Intervention de Vincent Bru

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2019 à 21h30
Débat sur l'organisation de l'État et des services publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Bru :

« La France est une République indivisible », est-il proclamé à l'article 1er de notre Constitution. Mais la France, c'est aussi celle des 36 000 clochers, c'est-à-dire la France de la diversité et de la vitalité de nos territoires : une richesse à laquelle nos concitoyens sont fortement attachés. Lors du grand débat national, lancé le 15 janvier dernier par le Président de la République, ils ont demandé une plus grande proximité. Cette forte demande vise à la fois l'organisation de l'État et celle des services publics. Le groupe MODEM et apparentés, qui a largement pris part à ce débat, se sent particulièrement concerné par cette interpellation qui rejoint l'un des fondamentaux de notre famille centriste, laquelle a toujours défendu une vision décentralisée de l'organisation du territoire.

Le sentiment que l'État, ses administrations et ses services publics s'éloignent de plus en plus des réalités, mais aussi du quotidien de nos concitoyens, constitue un élément central de leur crispation. Leurs attentes sont compréhensibles : ils refusent un service public de moins en moins performant et de plus en plus éloigné et coûteux. Qui, mes chers collègues, pourrait rester insensible à ce sentiment d'abandon ? Personne !

Les demandes de nos concitoyens sont claires : simplifier et raccourcir les délais des décisions, revoir l'organisation administrative et permettre de prendre des mesures pleinement adaptées aux spécificités de chaque territoire.

Au Mouvement démocrate, nous partageons cette volonté de prendre en compte les spécificités locales. Sans doute, notre pays a eu besoin d'affirmer son unité au cours des siècles passés grâce à une organisation centralisée. Mais, aujourd'hui, pour demeurer unis, nous devons poursuivre le processus de décentralisation. C'est d'ailleurs ce qu'avaient déjà compris le général de Gaulle et François Mitterrand.

L'indivisibilité de notre République ne doit pas impliquer nécessairement son uniformité. Affirmer cela, c'est reconnaître la France dans sa diversité, dans ce qui fait au fond sa richesse et son attractivité aux yeux du monde. Nous vantons tous les jours la France des terroirs et des territoires, la France des géographies et des climats, la France aux accents divers, y compris le Pays basque, toutes ces particularités qui font que la France est ce qu'elle est. Et nous, députés, réunis au sein de cette Assemblée, nous représentons, tous, cette France plurielle, de métropole ou des outre-mer.

Malgré le grand mouvement décentralisateur commencé en 1982, notre État reste fortement centralisé, ce qu'a encore accentué la réduction des moyens et des effectifs. Peut-être existe-t-il encore trop de structures administratives territoriales, trop de lenteur dans la prise des décisions et leur mise en oeuvre. Notre administration apparaît trop coûteuse, voire inefficace par rapport aux attentes des citoyens.

Or nous devons avoir confiance dans les collectivités locales qui, connaissant bien les besoins de leur territoire, sont capables de prendre des initiatives pour y répondre. C'est là tout l'enjeu de la différenciation territoriale que nous appelons de nos voeux et qui, désormais, doit être inscrite dans la Constitution. Permettre une plus grande souplesse, une plus grande adaptation des règles, dans le droit fil du principe de subsidiarité, c'est donner toute sa mesure à l'intelligence locale, seule capable de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Par ailleurs, qui peut douter que les Français demeurent très attachés aux élus locaux dont ils se sentent le plus proches, et qui sont pour eux représentatifs de leur vie quotidienne ?

Sans aller jusqu'à proposer une constitutionnalisation de la clause générale de compétence pour les communes, il s'agit de conforter leur rôle, et singulièrement celui des maires, que caractérise un dédoublement fonctionnel puisqu'ils sont à la fois agents des communes et agents de l'État.

Il faut, d'abord, rendre plus lisibles les contributions financières de l'État, qui pourraient être définies pour l'ensemble d'un mandat, afin d'assurer une sécurité budgétaire ; mais il faut aussi donner une place plus efficiente aux maires au sein même des intercommunalités, en instaurant dans chacune une conférence des maires, qui serait consultée avant toute décision importante.

Cette décentralisation doit être accompagnée d'une plus grande déconcentration des services de l'État. Les autorités de l'État placées à l'échelon local, spécialement au niveau de nos départements, doivent pouvoir prendre des décisions au plus près des préoccupations de nos territoires et de nos concitoyens. Cela devrait être le cas, par exemple, des agences régionales de santé. En outre, elles doivent veiller à l'application des lois et des règlements, certes, mais s'imprégner aussi davantage d'une véritable culture de l'accompagnement et du développement territorial.

On le sait, la relation entre l'administration et nos concitoyens est complexe : on demande beaucoup à l'administration et, en même temps, on s'en méfie. Il convient donc de favoriser le lien de confiance entre les Français et leur administration. Nous le savons, cette confiance passe par une plus grande transparence au sein des administrations de l'État comme de celles des collectivités territoriales.

C'est pourquoi nous devons organiser la sobriété de l'État. La France a le taux de prélèvements obligatoires le plus important du monde : plus de 48 %. Il est légitime que nos concitoyens s'interrogent sur l'utilisation des deniers publics, c'est-à-dire de leur argent. L'État doit être aussi exemplaire pour redonner confiance aux citoyens dans nos institutions. Cette confiance doit, en particulier, être rétablie par une plus grande clarté dans les règles de rémunération des fonctionnaires et, plus largement, des agents des organismes publics et parapublics. Cela concerne d'ailleurs non seulement la rémunération principale, mais également les avantages complémentaires qui lui sont rattachés. Cette transparence est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit là de l'utilisation de fonds publics. Il va de soi qu'il ne s'agit en aucune manière d'une défiance systématique vis-à-vis des hommes et des femmes qui ont choisi de servir l'État ou nos collectivités territoriales.

À l'instar de ce qui a été décidé pour les élus dans le cadre de la loi du 15 septembre 2017 relative à la confiance dans la vie politique, cette transparence doit également être accompagnée d'une moralisation, car l'État doit inlassablement rechercher l'exemplarité. Ainsi, il convient d'assurer la clarification des liens entretenus par les fonctionnaires en partance ou en provenance du secteur privé, pour éviter tout conflit d'intérêts.

À l'endroit des collectivités locales, pourquoi ne pas envisager la limitation du cumul des fonctions et des rémunérations des cadres supérieurs, que l'on retrouve souvent au niveau communal comme au niveau intercommunal ? Pourquoi ne pas envisager que, dans chaque département, un déontologue puisse accompagner les élus et les fonctionnaires territoriaux, dans un souci de transparence et de confiance ?

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