Intervention de Pierre Morel-À-L'Huissier

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2019 à 21h30
Débat sur l'organisation de l'État et des services publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-À-L'Huissier :

J'aborde maintenant le problème des compétences entre collectivités locales. La confusion règne dans la répartition des compétences, suite aux lois précitées, que ce soit au niveau des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions. La loi NOTRe est un véritable poison ayant nécessité en 2017 et 2018 l'intervention de cabinets d'études, juridiques et financiers, pour essayer de procéder à des transferts de compétences entre communes et intercommunalités. Tout le monde dénonce les effets pervers de la loi NOTRe. Comment comprendre que les départements gèrent actuellement les collèges, mais qu'ils n'aient aucun pouvoir de décision sur l'organisation des transports scolaires, qui relèvent désormais des régions ?

Pour prendre un autre exemple, la compétence en matière d'eau et d'assainissement va être transférée en principe aux communautés de communes l'année prochaine, alors que, dans un grand nombre de cas, elles ne sont pas prêtes à assumer cette responsabilité. Il en va de même pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, ou GEMAPI, dont les intercommunalités devront désormais s'occuper alors qu'elles n'y sont pas correctement préparées.

Notre groupe propose la mise en place, sans délai, d'un groupe de travail pour établir une répartition des compétences qui soit claire, logique, et qui fasse application du principe de subsidiarité.

On ne peut plus attendre. Le Président de la République, qui n'était pas favorable à une réforme de la décentralisation, s'est montré récemment, dans le débat national, ouvert à de nouvelles libertés communales et à une révision de la loi NOTRe. Je dis banco ! Les associations d'élus devront se montrer raisonnables et responsables et arrêter de se crisper sur leur ego.

Ceci dit, je ne saurais passer sous silence la détérioration des relations entre les citoyens et l'administration, ainsi qu'entre les élus et l'administration.

Les réformes de l'État ont conduit à un renforcement de l'échelon régional au détriment de l'échelon départemental, ce qui a éloigné les centres de décision administratifs. On a vidé les directions départementales de l'encadrement des fonctionnaires de catégorie A. Cet éloignement a été aggravé par l'agrandissement des régions. Je prends l'exemple de la Lozère : il faut trois heures pour aller de Mende à Toulouse, siège de la préfecture de région. À cela s'ajoute la dématérialisation des procédures, qui déshumanise les relations avec l'administration, sans compter la fracture numérique territoriale, qui est criante dans ce pays.

Nos propositions sont les suivantes. Il faut que l'administration d'État soit à l'écoute des territoires, et, pour cela, intègre les maisons de services au public. Il faut que l'ingénierie de l'État puisse s'exercer auprès des élus, à travers des sous-préfets mobiles, qui pourraient aider à la constitution de dossiers et à la recherche de financements publics. Les fonctionnaires doivent sortir sur le territoire ! Il faut également changer de paradigme, en passant d'une administration de contrôle à une administration d'accompagnement. C'est une révolution culturelle de l'administration, et notamment des administrations centrales, qui pondent des instructions, des directives, qui complexifient la relation entre les citoyens et les élus. Il faut dans le même temps que chaque réponse négative de l'administration soit assortie d'une réponse positive d'accompagnement du citoyen ou de l'élu. Il faut permettre une adaptation des normes aux réalités locales . Il faut que la déconcentration de l'État se réoriente vers les directions départementales pour redonner de la proximité sur les territoires.

Tout ceci exige que le politique reprenne du pouvoir sur l'administration . Ce n'est pas gagné.

Voilà des propositions susceptibles de redonner de la confiance et du sens à l'action publique, et surtout de la lisibilité aux citoyens.

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