Intervention de Général Jean-Pierre Bosser

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre :

Le « paquet protection » est en effet clairement identifié – 474 millions d'euros pour la période 2018-2023, dont 203 millions pour 2018. Je suis parti à la conquête de ressources puisque l'armée de terre peut trouver des effets physiques élevés avec des sommes « relativement modestes ». Ainsi, si, sur les quelque 200 millions d'euros dudit « paquet » prévus pour 2018, l'armée de terre pouvait bénéficier d'une quarantaine seulement, elle pourrait pratiquement, d'ici à la fin 2018, doter la moitié de la force opérationnelle terrestre des nouveaux gilets dits « structures modulaires balistiques » – que vous avez pu voir à Satory –, elle pourrait équiper la quasi-totalité de ses soldats en OPEX avec le treillis F3, dont le tissu est le plus protecteur notamment vis-à-vis du feu, elle pourrait enfin équiper un tiers des collections du programme Félin avec le nouveau casque composite. Je souhaite ainsi obtenir davantage d'effets physiques et de symboles liés à la remontée en puissance. Si l'on pouvait dire qu'en 2020 on aura équipé la totalité de la force opérationnelle terrestre en gilets, ce serait un bon signal. Si l'on peut remplacer, à l'horizon 2022, l'ensemble des pistolets modèle 1950 par des pistolets plus modernes, cela aurait du sens et, politiquement, ce serait recevable.

Je tiens à vous dire quelques mots de la mise en place du nouveau dispositif Sentinelle. Vous avez compris qu'il y avait trois échelons : le premier composé d'hommes déployés de façon permanente sur des sites jugés sensibles – on pense aux grands monuments de Paris –, le deuxième que je souhaiterais davantage dédié à l'anticipation, et enfin le troisième composé d'une réserve stratégique d'environ 3 000 hommes. Le deuxième échelon pourrait renforcer le premier lors de grands événements, mais il serait également chargé de préparer les scénarios de crise les plus importants. La cuirasse absolue n'existe pas et l'on peut bien déployer 10 000, 20 000 ou 30 000 soldats, si nous devons être attaqués, nous le serons. Reste que si l'on peut accepter d'être pris par surprise, d'être « bousculés », et ce sera difficile, nous n'avons en revanche pas le droit d'être pris en flagrant délit d'impréparation. C'est pourquoi je souhaite pousser d'autres services, notamment ceux de l'État, à imaginer des scénarios de crise dans leur environnement. Dit autrement : à certains endroits, il vaut mieux mobiliser 25 spécialistes de la sécurité civile, de la menace bactériologique ou chimique, plutôt que d'avoir 300 soldats à pied postés devant des entrées de sites particuliers. Nous devons donc développer cette culture de la planification de scénarios de crise et l'intégrer au dispositif Sentinelle.

S'agissant des forces spéciales, elles font l'objet d'une dotation spéciale de matériels. La correction nécessaire a donc été effectuée et elles sont donc désormais clairement identifiées.

Ce que rappelle Bernard Pêcheur sur les conditions opérationnelles est vrai. De janvier 2015 à l'été 2016, la préparation opérationnelle « métiers » a énormément souffert. Je ne suis donc pas surpris que certains équipages n'aient pas pu faire de la préparation opérationnelle en char pendant un an, voire plus. Nous sommes en train de complètement résorber ce déficit du fait de l'arrivée de nouveaux soldats et du rééquilibrage de l'opération Sentinelle. Entre janvier 2018 et l'été 2018, ce que vous avez pu constater, ainsi que le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, ne doit plus se reproduire au sein de l'armée de terre. J'y veillerai scrupuleusement.

Le Haut comité fait par ailleurs état de soucis en matière de fidélisation, en tout cas d'un pourcentage de militaires qui pensent sérieusement à se reconvertir en dehors de la défense. La totalité des militaires du rang sont sous contrat et le fait de penser qu'au terme de celui-ci on rejoindra le monde civil est en fait plutôt sain. La question est de savoir à quel moment, avec quels outils et pour faire quoi. Aussi, je ne suis pas choqué par le chiffre mentionné.

Voilà qui m'amène à évoquer le recrutement. Je m'interroge sur le fait de savoir si le modèle du recruteur, dans les bureaux, incarné par le vieux soldat qui a fait toutes les campagnes, est encore le bon. Ne faut-il pas davantage utiliser les réseaux sociaux ? Il faudrait trouver un juste milieu car nous devons aussi attirer nos jeunes par le biais des moyens de communication actuels : la page Facebook de l'armée de terre est remarquable et notre compte Twitter fonctionne très bien. Ainsi, quand nous avons organisé la journée nationale des blessés de l'armée de terre, le 23 juin dernier, j'ai mis sur le pont, à titre expérimental, une équipe de jeunes spécialistes afin qu'ils relaient l'information sur les réseaux sociaux et, de neuf heures à onze heures, nous sommes passés de zéro à 300 000 connexions, ce qui est énorme. Nous ferons donc sans doute, à l'avenir, une partie du recrutement par le biais de ce modèle.

Enfin, en ce qui concerne le service militaire volontaire, je ne serais pas totalement honnête si je vous affirmais que le projet était totalement désintéressé en matière de recrutement. Eh bien, à ma grande surprise ce dernier est très faible puisque le taux d'engagement dans l'armée de terre à la sortie du SMV est d'environ 5 % seulement. Le SMV n'est donc pas, de fait, une machine à recruter. Reste que si, d'aventure, les recrues étaient intéressées, nous serions preneurs.

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