Intervention de Général Jean-Pierre Bosser

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre :

Le rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire met l'accent sur la fidélisation, thème dont se préoccupe l'armée de terre depuis un certain temps. Quand l'armée de terre est passée, en 1996, d'une armée d'appelés à une armée d'engagés, son modèle a été construit sur une durée moyenne de maintien dans l'institution de huit ans. Cet objectif était assez élevé puisque, avant 1996, alors qu'on comptait environ 30 000 militaires du rang professionnels – essentiellement la légion étrangère et les troupes de marine –, le taux maximum de maintien dans l'institution était de six ans et demi.

Ce sujet me touche personnellement, parce que je commande des soldats depuis maintenant presque quarante ans et parce que je suis toujours en relation avec mes premiers soldats qui m'écrivent encore et qui, bien sûr, ne sont pas restés militaires puisque tous étaient sous contrat. La famille militaire fourmille de cas particuliers. Il y a ceux qui viennent pour une première expérience professionnelle : au bout de cinq ans, ces gars-là s'en vont, contents d'être venus mais ils n'imaginent pas leur vie à 600 kilomètres de l'endroit où habite leur famille. Il y a ceux, ensuite, qui veulent rester plus longtemps et un garçon ou une fille qui remplit les conditions requises n'a jamais vu le renouvellement de son contrat refusé, à l'exception de certains cas, certes, pour raisons professionnelles. Il y a enfin ceux qu'on garde si longtemps sous contrat qu'ils ne voudraient plus partir, mais leur statut implique qu'on les rende à la vie civile… Aussi ont été mis en place des outils de reconversion et de placement assez performants : un centre de formation professionnelle se trouve à Fontenay-le-Comte, que je vous invite à visiter. Reste qu'ils sont en contrat avec nous et que s'ils souhaitent partir, ils partent et s'ils partent contents d'avoir passé cinq ou huit ans chez nous, tant mieux. Le seul problème est que nous avons une armée de haute technologie et qu'il nous faut trouver le bon équilibre entre la rentabilité de la formation et le maintien au sein de l'institution.

Deuxième point, il est vrai que l'opération Sentinelle a des conséquences sur la fidélisation. Les absences, les risques encourus en opération, la mobilité, le fait de ne pouvoir accéder à la propriété – ce qui est plus difficile quand on est contractuel –, le fait de percevoir un salaire à peu près égal à celui du voisin mais avec des conditions de disponibilité peut-être différentes, ces éléments augmentent les tensions sur les proches, les familles, les conjoints, les enfants. Par ailleurs, on ne parle jamais de l'intérêt marqué par les employeurs civils pour nos soldats : parmi la population que je connais, la quasi-totalité des jeunes qui quittent l'armée trouve un emploi et les employeurs sont très heureux d'avoir des garçons et des filles responsables, loyaux, fiables, disponibles, qui savent vivre en collectivité. Nos jeunes savent donc que même dans un contexte assez difficile sur le marché du travail, ils ont toutes les chances de retrouver un emploi. La combinaison de ces facteurs fait qu'on ne maîtrise pas la totalité du spectre en matière de fidélisation, de dénonciation précoce du contrat – l'expérience montre toutefois que le garçon ou la fille qui ne part pas dans les six premiers mois, reste jusqu'au terme de son contrat de cinq ans.

Cela m'amène à évoquer la question des congés. Cette année, la quasi-totalité de l'armée de terre a pu prendre quatre semaines de repos entre le mois de juin et le mois de septembre – si possible de la manière la plus regroupée. En 2016, j'aurais bien aimé leur donner des permissions. Nous avons déployé 10 000 hommes en juin autour de la coupe d'Europe de football qui s'est terminée aux alentours du 10 juillet. J'ai maintenu la pression jusqu'au 14 juillet – or vous savez tous ce qui s'est passé le 14 au soir à Nice. Aussi certains militaires ont intégré l'opération Sentinelle en mai pour la quitter en septembre. Nous avons essayé de les faire tourner afin qu'ils puissent prendre des vacances mais ce ne fut pas facile – l'année 2016 a été compliquée mais j'avais donné consigne pour qu'en 2017 on planifie les permissions d'été et, Dieu merci, il n'y a pas eu de problème majeur en matière de sécurité nationale et tous les soldats que je croise ont pu prendre leurs permissions d'été correctement. La planification des permissions fait partie de la gestion du temps que j'évoquais tout à l'heure – il est important de pouvoir réserver une location à l'avance – nonobstant ce qui peut se passer par la suite compte tenu de la nature du métier.

L'évolution du dispositif Sentinelle, rendu plus dynamique avec la possibilité de donner plus de missions aux soldats, contribue à une meilleure appropriation de l'opération.

Enfin, en ce qui concerne l'alimentation, je n'ai pas de retours. J'en ai eu beaucoup au cours des six premiers mois mais, honnêtement, plus aujourd'hui. Nous allons examiner le rapport de Bernard Pêcheur – j'ai de très bonnes relations avec celui-ci et nous sommes convenus qu'à la publication de chaque rapport nous évoquerions en tête à tête les différents sujets, or je le rencontre la semaine prochaine. Nous sommes en tout cas très heureux qu'existe le Haut comité d'évaluation de la condition militaire qui, de façon totalement objective puisqu'extérieure, fait remonter nos préoccupations jusqu'au sommet de l'État – son rapport a été remis au président de la République…

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