Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2019 à 21h30
Débat sur l'organisation de l'État et des services publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Il m'est difficile de débuter mon intervention sans évoquer le caractère spécieux de ce débat.

Il est spécieux, d'abord, parce que la segmentation des thèmes retenus par le Président de la République apparaît totalement artificielle. Séparer l'organisation de l'État et la fiscalité revient à analyser les conséquences d'un phénomène sans en examiner les causes. C'est une chose que de débattre de ce que devrait être le service public dans l'absolu ; c'en est une autre que de réfléchir en gardant présente à l'esprit une réalité que beaucoup d'entre nous semblent ignorer : la France est le pays le plus fiscalisé d'Europe.

Il faut donc proscrire toute idée autre qu'une baisse des impôts, et donc de la dépense publique, n'en déplaise aux ministres et membres de la majorité qui rivalisent d'imagination en la matière. Cette imagination s'inscrit, du reste, dans la droite ligne de celle qui est à l'oeuvre depuis deux ans : onze nouveaux prélèvements ont vu le jour en France depuis l'élection d'Emmanuel Macron.

Le débat est spécieux, ensuite, parce que tout le monde a compris que la sortie du grand débat n'allait pas se décider au Parlement, mais à quelques-uns, dans le bureau du Président de la République : grand débat ou pas, c'est toujours le même principe de l'entonnoir qui s'applique.

Pour tenter, malgré tout, de faire oeuvre utile, il est indispensable de rappeler le contexte qui entoure nos discussions. Deux exigences en apparence contradictoires sont apparues dans les premiers temps de la mobilisation des gilets jaunes : moins d'impôts et plus de services publics. Moins d'impôts ? Et pour cause : avec plus de 1 000 milliards d'euros de prélèvements, jamais l'État n'a autant ponctionné les Français. Plus de services publics ? Et pour cause : 20 à 25 % de la population n'y a tout simplement pas accès.

Pour résoudre cette équation impossible, il faut une ambition que l'on pourrait formuler ainsi : « mieux de services publics ». Il faut aussi des actions exigeant une vertu qui fait jusqu'à présent défaut au Gouvernement : le courage.

Car il faudrait d'abord avoir celui d'affirmer que, aujourd'hui, les fonctionnaires ne travaillent pas assez. D'après la Cour des comptes, en effet, 310 000 agents de l'État travaillent moins que la durée légale, et l'on trouvera de nombreux exemples analogues – et peut-être plus nombreux encore – dans la fonction publique territoriale. C'est la raison pour laquelle Les Républicains proposent de rétablir les 39 heures dans les trois fonctions publiques, mesure qui devrait être assortie de compensations salariales et d'une vraie mobilité professionnelle.

S'il faut moins de fonctionnaires, il faut des fonctionnaires mieux payés et formés tout au long de leur vie. Il faut aussi – et c'est là un aspect intéressant du projet de loi sur la fonction publique – élargir le recours à des contrats de droit privé, y compris pour les postes de direction. Le statut de la fonction publique ne doit plus être un totem. Il faut s'ouvrir à d'autres expériences et à d'autres parcours, et faciliter les allers-retours entre le public et le privé.

Il faut avoir aussi le courage de dire qu'avec 5,5 millions de fonctionnaires – soit 1 million de plus qu'en Allemagne, par exemple – , preuve est faite que la quantité ne fait pas forcément la qualité du service rendu, sans quoi la France serait le pays le mieux administré au monde. Trop d'agents à certains endroits et pas assez à d'autres : voilà où est le problème. Il faut d'urgence chasser les doublons et redéployer des effectifs dans les zones en déficit ou dans les secteurs en grande souffrance, notamment dans la fonction publique hospitalière, qui ne s'est toujours pas relevée des 35 heures.

Les marges de manoeuvre existent, messieurs les ministres. Elles sont considérables et excèdent de loin les objectifs, pour l'heure théoriques, que le Gouvernement affiche en matière de réduction du nombre des fonctionnaires.

Je n'en prendrai qu'un exemple, que je connais bien en tant que députée de Paris : le Grand Paris, où vit un Français sur six et où les échelons s'empilent – l'État, la région Île-de-France, quatre départements, la Ville de Paris, 124 communes, la métropole du Grand Paris, des syndicats par dizaines – , avec autant d'intérêts politiques et administratifs divergents ! C'est un maelström où des institutions qui exercent des compétences analogues sont en concurrence les unes avec les autres.

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