je me suis rendu sur place dimanche, où j'ai pu constater que la greffe prenait bien.

Les personnels de la Guardia civil et les gendarmes français, qui partagent le même statut militaire et les mêmes missions, et sont soumis quasiment à la même organisation, ont 900 heures de formation en commun, comprenant à la fois une formation professionnelle et une formation militaire. Pour ma part, je pense que les 120 élèves gendarmes concernés sortiront de cette formation avec une culture partagée, qui sera d'une efficacité beaucoup plus grande que celle des stages croisés répartis sur la durée de la carrière. Ils seront affectés principalement à la région du Grand Sud-Ouest, où nous sommes fréquemment amenés à interagir avec nos camarades espagnols. La coopération avec l'Espagne me paraît extrêmement importante, à la fois en matière de lutte contre le terrorisme – où l'Espagne a une longue expérience, issue des années de lutte contre l'ETA – et contre le trafic de stupéfiants, où l'Espagne constitue un point de passage pour la drogue provenant du continent africain. Dans ces deux domaines, nous avons un grand besoin d'interopérabilité et de culture partagée, qui justifie pleinement la présence d'une compagnie d'élèves gendarmes en Espagne, dans une logique d'intégration et de partage de la compétence professionnelle s'inscrivant dans le cadre de la force de gendarmerie européenne.

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