Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2019 à 21h30
Débat sur l'organisation de l'État et des services publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

La ministre des outre-mer a annoncé que le revenu de solidarité active à La Réunion serait recentralisé au niveau de l'État. C'est une proposition que j'avais faite dans cet hémicycle, le 12 juin 2018. Aujourd'hui la classe politique réunionnaise s'en félicite : je m'en réjouis.

Alors que seulement 5 % de la population hexagonale est couverte par le RSA, ce n'est pas moins de 30 % chez nous. C'est une différence énorme que l'État n'a pas prise en compte lors du transfert de compétence. Ainsi, l'écart de reste à charge pour le département se chiffre à 150 euros par habitant à La Réunion, contre 50 euros dans l'Hexagone. La recentralisation est donc la seule solution.

Cependant, aucune date n'a encore été annoncée. Ma première question est la suivante : cette recentralisation sera-t-elle inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020 ? De plus, le conseil départemental signale que le financement par l'État n'a jamais pris en compte l'évolution annuelle du nombre de bénéficiaires, ce qui a engendré une dette de l'État de plusieurs centaines de millions d'euros. Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, pouvez-vous vous engager à payer cette dette ? C'est une somme dont La Réunion a besoin.

Autre point : j'ai eu l'occasion de rencontrer des apiculteurs réunionnais il y a quelques jours. Ni les MAE – mesures agroenvironnementales – ni le fonds de renouvellement des ruchers ne leur ont été versés. C'est pour eux un manque qui pénalise la lutte contre la disparition des abeilles, puisqu'il met en danger leur activité. Êtes-vous prêts à sauver les apiculteurs et, à travers eux, les abeilles et notre biodiversité ? Êtes-vous prêts à participer ainsi au sauvetage de l'humanité ?

De manière globale, la FEDOM – Fédération des entreprises des outre-mer – nous indique que l'État dépense par habitant 5 % de moins à La Réunion que dans l'Hexagone. Alors que les inégalités économiques et sociales y sont beaucoup plus graves, on apprend donc que l'État estime normal d'investir moins dans nos territoires. Voilà une forme de discrimination que vous continuez de pratiquer vis-à-vis des outre-mer.

Parallèlement à cette situation, votre gouvernement a durement attaqué les outre-mer : diminution de l'abattement fiscal et suppression des contrats aidés, de la TVA non perçue récupérable et de l'allocation d'accession à la propriété. À cela s'ajoutent les mesures antisociales nationales qui affectent aussi les outre-mer.

On peut également évoquer la complexité d'accès aux services publics outre-mer. Désormais, toutes les démarches se font par internet et il est de plus en plus difficile d'avoir quelqu'un au téléphone ou à un guichet. Le Défenseur des droits l'a lui-même souligné : la numérisation à marche forcée et sans solution de remplacement écarte toute une partie de la population de l'accès aux droits fondamentaux. Il est donc urgent de trouver des solutions, car la numérisation à outrance exclut de plus en plus de familles et créé des drames évitables, qui aboutissent parfois à l'explosion des cellules familiales et à la mise en retrait de personnes fragiles.

Et voilà que vous voulez remettre en question les congés bonifiés des fonctionnaires ultramarins éloignés de leurs territoires. Je rappelle que ces congés bonifiés ne constituent pas un privilège : ils sont simplement une bouée de sauvetage pour un peuple déraciné à cause du chômage qui touche leur territoire d'origine. Dois-je également rappeler que ces mêmes ultramarins sont considérés comme une chance pour l'Hexagone, en occupant des emplois dont les hexagonaux ne veulent plus ?

Oui, s'attaquer aux congés bonifiés, c'est réaliser un acte de maltraitance supplémentaire sur les ultramarins travaillant ici et sur leur famille restée sur leur terre natale. Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, des milliers d'ultramarins se mobilisent contre cette réforme injuste. Cessez de vous acharner, retirez-la !

Je vous le dis : l'organisation de l'État et des services publics outre-mer va à rencontre du bon sens et de l'intérêt général. Vous précipitez nos territoires dans la catastrophe et les populations réagiront obligatoirement par de nouvelles manifestations. Les braises sont encore chaudes : l'explosion sociale globale est à nos portes si vous poursuivez dans cette mauvaise direction.

Votre méthode de manipulation systématique de l'opinion publique par les quelques lieutenants d'En marche qui restent, afin de maintenir l'illusion que vous seriez des progressistes et des démocrates, ne tient plus.

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